Le Trésor des Chartreux






L'or du Temple serait-il enfoui près de Villeneuve ? - 2



Donjon du Temple
Donjon du Temple



-Pour imaginer comment les Templiers réussirent à soustraire leur trésor monétaire à la convoitise royale, il faut considérer l'importance du délai qui courut entre le jour où fut signé l'acte secret et celui de leur arrestation, soit tout un mois. Sans doute faut-il incriminer la lenteur des communications de l'époque, en observant toutefois que les courriers les plus rapides ne mettaient que cinq jours pour aller d'Avignon à Paris. Ce fut donc surtout la nécessité d'une parfaite mise au point de l'opération qui imposa un tel délai.

-Certains dignitaires de l'Ordre du Temple appartenaient aux plus nobles familles du royaume. Elles avaient leurs entrées à la cour de Philippe le Bel. L'entreprise qui s'y trama durant plusieurs mois était si importante et mobilisait tant de personnes que, malgré le secret dont on l'entoura, des fuites se produisirent. Ainsi, Jacques de Molay et les dignitaires de l'Ordre durent être informés bien avant le 13 octobre 1307 du danger qui les menaçait, même si, supposant qu'on n'en voulait qu'à leurs richesses, ils n'en mesurérent pas le risque mortel. Et ils eurent le temps de prendre toutes les dispositions nécessaires pour évacuer de leurs commanderies les dépôts d'or qu'ils y avaient entreposés, avec, en priorité, l'énorme trésor et les archives de l'Ordre contenus dans le Temple de Paris.

-Il se colporta longtemps et de nos jours encore que, quelque temps avant la date fatidique (mais certainement pas la veille de l'arrestation, comme le prétend un récit apocryphe propre à égarer les recherches), de lourds chariots tirés par de forts chevaux, quittèrent de nuit la Maison mère pour une destination inconnue où les attendait une cache apprêtée de longue date. Toutes les Commanderies firent de même et les hommes de Nogaret n'y trouvèrent pas la moindre piécette. Ce qui décupla la fureur de Philippe le Bel qui comptait impérativement sur cet or pour renflouer ses finances.

-Il reste à savoir pourquoi, prévenus du mauvais coup qui allait leur être porté, les Templiers se laissèrent tous arrêter comme un seul homme, sans opposer la moindre résistance ni chercher à s'enfuir. Sans doute ne connaissaient-ils pas les abominables accusations portées contre eux par Nogaret. Dès lors, pourquoi auraient-ils dû se comporter en coupables ? Et coupables de quoi ?

-Depuis qu'ils existaient, ce n'était pas la première fois qu'un différend les opposait à un roi, à un pape, ou qu'ils subissaient les calomnies d'ennemis envieux. Ils n'avaient guère eu de peine à se disculper et à confondre leurs accusateurs.

-Mais ils ne réalisèrent pas que les temps avaient changé, qu'ils n'avaient pas su se moderniser, en acceptant de nécessaires changements dans leur mentalité et leur genre de vie. Et ils commirent l'erreur de sous-estimer la haine farouche de Nogaret, la cupidité de Philippe le Bel et la duplicité de Clément V. De fait, pendant sept ans, le roi et le pape vont se disputer les dépouilles du Temple et s'efforcer de faire parler les Templiers arrêtés. Aucune torture, aucun supplice, parmi les plus terribles, ne leurs furent épargnés pour qu'ils avouent leur sodomie, leur impiété et leur idolâtrie. Car ces aveux justifiaient l'anéantissement de l'Ordre. Et puis, si sous l'effet la douleur l'un des Chevaliers se mettait à parler de trésor, ce serait autant de pris...

