Les Arabes

 

 

De la civilisation grecque à la civilisation arabe

Aristote, Organon, Rhétorique et Poétique, traductions arabes, IXe-Xe siècle. Copié en 1027. Fin de la 2e partie des Topiques, traduits par Abû 'Uthmân al-Dimashqî (mort v. 920).Alors que les Grecs ont perdu la prépondérance dans le Bassin méditerranéen et toutes leurs colonies, se faisant supplanter sur le plan politique et militaire par les Romains, les savants se rassemblent à Alexandrie, poursuivant leur oeuvre de chercheur dans de nombreux domaines. Il y a durant cette longue période, inaugurée par Aristote, de nombreux savants comme Archimède, Euclide, Appolonius, Aristarque et Hipparque. On sait très peu de chose sur Ptolémée lui-même. D'après ses propres œuvres et les études réalisées par les chercheurs, Ptolémée, astronome et mathématicien grec, a vécu entre 100 et 165 de notre ère. Il est surtout l'auteur d'un célèbre ouvrage, Syntaxe mathématique, qui résume toutes les connaissances acquises et ses propres études en matière d'astronomie mathématique.
Entre le IVe et le Ve siècle, de nombreux savants continuent à annoter l'œuvre de Ptolémée. Cependant, à partir de l'époque de Ptolémée, en raison de l'annexion des régions orientales de la Méditerranée par l'Empire romain, l'esprit scientifique commence à décliner et à perdre de sa créativité dans la Grèce antique. Au début du VIe siècle, l'Empereur Justinien ordonne de fermer l'Académie d'Athènes créée par Platon, signe de la fin de la civilisation occidentale antique. Puis, au milieu du VIIe siècle, des musulmans fanatiques détruisent la plupart des livres anciens en brûlant la Grande Bibliothèque d'Alexandrie. Ainsi se perdent en Occident les traces de l'astronomie et de la Syntaxe mathématique.

La période allant du VIe au XIe siècle est tenue en Occident pour une époque d'obscurité et de désordre, où la civilisation grecque, notamment sa tradition scientifique, semble avoir disparu. Toutefois, il existe à l'époque une civilisation orientale, présente jusqu'en Europe de l'Est et du Sud, initialement hostile à la tradition scientifique de la Grèce antique. Grâce à l'Empire byzantin et le Califat, dont les centres se trouvent respectivement à Constantinople et à Bagdad, les scientifiques peuvent poursuivre leur oeuvre.
Ptolémée, Almageste, traduction arabe par Ishâq b. Hunayn (830-910), revue par Thâbit b. Qurra (836-901). Copié par Ibrâhîm ibn Muhammad al-Sharfî, Maghreb ou Espagne,1221. Si Byzance a su conserver un grand nombre de manuscrits grecs, c'est que l'Empire, profondément influencé par la culture grecque, attachait une importance primordiale à la science et à l'éducation. Il faut dire que Justinien 1er ne visait pas la civilisation grecque elle-même, mais la fameuse Académie d'Athènes, symbole de la science des païens.
Les musulmans ont su conserver, voire promouvoir, la tradition philosophique et scientifique de la Grèce antique. On peut y voir une conséquence de l'hellénisation des régions du Moyen-Orient (y compris la Syrie, la Perse, et les régions comprises entre le Tigre et l'Euphrate), résultant des deux événements historiques suivants : conquête de l'Asie (334-323 av. J.-C.) par Alexandre le Grand et exode massif des Nestoriens vers l'Est (au milieu du Ve siècle av. J.-C.), à la suite d'un échec dans les querelles doctrinales religieuses. Après la fermeture de l'Académie d'Athènes par Justinien 1er, de nombreux savants grecs, invités par Khorso 1er, roi assanide de Perse, sont allés s'installer en Perse. Ils emportaient avec eux beaucoup de livres et de documents. Plus tard, Jundishapur, ville située non loin de Bagdad, se transforme en un centre de la civilisation grecque, autre exemple, donc, de l'hellénisation de la région. À partir du VIIe siècle, la religion islamique prend son essor et conquiert, en l'espace d'un siècle, tout le Moyen-Orient, la plupart des régions de l'Afrique du Nord, de la Sicile et de l'Espagne. À partir du VIIIe siècle, les imams musulmans, épris de la civilisation grecque déjà très présente au Moyen-Orient, se mettent à traduire en langue arabe les livres écrits en grec ou en syrien. La première version arabe de la Syntaxe mathématique grecque de Ptolémée a été traduite de la langue syriaque, semble-t-il, par al-Hajjaj Ibn Yusuf de Bagdad en 829-830. Ce traité d'astronomie a pris alors le titre de Kitab al-mijisti, appelé aussi l'Almageste. Il y a eu, du IXe au Xe siècles, plusieurs versions arabes de cette œuvre, ce qui a permis de stimuler le développement de la science astronomique dans le monde islamique. Ainsi, la civilisation grecque - notamment la philosophie, la mathématique, l'astronomie et la médecine -, absorbée par les imams musulmans, et faisant désormais partie intégrante de la culture islamique,est-elle transmise en Afrique, en Sicile et en Espagne.

