Le Trésor des Chartreux






Itinéraire pour une recherche. Suite 4-



galerie principale effondrée
galerie principale effondré



D'autres galeries partent des salles souterraines. Elles devaient avoir des dimensions impressionnantes. Mais leurs accès sont effondrés sans doute sur des dizaines de mètres et de gros blocs tombés des voûtes en empêchent toute exploration. Certains chercheurs intrépides ont bien essayé de se glisser dans les anfractuosités laissées par les effondrements. Mais ils ont dû vite renoncer car le danger est certain.

L'alignement des puits comblés à partir de la Boulangerie passe par les Perrières et conduit à l'entrée éboulée de la plus importante galerie connue, dont l'accès se situe à l'extrémité sud-est de la première salle romaine, sous le mas de Carles.

Un chercheur voulut en avoir le cœur net et entreprit de dégager le premier puits situé sur cet itinéraire, du côté des salles romaines, en un lieu où la végétation est si dense que l'on peut y œuvrer en toute quiétude. Ce fut une entreprise longue, difficile et dangereuse. Il devait hisser les pierres dégagées, l'une après l'autre, au moyen d'un treuil sommaire et chaque bloc qu'il remontait risquait à tout moment de lui retomber dessus.

Cependant, peu à peu, le travail avançait. A douze mètres de profondeur, le puits s'élargissait et ses parois, jusqu'alors faites de pierres, étaient maintenant taillées dans la molasse. Notre chercheur crut alors qu'il était proche du but. Mais à quatorze mètres, à seize mètres, le puits descendait encore sans solution visible de continuité.

Le courageux chercheur se lassa, persuadé que le puits descendait au moins à trente mètres avant de rejoindre celui partant de la salle romaine qui, pour atteindre cette profondeur, devait avoir une forte pente.


autre galerie obstruée
autre galerie obstruée



Notre homme retourna à ses occupations professionnelles et ne revint plus jamais à Villeneuve, après avoir déclaré que se trouvant au fond du puits, il avait entendu une voix lui ordonner, sous peine de mort, de cesser ses recherches. Il était un peu mythomane et quand j'allai le voir à Paris, il me raconta des histoires rocambolesques.


lettre de menaces
Lettre de "menaces" que je reçus au siège de l'Air d' Avignon quand je fis paraître quelques articles sur le Trésor des Chartreux dans cette revue.



Les travaux de notre homme en sont restés là où il les avait laissés. Par manque de moyens vraiment appropriés, personne n'a voulu prendre la relève. C'est peut-être dommage. Car ce puits aérait jadis un important souterrain collecteur qui desservait au moins quatre galeries. Et là, par exemple, l'équipe lyonnaise n'aurait pas fait choux blanc. Mais ces gens-là ne s'en remettaient qu'à eux-mêmes.

Le roi de France Louis VIII, qui était devenu propriétaire des carrières, en céda le droit d'exploitation à son allié l'Abbé de Saint-André. Les Chartreux devenus riches, leur rachetèrent ce droit en même temps que quelques terres de la colline, propriétés de l'Abbaye. Avec les pierres qu'ils tirèrent de la carrière, ils agrandirent leur monastère et l'entourèrent d'une enceinte fortifiée. Puis ils firent le commerce des pierres taillées.

Peu à peu, l'exploitation souterraine des carrières prit fin. On en avait tiré trop de pierres et la voûte des salles risquait maintenant de s'effondrer. (Cela se produira bien plus tard). Toutefois, les Chartreux continueront longtemps à exploiter la carrière à ciel ouvert. Les salles souterraines, nous l'avons vu, eurent alors vocation de refuge en cas de péril pour les populations et les occupants des monastères.


entrée des salles romaines
entrée des salles romaines



A défaut d'avoir pu en trouver au moins un, l'existence de souterrains creusés par les Chartreux prenait les allures d'un mythe. Il fallut toute la science d'un radiesthésiste plus doué que ses confrères pour que ce mythe devienne une réalité. L'homme affirma d'abord qu'un puits creusé à cette fin par les moines captait et neutralisait toutes les radiations nécessaires à son art (sic). Puis il se rendit en un lieu plutôt éloigné de la colline des "Quatre Chemins", agita un moment son pendule et donna contre le sol un vigoureux coup de talon.

Petite cause grands effets. Une partie du sol s'effondra, formant un large trou au fond duquel on voyait passer un souterrain obscur. Un éboulement s'était produit à cet endroit de la galerie qui, de ce fait, n'était plus recouverte que par une faible couche de terre. Aussitôt les témoins de la découverte se jetèrent sans beaucoup de prudence dans le trou au moyen d'échelles de cordes. Ils le tenaient enfin leur souterrain !

Et ils purent le parcourir sur quelques centaines de mètres. Il avait été creusé dans une sorte d'argile brune très compacte. Mais il s'avéra qu'il s'agissait là d'un tronçon relativement court de la galerie initiale, obstruée à ses deux extrémités par des éboulis infranchissables. L'humidité y était si forte qu'elle avait provoqué sur les parois un dépôt calcaire dont l'épaisseur permit à un géologue d'en calculer l'ancienneté. La galerie remontait à peu près à la création de la Chartreuse.

