Le Trésor des Chartreux






Annexe 1- Us et coutumes des Chartreux



Symbole des Chartreux
Symbole des Chartreux



STAT CRUX DUM VOLVITUR ORBIS



Horaires


11 heures de nuit : Lever - Prières en cellule -

11 heures ¾ : Prières -

2 heures ¾ : Rentrée en cellule - Prières -

5 heures ¾ : Réveil -

6 heures : Prières -

6 heures ¾ : Entrée à l'église - Prières- Messe -

8 heures : Messe basse - Prières - Retour en cellule -

9 heures : Méditation -

9 heures ½ : Repos - Temps libre - Travail manuel -

10 ou 11 heures : Prière en cellule - Dîner servi en cellule par le portillon - Dimanche et fêtes, dîner au réfectoire (deux portions et un dessert) On boit dans une tasse rituelle à deux anses - Récréation - Solitude-

Midi : Prière - Lecture spirituelle -

13 heures : Etude (Règles de l'Ordre, théologie, écritures saintes et saints Pères)

14 heures ½ : Vêpres en cellule -

14 heures ¾ : Vèpres de jour - Office des morts à l'église (si ce n'est fête le lendemain)

16 heures ½ : Souper (une portion, un dessert) - Ce second repas n'a lieu que de Pâques au 14 septembre. Du 14 septembre à Pâques, on ne reçoit qu'une légère collation -

17 heures ½ : Recollation - Examen de conscience - Lecture spirituelle -

18 heures : Prières en cellule -

Vers 19 heures : Repos -

Costume


"Le costume est une tunique blanche. Scapulaire (cuculle) de même couleur, reliée par le milieu du corps au moyen d'une bande d'étoffe assez lâche pour ne pas gêner les mouvements, mais qui empêche le scapulaire de se détacher et de voler au vent. Ceinture de cuir blanc. Chapelet blanc. Capuchon assez large, attaché au scapulaire. Les novices ont la cuculle plus courte, sans bande. Et ils s'enveloppent, au chœur, d'une grande chape noire. La bande qui relie la cuculle est moins large pour les jeunes profès que pour les grands profès.

Coutumes


Les dimanches et fêtes, tout l'Office est chanté au chœur. Les autres jours, les Petites Heures sont dites en cellule, à la stalle.

Le vendredi, jeûne au pain et à l'eau. Mais les religieux ont la faculté de demander au prieur de manger davantage. A cet effet, chacun va s'agenouiller devant le Supérieur en disant " Peto gratiam abstinencia".

Le Prieur, comme tous les autres, mange la tête très couverte et les yeux baissés. Car ici plus qu'ailleurs "nous devons garder nos yeux, de crainte qu'ils nous apportent un sujet de murmure ou de rire". Il boit, comme le veut la règle, en tenant la tasse à deux mains.

On mange le plus souvent en cellule. Le réfectoire dominical et le colloque rompent seuls la solitude et le silence. On jeûne trois fois par semaine. On fait abstinence totale de viande et l'on se saigne cinq fois par an. Ce saignées sont suivies, pendant deux jours, de trois œufs sur le plat.

La principale austérité des moines, c'est la solitude et le silence. On médite sans cesse, on adore et on prie. Dans cette vie recluse, la seule variété sensible est, chaque semaine, la promenade en commun, le spâciment. C'est le seul moment où le corps peut exulter sainement.

La rasure avait lieu, autrefois, six fois par an. On s'y soumet maintenant tous les quinze jours.

Les Chartreux ne se prosternent pas la face contre terre. Ils se laissent tomber sur le plancher, étendent devant eux leur grand scapulaire et leur cuculle, s'accoudent contre elle du côté droit, les genoux repliés, la main gauche dans la main droite. Cette attitude est semblable à celle des convives antiques sur des lits en pente. Ils prient la tête sous le capuchon. Mais ils chantent tête nue. Et ils disent encore, chaque nuit, pour la libération de la Palestine, le psaume 78.


Plan en coupe d'une cellule de moine
Plan en coupe d'une cellule de moine



Le postulant Chartreux, même s'il est très jeune, doit avoir au moins dix sept ans accomplis. Pour décider de sa candidature, les moines votent au scrutin secret, avec des haricots blancs et noirs.

Le novice fera l'apprentissage des engins de pénitence. Il sentira sur ses reins la râpe du cilice. Il martèlera ses omoplates et, par derrière, le gras de ses cuisses, comme avec une volée de petites balles, avec les nœuds du martinet dont le nom abstrait voile un peu l'âpreté : la discipline.

Pour réveiller la communauté, la coutume de la sonnette a moins de deux siècles. Jadis, à la Grande Chartreuse, l'excitateur marchait, une grande lanterne à la main. Pour exciter, il frappait sur le sol avec sa clef et l'on répondait en frappant sur le bois du lit avec une petite masse de bois.

