Le Trésor des Chartreux
Itinéraire pour une recherche. Suite 2-
La Boulangerie. Un pieu fiché en terre - Borne enlevée de la Boulangerie
La Boulangerie, cette bâtisse ruinée, a toujours été un lieu privilégié pour les chercheurs du trésor Chartreux ou autre. Parmi eux, il y en eut de très officiels, dont une équipe d'archéologues venus de Paris, commandités par un homme d'état, disons un ministre, lui-même grand amateur d'archéologie autant qu'écrivain célèbre.
Munis d'appareillages sophistiqués, cette équipe s'activa un temps autour du vieux bâtiment, sondant, arpentant, mesurant, relevant des plans avec du matériel d'un maniement compliqué. On ne sut jamais qui étaient ces personnes ni ce qu'elles étaient venu faire là. Elles disparurent avec la même discrétion qu'elles avaient mise à œuvrer.
Un ministre archéologue, ce n'est pas n'importe qui. S'il avait envoyé des spécialistes à Villeneuve, à la Boulangerie, c'était sans doute sur la foi de renseignements précis et d'importance. Mais au juste, de quoi pouvait-il bien être question ?
Nous savons qu'à cette époque, certaines bornes avaient déjà disparu. Si bien que nos officiels archéologues ne purent pas observer celle qui se trouvait jadis à proximité de la Boulangerie et qui avait migré (enlevée par qui et pourquoi ?) vers une ferme des bords du Rhône, sans doute au prix d'un dur labeur car cette belle borne était d'un poids considérable. Elle portait (et porte toujours), parfaitement dessinée, une crosse d'évêque, ou de cardinal plutôt, dont le tracé est ponctué de trous réguliers ; d'autres trous ont été fait à l'extérieur de ce tracé. Au total, on en compte neuf. Ceci qui nous remet en mémoire que neuf cardinaux sont morts de la grande peste noire qui ravagea l'Europe en 1347-1348.
S'agissant du tout venant des victimes, on jetait les cadavres dans des charniers creusés au cimetière de Champfleury d'Avignon. Mais le pape ne voulut pas que l'on inflige ce sort infâmant aux évêques, grands dignitaires de l'église et à ses princes les cardinaux. Revêtues de leurs somptueux vêtements et ornements, leurs dépouilles furent mises dans des cercueils de plomb (et non des cercueils plombés), où elles furent gardées un temps. Puis, l'épidémie passée, elles furent discrètement inhumées dans un lieu sûr où leur sépulture ne risquait pas d'être violée un jour.
On pense que les moines de Saint André de Villeneuve furent chargés de cette mise en terre, ou plutôt, en roche, et qu'ils choisirent à cette fin la veine de molasse passant tout près de la Boulangerie, à laquelle ils accédèrent par le puits du bâtiment. A partir de là, ils utilisèrent une galerie où ils creusèrent une salle mortuaire. Dans cette salle, probablement murée, les princes de l'église dorment dans tout leur apparat, d'un sommeil éternel qu'aucun pillard de tombes, fût-il un personnage officiel, ne viendra jamais troubler. C'est peut être en ces lieux, que bien plus tard, fut aussi définitivement placée la dépouille d'Innocent VI.
Tout ceci explique que la borne de la Boulangerie porte gravés une crosse et ses neufs trous, (dont cinq sur la crosse elle-même, ce qui pourrait indiquer les cardinaux les plus titrés) que cette borne ait été enlevée quand les recherches faites pour retrouver le trésor des Chartreux s'intensifièrent, que le puits de la Boulangerie ait été comblé et son accès fermé par une très lourde roche taillée, et qu'une main inconnue rejetât la nuit dans ce puits les pierres que certains en avaient retirées le jour. Cette borne avait, à n'en pas douter, une signification capitale, c'est pourquoi son emplacement est marqué par un gros pieu de fer profondément fiché en terre, visible sur la photo de la bâtisse enneigée.
Restait à caser la centaine d'évêques emportés par le fléau. Nous verrons qu'un autre lieu de la colline les a peut-être accueillis.
Il existe certainement un souterrain collecteur, plus vaste que les autres, qui va de la Boulangerie jusque dans les salles souterraines du mas de Carles (où là encore, la voûte de cette galerie dont on voit très bien l'entrée, a été effondrée sur des dizaines de mètres, de gros blocs de pierre l'obstruant totalement), en passant par le croisement des fameux Quatre Chemins, où nous l'avons dit, le sol a tendance à s'affaisser. La preuve est faite de ce souterrain par l'existence des puits d'aération qui jalonnent son parcours et par de petits avens naturels qui descendent jusqu'à lui. Quand on place l'oreille sur un de ces trous par jour de fort mistral, on peut entendre un souffle puissant et caverneux qui pourrait laisser croire à une ouverture plus grande par où le vent s'engouffre quelque part à flanc de colline. Mais cette ouverture, en principe, n'a pas été trouvée.
L'acharnement des Chartreux à obstruer, dans le court délai de trois ou quatre ans, tous les accès aux galeries qui courent sous la colline, ne peut s'expliquer que par leur volonté d'empêcher quiconque d'accéder à ces galeries, parce qu'elles risquaient de conduire à leur dépôt précieux, dont malheureusement pour eux, nous l'avons dit, ils ont perdu les clefs sans lesquelles eux-mêmes ne sont plus capables d'entrer dans les souterrains par l'unique accès praticable que ces clefs révélaient.
borne sous un if