La foudre

Orages et Désespoir
       

La foudre

 

Orages et Désespoir

 

Avec l'été revient le cortège des orages dont les conséquences sont toujours à redouter. Il suffit de par courir le registre des traditions populaires de nos terroirs picard pour mesurer les hantises qui lui étaient jadis associées. On craignait que la foudre atteigne bêtes et gens ou que des "rangs de grêle" anéantissent en un instant la récolte de toute une année.

On prétendait que la lueur des éclairs faisait périr les jeunes plants de rave, et que l'orage étouffait les couvées.

Pour éviter ces inconvénients on plantait une section de herse, une vieille faucille, un débris de fer dans les semis de raves, et on plaçait un fer à cheval ou un morceau de fer dans le nid des couveuses. On ne pensait toutefois pas un seul instant que le phénomène pût être autre chose que démoniaque.

Seuls les sorciers et surtout les sorcières, étaient selon les croyances capables d'appeler et de provoquer les orages.

Nous possédons sur ce point particulier des témoignages fort anciens, remontant au-delà du Vlllème siècle. Le droit germanique de l'époque allait ainsi jusqu'à prévoir une indemnité à verser à la personne dont la récolte avait été endommagée à cause d'un maléfice. Il arrivait même, que l'art de susciter des orages pût devenir un racket organisé comme au temps des Wisigoths, lesquels disposaient de tempestarii, genre de corsaires qui rançonnaient les campagnes, et intimidaient les paysans en les menaçant de déclencher les orages.

Ceux-ci les payaient pour épargner leur champ et frapper à la place ceux du voisin.

Les pénitentiels anglo-saxons du Vlllème siècle parlaient encore des activités des tempestarii comme des péchés familiers dont chacun était au courant.

Vers 820, l'évêque de Lyon note que presque tout le monde, noble et roturier, citadin ou paysan, croyait aux pouvoirs surnaturels des faiseurs d'orages. Et si à la fin du Moyen Age les lois ne se souciaient plus guère de l'art de ceux-ci, on continuait d'y croire largement et de le pratiquer à l'occasion. Dans les procès de sorcellerie qui vont secouer notre région durant trois siècles, les orages sont souvent au centre des débats et c'est par leur intermédiaire que l'on accusera par exemple Péronne Goguillon de Bouvignies près d'Orchies, d'avoir gâté les fruits de la vigne et de la terre... en 1679.

On connaît la technique qui était utilisée pour provoquer les orages : elle consistait à battre, remuer ou faire gicler de l'eau. A cette fin une mare était idéale, mais si aucune mare n'était disponible, il suffisait de faire un trou dans le sol, de le remplir d'eau, voire de sa propre urine, et de remuer le liquide avec le doigt. On comprend dans ces conditions qu'il ait été nécessaire de faire appel à des puissances bénéfiques pour se protéger de tels maux.

La première réaction, du paysan, face à l'orage est donc de recourir à la protection toute magique d'un saint.

En Hainaut, après avoir allumé un cierge en l'honneur de saint Donat, il récite une prière et demande au saint de détourner l'orage et de le faire tomber "sur l'eau, où il n'y a pas de bateau".

Dans les Ardennes, c'est à saint Hubert que vont les oraisons : on le prie de garantir des trois choses : du tonnerre, de l'éclair et de la mauvaise bête courante alias le dragon. Ces prières et formulettes sont parfois accompagnées d'actes accessoires dans lesquels interviennent des talismans chrétiens ou christianisés

En Picardie et en Flandre les dévotes aspergent la maison d'eau bénite avec un rameau de buis, parfois elles vont jusqu'à allumer le cierge bénit le jour de la Chandeleur.

Dans la province de Liège, le buis bénit est brûlé dans trois coins de la chambre, si la foudre vient à entrer, elle sort par le quatrième.

Mais la protection contre l'orage ne relève pas exclusivement d'objets christianisés.

Toujours dans la province de Liège, certains ont en effet l'habitude de répandre du sel aux quatre coins de la pièce.

Et dans la région de Cassel, on laisse pousser de la joubarbe sur le faîte des toits de chaume pour la même raison.

B.C. (L'almanach du Picard 2000)

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