Le Trésor des Chartreux






Itinéraire pour une recherche. Suite 1-



faille 1  L'anneau scellé
faille - L'anneau scellé



Par son graphisme, le signe christique, gravé sur la face Ouest de la pierre affleurante, nous indique qu'il ne faut pas s'engager plus loin dans le chemin où il est placé, qui grimpe vers la cachette et la tombe du Frère Louis. Nous allons donc retourner sur nos pas et reprendre le chemin de Cabrion, dit aussi "du Safrus" (?).

Il ne faut pas marcher longtemps pour découvrir le deuxième indice, placé à moins de cent mètres du chrisme, à l'intersection de la courbe de niveau 50 et du chemin. Cet indice est à ce point intégré à la nature que les Chartreux ne prirent pas la peine de le dissimuler. Car qui pouvait s'en soucier ?

Il imite à s'y méprendre un accident naturel du relief, une banale faille qui entame profondément et largement la roche calcaire la plus dure sur la face Est et à gauche, en grimpant vers la colline.

En regardant cette faille, on pourrait croire qu'un énorme coin a pénétré la roche sous les coups d'un marteau gigantesque. Mais non. Ce sont les moines qui ont œuvré là à coups de barre à mine et de poudre noire pour obtenir ce résultat. Des trous de mine sont encore visibles tout au tour de la faille, dont le fond présente un relief sillonné de rigoles verticales (ce qui pourrait encore se comprendre en considérant que les eaux y ruisselleraient, ce qui n'est pas le cas), mais aussi horizontales. Et là, on ne comprend plus, car si l'eau s'écoule naturellement du haut vers le bas, elle ne le fait jamais de la droite vers la gauche ou inversement.

Mais le plus étonnant est que ces rigoles reproduisent à l'identique le plan découvert dans la maison du Prieur Dom José de Camaret, dont il ne diffère que par ses dimensions décuplées et par l'absence des lettres S et O. Et elles sont d'autant plus artificielles que l'on peut y voir des traces ferrugineuses, sans doute celles de l'instrument qui a servi à les façonner.

Là encore on peut passer et repasser sans que rien n'attire l'attention, tant tout y est naturel et en quelque sorte, banal. C'était précisément ce que voulaient les moines. Car quiconque n'avait pas vu le plan gravé dans la Chartreuse ne pouvait imaginer qu'il y en eût un là, dans cette faille. Alors que cela saute aux yeux pour qui connaît le plan dans la maison du Prieur.

Il reste à comprendre pourquoi les moines ont dupliqué en pleine nature des indices destinés à rester secrets. Ils étaient prudents et avaient depuis très longtemps envisagé que leur monastère pouvait être détruit par un acte de guerre, un incendie ou toute autre catastrophe. Dans ces circonstances, les clefs dissimulées dans la Chartreuse seraient perdues et par là même, la cache au trésor et ses accès.

La solution consistait à reproduire ces clefs quelque part dans la nature, en un lieu déterminé, tout en les rendant, soit invisibles, soit insoupçonnables et de toute façon, dépourvu de toute signification aux yeux du profane. Ainsi, tout pouvait être transmis oralement, d'un Prieur à un autre, rien n'étant plus facile que d'aller à l'endroit désigné d'un chemin bien connu pour y trouver les indices reproduits.

Restait encore à découvrir ce que pouvaient être ce S et ce O, suivis, peut-être d'un L, le tout pouvant se lire SOL, encore que rien ne fût évident. Je dois aussitôt dire que nous ne trouvâmes pas de S suffisamment explicite, encore que.... Par contre, nous trouvâmes un O. On l'aurait imaginé lui aussi surdimensionné. Mais non. Il était au contraire plutôt petit. Et il se trouvait à proximité immédiate de la faille, sous la forme d'un anneau un peu rouillé, mais d'un métal très solide, scellé dans le roc de telle sorte qu'il serait plus facile à casser qu'à extraire, donc lui aussi capable de défier le temps.

Un tel anneau en ces lieux n'avait rien d'extravagant. Il pouvait être utilisé par les convoyeurs de pierres pour y attacher leur attelage. C'est du moins ce qui vient en premier lieu à l'esprit. Et le profane pouvait s'en tenir à cette explication. Mais à la réflexion, attacher son attelage, même vide, en un lieu où le chemin est très pentu, cela n'est guère pratique et peu concevable. D'autant que le chemin de Cabrion, étroit, encaissé, recouvert de terre, empierré, goudronné, était jadis plus profond et plus pentu encore. Alors ? Alors, cet anneau est un autre indice du plan de la Chartreuse dupliqué à Cabrion. Car le O gravé sur le plan dans la maison du Prieur, ressemble beaucoup plus à un anneau qu'à un véritable O.

