Europe

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Le premier pape français et la science arabe Origines des idées de Copernic
L'école de Salerne Renaissance
Du Moyen-Age à la Renaissance

 


Le premier pape français et la science arabe

Sylvestre II (pape de 999 à 1003)Gerbert d'Aurillac (945-1004) introduit en Occident l'usage des chiffres arabes. Né en Aquitaine vers 945/950, Gerbert étudie à l'abbaye de S.-Géraud d'Aurillac. Borrell, comte de Barcelone, l'emmène en Catalogne et le confie au maître de l'école de Vich. Cette école, ainsi que celle de Ripoll, était réputée pour son enseignement dans le quadrivium, c'est-à-dire l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie. Là, au contact avec la science arabe, Gerbert est si bien formé qu'il devient un des plus grands savants de l'Occident. Il est grandement impressionné par la numération décimale que les Arabes ont empruntée aux Indiens, peut-être par l'intermédiaire du mathématicien et savant Al-Biruni qui vécut plusieurs années en Inde et dont les travaux furent une synthèse des sciences grecques et indiennes. Il contribuera fortement à l'adoption du système décimal en Europe. Cependant, l'usage systématique de ce système (nombres décimaux et fractions décimales) n'apparaîtra qu'à partir du 15e siècle sous l'influence de mathématiciens comme Chuquet, Viète et Stevin.

Boulier chinois en numérotation décimaleAprès trois ans d'études, il accompagne le comte Borrell à Rome en 970, étonne le pape Jean XIII et l'empereur Otton 1er par sa science. Pour parfaire ses connaissances en logique, il décide d'aller à Reims en 972. L'archevêque Adalbéron lui confie alors la direction de l'école.

Grâce à ses connaissances et grâce à des innovations pédagogiques, Gerbert connaît un grand succès et les étudiants affluent. Il leur explique les auteurs classiques de l'Antiquité, les initie à la rhétorique et à la logique, met à leur disposition un abaque pour l'arithmétique, des sphères pour l'astronomie, un monocorde pour la musique.

Pour le récompenser, l'empereur lui confie le gouvernement de l'abbaye de Bobbio, en Italie du Nord, où Gerbert trouve la plus riche bibliothèque de l'Occident et en est très heureux, comme en témoignent les premières lettres de sa correspondance commencée en 983. Mais d'autres lettres montrent ses difficultés à gérer cette abbaye menacée par les aristocrates laïques. Ne pouvant pas lutter contre eux, Gerbert profite de la mort d'Otton II en décembre 983 pour quitter l'abbaye et retourner à Reims. Il garde le titre d'abbé et reste en relations avec les moines.

À Reims, il reprend son enseignement mais s'occupe également de politique. En effet, son archevêque Adalbéron soutient le duc Hugues Capet adversaire du roi carolingien Lothaire. Il soutient également le jeune roi Otton III, âgé de trois ans et menacé par son cousin le duc de Bavière. La correspondance de Gerbert nous permet de suivre les méandres de cette politique et le double jeu de l'archevêque et de son conseiller. Après la mort de Lothaire en 986, puis de son fils Louis V l'année suivante, Adalbéron et Gerbert font tout pour écarter le prétendant Charles de Lorraine et pour faire élire Hugues Capet comme roi de France (juin 987).

Hugues Capet meurt en octobre 996 et Gerbert se retire auprès du jeune empereur Otton III dont il devient le précepteur (automne 997). L'ancien archevêque Arnoul ayant été rétabli à Reims par le roi Robert, Otton III décide de donner à Gerbert l'archevêché de Ravenne (avril 998). Gerbert réunit un synode qui condamne la simonie, et veille au bon recrutement sacerdotal. Le 2 septembre 998, il anime un synode à Pavie présidé par Otton III dont le but principal est de faire restituer les biens pris aux églises.

En mars 999 après la mort du pape Grégoire V, Gerbert est invité par l'empereur à ceindre la tiare. Il abandonne Ravenne et Bobbio et le 9 avril il est sacré pape sous le nom de Silvestre II.

En collaboration avec l'empereur, Silvestre II crée deux nouvelles Églises : celle de Pologne et celle de Hongrie. Ainsi les frontières de l'Église romaine sont repoussées jusqu'à la Vistule et jusqu'au Danube moyen. Il meurt en mai 1004.

Gerbert fut un savant qui, sans être de naissance aristocratique, sut acquérir sa noblesse par son intelligence, son savoir et son talent de professeur. Comme Boèce, qu'il admirait, il aurait voulu appliquer les idées philosophiques à la politique. Il écrivit pour son disciple Otton un traité « sur le raisonnable et l'usage de la raison ». RavenneIl fit don de son importante bibliothèque à Otton III ; une partie fut transportée par Henri II à Bamberg où elle se trouve encore. Gerbert est d'autre part un homme d'Eglise qui toute sa vie a défendu les libertés de l'Église et des Églises. À Reims il présente l'Église comme une communion d'Eglises locales et s'oppose à la toute-puissance du pape. À Rome il favorise la naissance d'Églises nationales.

À la fin du XIe s. et au XIIe s. la légende s'empare de cet homme si savant que l'on présente comme un magicien. Puis Gerbert est oublié. Il est redécouvert au XVIe s. par les protestants et les gallicans qui le saluent comme un de leurs précurseurs. Au XIX s. on célèbre davantage « le premier pape français » que l'archevêque de Reims dont on voulait oublier la politique antiromaine.