Certains d'avoir enfin trouvé le souterrain où les moines avaient caché leur or, ses découvreurs étaient prêts à "sabler le champagne", comme me le dit Monsieur C. Ils se mirent à creuser le sol et leur déconvenue fut grande. Au fond de ce souterrain, dissimulé sous une bonne épaisseur de terre, passait pourtant un magnifique petit aqueduc tout en pierres de tailles exactement ajustées. Une véritable oeuvre d'art.


Mas de Carles. Des souterrains sous cette surface tourmentée
Mas de Carles. Des souterrains sous cette surface tourmentée



Les Chartreux avaient accompli sur plusieurs kilomètres ce travail considérable pour aller chercher l'eau d'une nappe souterraine située au point 95,9, et l'amener jusqu'à un bassin à l'intérieur de leur monastère. Ce bassin deviendrait plus tard la Fontaine Saint-Jean. A proximité du point 40,5, au quartier Saint-Simon, l'aqueduc souterrain était relayé par des conduits en plomb qui furent arrachés et fondus à la Révolution de 1789.

Voilà un magnifique exemple de ce que les Chartreux étaient capables de faire avec leur modestes moyens, mais au prix d'un labeur acharné, pour s'alimenter en eau qui, dans ces parages, est un liquide précieux. Il est vrai qu'à cette époque, on avait déjà bâti les cathédrales.

Leur aqueduc est resté inviolé pendant près de six siècles. On peut y accéder moyennant un peu d'audace ; et à le voir, on se dit que les Chartreux durent réaliser une prouesse bien supérieure et bien plus complexe, quand il se fut agi de dissimuler ce qu'ils avaient de plus précieux : leur trésor.

Note:

J'allai un jour à Grenoble rendre visite au radiesthésiste inventeur du souterrain. C'était un curieux petit homme qui vivait entouré d'un fatras de livres, de plans et de cartes. Il me dit que grâce à son pendule, il avait découvert du pétrole en grande quantité dans le sous-sol de l'Egypte. Il avait fait part de sa découverte au président égyptien qui devait le faire venir dans son pays en avion privé. Mais je ne sais plus pour quelles obscures raisons cela ne se fit pas. C'était à l'époque du scandale des "avions renifleurs" et les esprits crédules étaient sans doute échaudés.

Il me conta encore une étrange histoire. Un très riche émigré russe blanc poursuivi par les "rouges" avait fui son pays en traversant la mer Noire à bord de son bateau. Il emportait dans ses bagages une grande partie de son immense fortune sous forme de diamants enfermés dans une boite à cigares.

Sur le point d'être rejoint, il accosta et débarqua en Bulgarie où, aussitôt, il s'empressa de cacher son magot à même la terre, au pied d'un arbre, puis il nota quelques repères et repartit. Il gagna les Etats Unis, où il se lia d'amitié avec un employé de l'ambassade de France. Bien des années plus tard, sur le point de mourir, il lui fit des confidences relatives aux diamants et à leur cachette. Le diplomate décida de retrouver les diamants avec l'aide d'un radiesthésiste. Il s'adressa à la société des radiesthésistes de France pour s'enquérir de leur meilleur praticien. On lui indiqua celui de Grenoble.

Une expédition fut décidée. L'employé d'ambassade et le radiesthésiste partirent pour la Bulgarie et ils furent bientôt à pied d'oeuvre. La recherche commença et assez vite, le pendulaire découvrit le lieu précis où le magot se trouvait. Mais, prudent, il indiqua un autre emplacement à son compagnon. Ce dernier lui conta alors ceci : un capitaine entraîne ses hommes dans une longue marche et pour les stimuler il leur dit : "courage, à l'arrivée vous aurez une récompense et une surprise." A l'arrivée les hommes réclament à grands cris la récompense. "La récompense, c'est du vin, dit le capitaine." Les soldats assoiffés hurlent leur joie d'avoir enfin à boire."Et la surprise, la surprise", clame la troupe."La surprise, c'est qu'il n'y a pas de vin", conclut le capitaine. "Prenez cela pour vous", ajouta l'employé d'ambassade d'un ton peu amène, voire menaçant. "Et merci de m'avoir aidé ; mais vous ne m'êtes plus utile. Je finirai seul. Vous pouvez repartir."

Ce que fit le radiesthésiste, dépité mais tout de même content de savoir qu'il avait roulé ce mauvais campagnon qui lui-même voulait le rouler. Selon lui, les diamants dans leur boîte sont toujours là où ils ont été placés. Et c'est une très belle fortune.

Notre homme de Grenoble voyait, avec son pendule, le trésor des Chartreux enterré dans la propriété de l'Hermitage où, sur ses indications, des fouilles furent entreprises. A l'endroit exact qu'il avait indiqué, on sortit de terre...un soc de charrue. On ne peut donc pas dire qu'il n'avait rien trouvé.

Ce fut lui encore qui m'affirma savoir où se trouvait exactement le trésor, jamais retrouvé, des républicains espagnols qui, serrés de près par les hommes de Franco, l' avaient enfoui à proximité d'une plage près d'Argelès, en 1939. Je me suis alors demandé pourquoi cet homme qui savait tant de choses sur quantité de trésors n'avait pas fait fortune.


une autre entrée des salles romaines  une autre entrée des salles romaines
une autre entrée des salles romaines