-Sous la pince chauffée au rouge qui leur arrachait des morceaux de chair vive, sous l'estrapade brutale qui désarticulait leurs épaules et leurs omoplates, sous le lent étirement du chevalet qui déboîtait peu à peu leurs articulations, la plupart avouèrent tout et n'importe quoi. Beaucoup aussi se rétractèrent ensuite, tout en sachant qu'ils allaient être brûlés vifs sur le bûcher des relaps. Mais aucun ne révéla aux bourreaux du roi et à ceux du grand Inquisiteur de Paris (des prêtres dominicains), les caches où les richesses de l'Ordre avaient été mises en sûreté, car seuls les grands dignitaires de l'Ordre en connaissaient le secret. Si bien que beaucoup de Templiers d'un rang modeste moururent inutilement.


l'estrapadel'estrapade
l'estrapade - chevalet



-Philippe le Bel ne réalisa pas immédiatement qu'il avait en la personne de Clément V, et en dépit de leur accord, un rude concurrent, lui aussi avide de faire main basse sur l'or des Templiers. Contraint à de grandes dépenses pour établir dans sa ville un siège digne de sa prééminence, le pape d'Avignon avait de grands besoins financiers. Et il comprit que pour parvenir à ses fins, il lui fallait circonvenir au plus vite le roi de France. La bataille allait être rude et longue.

-Prétendant vouloir sauvegarder les droits des Templiers, le pontife tente de dessaisir Philippe le Bel de l'instruction du procès. A cette fin, il casse les pouvoirs des Inquisiteurs dévoués au roi. Puis reprenant à son compte, fin novembre 1307, l'ordre d'arrestation des Chevaliers, il exige que son rival lui remette les prisonniers qu'il détient.

-Philippe objecte que les geôles pontificales seront insuffisantes pour contenir tant de monde. On adopte alors un compromis bancal : prisonniers du Pape, les Templiers sont confiés à la garde du Roi. Toutefois, Clément V exige qu'on lui fasse conduire à Poitiers où il s'est établi pour être plus proche du théâtre des opérations, les principaux dignitaires de l'Ordre, à savoir, Jacques de Molay, Hugues de Pairaud, Raimbaud de Caron, Godefroy de Gonneville et Geofroy Charnay. Philippe le Bel objecte que les prisonniers cités sont trop malades pour entreprendre le voyage (à vrai dire, après les tortures qu'ils ont subies, ils sont en si piteux état, que le roi n'oserait ni les montrer ni les faire voyager.)

-Clément V expédie alors des cardinaux à Chinon, pour qu'ils y entendent ces malheureuses victimes. C'est dans le donjon de cette ville que, dit-on, les maîtres du Temple laisseront gravés sur les murs, des graffitis qui peut-être, livrent aux initiés le secret des places où leurs richesses furent mises.


château de Chinon
château de Chinon



-Enfin, le pontife va entendre en personne soixante-douze Templiers arrêtés par ses hommes de main et emprisonnés dans ses geôles d'Avignon. On ignore les révélations que ces hommes lui firent, mais il s'ensuivit de sa part un brutal changement d'attitude envers les membres de l'Ordre. ( Les minutes de ces interrogatoires ne figurent pas aux archives du Vatican que Napoléon, intrigué par cette énigme, avait fait saisir.)

-Après cet interrogatoire, Clément V se départit de sa bienveillance à l'égard des chevaliers du Temple et va se désintéresser complètement de leur sort. Il restitue leurs pouvoirs aux inquisiteurs du roi de France et leur fait remettre tous les Templiers encore détenus dans ses geôles. Puis il annonce qu'un Concile se tiendra à Vienne, en Dauphiné, pour juger l'Ordre du Temple. Il prépare ce Concile au Prieuré du Groseau dont il avait fait sa résidence d'été, au pied du Mont Ventoux.


graffitis château de Chinon
graffitis château de Chinon



-Toutes ces manœuvres n'avaient qu'un but : se donner le temps de récupérer les trésors des Commanderies templières dont les Chevaliers lui ont révélé les caches, sans doute en échange de la liberté : on sait ce qu'il en fut de cette promesse. Après quoi, le pape va s'occuper du monceau d'or disparu du Temple de Paris. Pour cela, il se réserve le jugement des dignitaires de l'Ordre qu'il a réussi à prendre sous sa protection et que le roi Philippe lui a livrés, lassé de ne rien pouvoir en tirer .

-En attendant, au Concile de Vienne, ( 1311-1312), on escamote le procès des Chevaliers dont l'Ordre est purement et simplement aboli, sans même avoir été ni jugé ni condamné. Puis on s'empresse de parler d'autre chose : par exemple, de la prolifération des maisons closes dans les états pontificaux.



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