A bien y regarder, le plan gravé dans la faille semble prendre la forme d'une flèche qui pointe vers le sol. Est-ce à dire qu'il indique un endroit précis où il faudrait creuser pour, peut-être, dégager un orifice ou toute autre chose. Ce n'est pas impossible Dans ce cas, le mot SOL prendrait toute sa signification.

Mais il n'est pas possible de creuser en ces lieux désormais entourés d'habitations aux occupants soupçonneux. Comme il ne sera pas aisé, pour un chercheur néophyte, de découvrir la faille avec son plan et l'anneau scellé, tant la végétation a poussé par-dessus, recouvrant presque entièrement la faille, et totalement l'anneau. Là encore nous sommes face à une incontestable volonté de dissimulation. Ces indices ( la faille, l'anneau ) sont situés à peu près en face du portique d'entrée de la maison, devant lequel on ne peut pas stationner, car de gros blocs de pierres y ont été, exprès, mis en place. Mais on peut toujours stationner plus avant et revenir à pied. (Ceci n'est plus totalement vrai. A cet endroit, la roche a été arrasée sur un bon mètre de profondeur en vue d'élargir le chemin du Safrus, et l'anneau a disparu. Reste le plan bien visible maintenant, mais que la végétation ou tout autre chose dérobera bientôt aux regards ).

Un peu plus loin et plus haut, sur la droite, au point géographique 80,2 se trouvait une bâtisse délabrée nommée la Boulangerie. Pourquoi une boulangerie en ces lieux reculés ? Il faut remonter très loin dans le temps, jusqu'aux années 1347-1348, où la peste noire ravagea l'Europe dont elle tua un tiers de la population.

C'est là que les Villeneuvois et les moines de l'Abbaye vinrent faire leur pain en ces années terribles, croyant éviter ainsi la contamination qui sévissait dans le pays sans savoir qu'elle se transmettait pas simple contact ou inhalation de la bactérie mortelle. Pour faire du pain, il fallait du feu et de l'eau. Aussi, à l'intérieur de la bâtisse on peut encore voir les restes d'une grosse cheminée et l'ouverture d'un puits dissimulé qui, si l'on en juge par la profondeur de la nappe phréatique, devait descendre à plus de quatre vingt mètres.

Très longtemps, le sol de la Boulangerie fut recouvert d'une bonne couche de terre battue qu'un chercheur eut l'idée de déblayer. Apparut alors, dans un angle de la bâtisse, un bloc de pierre de trois mètres carrés et de trente centimètres d'épaisseur qui dissimulait l'entrée circulaire du puits. Il fallut plusieurs hommes pour déplacer ce bloc.

Le puits, dont la margelle avait disparu, était comblé jusqu'à ras bord de grosses pierres. S'il en est ainsi, c'est qu'il doit avoir son importance dans la recherche qui nous occupe. Un chercheur du trésor entreprit de le désobstruer, ce qui était une tâche considérable. Et qui le devint bien davantage, car une main inconnue venait la nuit rejeter dans le puits les blocs que le courageux chercheur en tirait le jour. Si bien qu'il y renonça.

Le peu qui en resta dégagé fit apparaître une sorte de "chemin de ronde" circulaire de hauteur d'homme, à deux ou trois mètres de profondeur, là où le puits s'évasait. Des exemples vus ailleurs permettent de comprendre qu'un système de planches amovibles mis en place à partir de ce "chemin" permettait de descendre dans le puits. Nul doute que ce conduit joue un rôle important dans la recherche qui nous occupe. Il permet d'accéder à tout un réseau de galeries passant sous la colline. Ce réseau est assez facile à suivre car son parcours est jalonné de puits d'aération comblés eux aussi jusqu'à ras bord. Parmi ces souterrains, se trouve peut-être celui qui conduit à la cache du trésor, laquelle n'est sans doute pas très éloignée de la Boulangerie. Nous reviendrons là-dessus.

Il faut ici évoquer une particularité de cette colline. La roche calcaire qui la compose est parcourue d'importantes veines de cette pierre tendre dite "molasse". Ces veines commencent à la carrière de Carles et s'en vont dans toutes les directions, jusqu'à Cabrion où on la voit affleurer, et plus loin encore, vers la Chartreuse. C'est dans cette pierre tendre, facile à travailler, que les Chartreux ont creusé de nombreux souterrains reliés entre eux. Mais tous les accès en ont été soigneusement obstrués. En utilisant certains appareils qui permettent de sonder le sous-sol et d'en déceler les cavités, on pourrait découvrir le tracé de ces galeries souterraines et repérer celle qui nous intéresse. Trois à cinq tonnes d'or, plus le reste, cela en vaudrait peut-être la peine.



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