L'expansion de l'islam

L’ère musulmane – appelée l’hégire– commence en 622, quand le prophète Mahomet (570-632) quitte La Mecque pour Médine où il lance un appel à la conquête islamique. En un siècle, les Arabes vont bâtir un immense empire, de l’Espagne jusqu’en Inde.
En pleine expansion, l’Empire islamique transfère sa capitale de Damas à Bagdad au VIIIe siècle et assimile les cultures qu’il rencontre, aussi différentes que celles de la Perse et de Byzance. Encouragé et organisé officiellement par les califes abbassides, un important mouvement de traduction en arabe se développe alors. Médecine, logique et philosophie grecques, littérature persane, astronomie indienne… Synthétisées à travers l’islam, elles font émerger une nouvelle culture philosophique et scientifique arabe : c’est l’adab.

La science et la religion islamique s'accordent harmonieusement, le mot science lui-même apparaissant dans 160 versets du Coran. Plus encore, le Coran incite à la connaissance. Le Prophète Muhammad prône : « l’encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr », « la science est plus méritoire que la prière » et même « peu de savoir vaut mieux que beaucoup de culte».

L’adab entraîne un nouvel essor des savoirs en général, et de la science en particulier. Les IXe et Xe siècles sont la période faste de la culture "encyclopédique" arabe qui se répand dans tout le monde musulman, et jusqu’en Occident. Ishâq ibn Hunayn (809-873), l’un des traducteurs les plus remarquables, transcrit ainsi tout le corpus médical de Galien (131-201) et d’Hippocrate (460-377 av. J.-C.), préparant le Canon de médecine d’Avicenne (980-1037), une encyclopédie médicale qui sera traduite en latin et fera autorité durant cinq cents ans. À la fois médecin, astronome, mathématicien, physicien, géographe et historien, al-Bîrûnî (973-1048) décrit l’histoire de l’Univers dans la tradition grecque. Au Xe siècle, al-Fârâbî (872-950) donne une interprétation d’Aristote (384-322 av. J.-C.) et de Platon (428-348 av. J.-C.) qui harmonise les deux philosophies.

Ibn Sînâ (dit Avicenne), Kitâb al-Shifâ' (Livre de la guérison [de l'âme]). Copié à Constantinople (?), 1467.La classification des Arabes repose sur celle d’Aristote qui ordonne la totalité du savoir de l’Antiquité. Les savants arabes imitent et complètent les traités du philosophe grec. Sous son influence, ils s’attachent à comprendre l’Univers, classer les connaissances, et tenter une synthèse entre le savoir sacré et les savoirs profanes. Averroès (1126-1198), le grand commentateur arabe d'Aristote, démontre au XIIe siècle les liens entre Révélation et philosophie.

Il y a cependant des résistances à l’intégration dans la pensée musulmane de la philosophie et des sciences grecques. La thèse fondamentale d’Aristote sur l’éternité du monde soulève de fortes oppositions. Des théologiens comme al-Ghazâlî (1058-1111) taxent d’infidélité tous ces philosophes qui interprètent les Lois révélées. Cette problématique est partagée par les savants juifs : le grand code législatif civil et religieux de Maimonide (1135-1204) s’oppose à la philosophie religieuse rigoriste de Ben Gikatilla (1248-1325).
Tout au long de cette période de confrontation, les savants des deux écoles créent une œuvre riche et variée, restée fondamentale pour l’histoire des civilisations. Malgré le pouvoir d’assimilation de l’islam, la lutte se termine au XVe siècle par la victoire des conceptions plus purement islamistes, à l’origine d’une société ordonnée par la sharia, la "Loi sainte" élaborée par les juristes fondamentalistes à partir du Coran... Au moment même où l’Occident renonce à une interprétation strictement chrétienne du monde.

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