Si un Père s'est accusé d'une infraction au silence, le Prieur décrète : "Que celui qui a rompu le silence s'approche pour recevoir la discipline." Le coupable ôte alors sa cuculle, la dépose à sa place, va se mettre à genoux devant le Prieur ; celui-ci le frappe, d'une baguette, légèrement sur les épaules et sur le dos.

Nul ne peut, dans le couvent, prendre sans congé médecine. A plus forte raison prendre un bain (!).

Chacun fera de larges aumônes. Mais on ne donnera aux femmes qu'à distance. Et jamais on ne les laissera pénétrer intra muros. Un moine ne peut approcher d'elles sans péril car "pas plus un homme un homme ne peut cacher la braise sous ses vêtements qui flambent, ni marcher sur des charbons ardents sans se brûler la plante des pied, ni toucher de la poix sans être souillé.( !)" Le Prieur convaincu d'avoir, pour un motif illicite, introduit une femme dans la clôture, sera destitué et ne pourra être remis en charge.

Les statuts énumèrent les principaux crimes imputables à des moines : incontinence des mœurs, coups et violence, actes de propriété, rébellion etc…Aux siècles où les Prieurs et Visiteurs avaient droit de justice dans les monastères, les criminels étaient mis au cachot, soit à perpétuité, soit à temps. Mais cette prison, disent les statuts, "ne devra pas être inhumaine ni mettre en péril leur vie."

Les statuts envisagent à part le cas des fugitifs : "Quiconque sort des limites du couvent sans la permission du Révérend Père ou du Chapitre Général est un fugitif". Si le fugitif revient, on l'accueillera. Sinon, il sera activement recherché. Et on invoquera, s'il le faut, pour le découvrir, le bras séculier. S'il revient dans les cinq jours, il clamera publiquement sa coulpe, demandant miséricorde et promettant de s'amender. Dans la quinzaine qui suivra, les jours de Chapitre, il recevra la discipline et mangera à terre.

Celui qui rentrera après cinq jours ira en prison. Une fois libéré, le criminel (!), quarante jours durant, mange à terre, matin et soir, sur le plancher nu. Toute une année, il est traité comme un novice, exclu des colloques communs ; et il reçoit la discipline les jours de Chapitre, sauf les jours où il communie. Celui qui laisse pousser ses cheveux, on l'avertit trois fois. S'il résiste, il sera incarcéré jusqu'à soumission.


La Grande Chartreuse
La Grande Chartreuse



Le Dom Procureur assume les charges temporelles. Dans chaque Maison, il y aura un coffre-fort ou une salle forte, muni de trois clefs. Le Prieur en gardera une. Il confiera les deux autres à deux de ses moines. On pourra mettre dans ce réduit, avec l'argent de la Maison, les dépôts d'autrui. Mais il ne doit jamais être perdu de vue que les biens dont le Prieur a cure ne sont point les siens ni ceux des hommes. Ils sont au Christ devant qui le compte à rendre sera strict. Aussi, les richesses de la Maison seront toujours préservées, même dans les plus graves périls. Vouées au Christ, elles sont placées sous le signe de sa sauvegarde. Les biens ne doivent pas être situés hors des limites de l'Ermitage, du Désert (Coutume de Dom Guigue - 1127).

Les Chartreux furent d'abord pauvres. Puis leur vint le nécessaire. Ils accédèrent ensuite au suffisant. Puis ils connurent, à la fin, le superflu. L'abondance des biens déborda leurs prévisions. C'est qu'il est malaisé, quand on acquiert en vue d'une communauté qui vivra des siècles, de dire à la richesse : "Tu n'iras pas plus loin."

Quand un frère Chartreux meurt, son corps ne subit pas la prison du cercueil. On cloue l'habit qu'il porte à la planche où il est gisant, on rabat sur ses mains les manches, sur sa tête le capuchon. Après l'Office, on le dépose en terre et c'est fini. Il n'y aura, sur sa tombe nue, qu'une croix sans nom, la même pour tous.Ce jour-là, on mangera en commun, au réfectoire, car la solitude pourrait engendrer de la mélancolie.

Parmi les grands ordres monastiques encore debout au XXIème siècle, seul celui de Saint Benoît a plus d'âge. Les Chartreux doivent leur longévité à leurs vertus de contemplatifs, à la constance d'un sage gouvernement, aux énergies productrices qui leur ont assuré les moyens de maintenir, de restaurer, de multiplier leurs Maisons.


Caves de la Chartreuse
Caves de la Chartreuse



Un fait suffit à peindre et à magnifier la ténacité de ces moines : huit fois brûlée, la Grande Chartreuse fut rebâtie huit fois. C'est que les Chartreux n'ont jamais été rebutés par le labeur physique. Ainsi, les épées des Chevaliers du Temple qui partaient aux Croisades étaient commandées aux moines de Saint Bruno, alors grands maîtres de la métallurgie et des forges. Au XVIIIème siècle, onze fourneaux du Dauphiné produisaient par an mille quintaux de fonte. Et la fabrique de la liqueur chartreuse, si bienfaisante à l'estomac, faisait vivre des centaines d'ouvriers."