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L'école de Salerne

Au Moyen Âge, l'Italie du Sud, par les multiples influences qu'elle reçoit — lombarde, byzantine et musulmane —, devient un carrefour de civilisations. Le commerce des épices et de la soie s'étend : c'est par cette voie que les manuscrits gréco-arabes arrivent en Occident ; et c'est en Italie (et surtout en Espagne) que les manuscrits orientaux seront étudiés. C'est au XIIe siècle que l'apport scientifique de ces différentes cultures est prédominant.

L'école de Salerne (près de Naples) qui joua, au XIe siècle, un rôle prédominant dans le renouveau médical par la connaissance approfondie des plantes, atteste de ces progrès, notamment en anatomie et en chirurgie, grâce à la dissection méthodique d'animaux. En chimie, les praticiens de Salerne distillent le vin et condensent les vapeurs d'alcool. L'apparition de ce nouveau solvant aura une profonde influence sur la préparation des médicaments.
Selon la légende, l'école de Salerne aurait été fondée au IXe siècle par quatre maîtres, un grec, un romain, un juif et un arabe et dont l'inspirateur aurait été Anthime, médecin byzantin, conseiller du roi franc Thierry Ier. Les professeurs sont des médecins laïcs. Une Salernitaise, Trotula ou Trocta, obstétricienne, aurait été la première à enseigner la médecine en cette école. Elle écrit un célèbre traité de gynécologie et d'obstétrique concernant tous les aspects de la féminité, y compris les préoccupations psychologiques et esthétiques : De mulierum passionibus ante et post partum. L'école de Salerne organise l'enseignement et le diffuse par ses écrits sur tout le continent. Un recueil de préceptes d'hygiène et d'alimentation, rédigé en vers et collectivement, le Regimen Sanitatis Salerno, maintes fois édité, vulgarise et expose ses vues sur la diététique avec pragmatisme. C'est un recueil de règles d'hygiène pour un mode de vie proche de la nature et une dédramatisation de la maladie. A la demande du fils du roi d'Angleterre, Guillaume le Roux, elle édicte, en vers latins, des préceptes d'hygiène restés célèbres (XIIe siècle) :

"Si tu venais à manquer de médecins en voici trois excellents: la gaieté, la tranquillité et des repas modérés." ; "De la Sauge : un homme peut-il mourir alors que la sauge fleurit dans son jardin ?" "L'aneth chasse les vents, expulse les humeurs / Et d'un ventre gonflé corrige les grosseurs."

L'absinthe était prescrite sous forme de poudre, d'infusé, d'extrait, d'hydrolat, de vin, de teinture et de sirop, contre un grand nombre de maux. Son usage était tel, qu'on en retrouve la mention et l'éloge chez les auteurs des XVe et XVIe siècles.

A la suite de l'école de Salerne, Raymond Lulle étudie la rectification de l'esprit de vin. Arnaud de Villeneuve, introduit dans la médecine l'Eau-de-Vie (1260) qu'il dénomme Eau de l'Immortalité dont il fait une véritable panacée.
L'Eau-de-Vie devient un remède vendu exclusivement par les apothicaires contre les maux les plus divers: douleurs, plaies infectées, morsures. Douée dit-on du pouvoir de rajeunissement, elle prend le nom d'aqua vitae.

Roger de Parme et la chirurgiePendant plusieurs siècles, des élèves venus de toute l'Europe étudieront en latin, en grec, en italien et en arabe (Constantin l'Africain, Warbod Gariopontus, Jean Platearius, Roger de Parme). L'école de Salerne fait traduire les ouvrages arabes et les ouvrages latins en arabe. Constantin l'Africain (1015-1086) sera l'un des pionniers de ce mouvement de diffusion. Ce marchand de Carthage, amené à la médecine puis converti au christianisme, après une vie d'étude et de voyages qui l'avait amené en Perse, en Arabie, en Espagne, vient à Montecassino, traduit de nombreux ouvrages, versions arabes (par les traducteurs du calife Mamoun) de traités médicaux classiques (Hippocrate, Galien) et met à la disposition de l'Occident des textes exacts qui seront la base de l'enseignement dans les facultés de médecine au XIIe siècle. Grâce à lui, la médecine arabe va également influencer la médecine occidentale. Il est également l'auteur de " l'Antidotaire des médicaments simples" et de" Remarques sur les plantes". Ces traductions et leur diffusion développeront l'intérêt pour la doctrine aristotélicienne dont ils sont porteurs, contribuant ainsi à la naissance de la philosophie scholastique.

En anatomie et en chirurgie, l'école de Salerne pratique la dissection méthodique d'animaux. En chimie, les praticiens de Salerne distillent le vin et condensent les vapeurs d'alcool. L'apparition de ce nouveau solvant aura une profonde influence sur la préparation des médicaments. Les textes traduits et commentés permettent aux intellectuels d'y puiser l'esprit et la méthode qui caractériseront pendant longtemps une grande partie de la pensée et du raisonnement en Occident. Cette première faculté d'Europe eut un tel rayonnement pendant plus de six siècles qu'elle donna naissance à la doctrine médicale orthodoxe. Elle sera érigée, plus tard, en académie, avec le droit de conférer le titre de docteur et ne sera supprimée par décret par Napoléon 1er qu'en 1811.

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