Le mystérieux assassinat de Suzanne Furimond



"La mélodie des mensonges"



Il leur arrivait de parler de ses activités clandestines. Quant à elle, il ne lui a connu aucune autre activité que celles liées à son commerce. Elle ne lui a jamais dit qu'elle désirait placer de l'argent. Madame Furimond mère, avec qui il était en bon terme, lui a appris un jour que sa fille voulait acheter un hôtel à Nice, et que son gérant serait un nommé Louis, domicilié à Marseille. Suzanne Furimond n'était pas femme à faire des confidences. Elle était très égoïste. Il ignore si elle avait un autre ami du temps où il la fréquentait. Ce sont les policiers qui lui apprennent qu'elle avait un enfant supposé être de lui, ce dont il se montre surpris, car ils ont rompu depuis deux ans.

Désormais, le commissaire Henin qui n'a pourtant pas chômé, met les bouchées doubles. Il ouvre des pistes : l'argent, le trafic d'or, le marché noir. Mais sans certitude quant à celle qui est la bonne. Il sait que le temps lui est compté s'il veut élucider cette mystérieuse disparition dont il pressent chaque jour davantage qu'elle a pu avoir des conséquences tragiques pour la disparue.

Les auditions continuent sur un rythme soutenu. Ce policier connaît son métier et pose les bonnes questions. A-t-il ferré un bon poisson ? Nous ne le savons pas, ni lui non plus. L'enquête se poursuit. Puis, après cette accélération, on dirait qu'elle se ralentit. Il faut laisser le soufflé reposer un peu. Et nous voici entrés dans ce que les enquêteurs vont appeler "la mélodie des mensonges". Ils devaient s'y attendre : ils ont beaucoup sollicité leurs informateurs en tous genres et cette pêche en eaux troubles leur apporte plus de mauvaises que de bonnes révélations. Ils vont continuer à exploiter la piste des personnes connues à Avignon pour s'intéresser au trafic d'or.

Vendredi 26 mars 1948 : déclaration de monsieur Elian, 35 ans, commerçant à Avignon, impasse des Aubépines.

Il a fait la connaissance de Suzanne Furimond en 1946, au mariage de son neveu Jean Daude, auquel il avait été invité par monsieur Malachian, le père de la mariée. Depuis, il a entretenu avec elle des relations amicales. Il allait chez elle et elle venait chez lui. Il savait que la disparue spéculait sur les pièces d'or. Elle lui posait souvent des questions sur le cours des pièces suisses. Parfois elle proposait de lui en acheter ou de lui en vendre ; mais il n'a traité aucune affaire avec elle, car elle était trop cupide sur les prix et il n'y trouvait pas son avantage.Il ment.

Et il se coupe. Le 28 février 1948, Suzanne Furimond est venue à son domicile et y a dîné. Elle lui déclara alors qu'elle était en possession de pièces d'or, à savoir : 100 pièces suisses, 49 livres turques, 1 pièce italienne de 50 francs (?), trois Louis de pays étrangers et quatre demi Napoléon. Elle a proposé de les lui vendre. Il s'est déclaré d'accord pour acheter les pièces suisses à 3 950 francs et les pièces turques à 4 200 francs l'une, les autres à 3 850 francs l'une. Soit un total de 630 000 francs. Elle lui remet par ailleurs une somme de 140 000 francs afin qu'il achète des pièces pour elle si leur cours venait à baisser dans la semaine. Ce qui ne fut pas le cas.