Le mystérieux assassinat de Suzanne Furimond






Rapport d'enquête



Il s'est rendu plusieurs fois chez elle depuis qu'il la connaît. Il allait y chercher des œufs qu'elle ramenait de Mazan. Il a eu l'occasion de boire l'apéritif avec elle. Il n'a jamais vu personne chez elle. Il s'y est toujours rendu seul. A sa connaissance, elle ne buvait pas de pastis. Mais elle fumait volontiers.

Il croit que Suzanne Furimond était en bons termes avec les membres de sa famille. Elle était assez plaisante, mais dure en affaires et très intéressée. Elle n'aurait jamais reçu chez elle, pour traiter une affaire, quelqu'un qu'elle ne connaissait pas.

Le lundi 15 mars 1948, vers 9 heures, de sa propre initiative, monsieur Malachian s'est rendu rue Saint-Lazare pour savoir si, dans le voisinage, on avait de ses nouvelles. Il est ensuite allé chez monsieur Coder, un de ses voisins avec qui il est intime. C'est cet homme qui lui a donné l'idée d'aller voir dans le jardin, dans le garage et dans les dépendances, pour le cas où la disparue s'y serait trouvée. Ils y sont allés ensemble.

Le lundi 5 mai 1948, le commissaire Henin transmet au juge d'Instruction un rapport sur l'état de l'enquête au sujet de l'affaire Furimond. Il déclare :

Que madame Suzanne Furimond n'a pas été retrouvée à ce jour. Que ses proches affirment qu'elle n'était pas expansive, qu'elle cachait ses relations et ne dévoilait ses projets à personne. Qu'elle remplissait avec amour ses devoirs de mère. Que le milieu social qu'elle fréquentait était assez relevé. Que cependant, il a pu être établi qu'elle était en relation avec certains trafiquants de pièces d'or avec lesquels elle avait réalisé dans le passé des transactions assez importantes, de l'ordre de 750 000 frs pour ce qui en était connu. Elle était très intéressée, presque avare, méfiante, ne recevant pas n'importe qui chez elle. Mais susceptible de se laisser attirer dans un guet-apens si on lui faisait miroiter un quelconque gain d'importance.

En résumé, le vol, bien plus que la jalousie ou une vengeance, semble être le mobile de ce qui apparaît désormais comme un assassinat. C'est dans le milieu très spécial et très fermé des "trafiquants d'or" qu'il faut rechercher les coupables. Des témoignages recueillis à ce jour semblent confirmer que Suzanne Furimond possédait beaucoup de pièces d'or et qu'elle cherchait à les écouler. L'enquête se poursuit.

Le commissaire Henin a incontestablement fait du bon travail ; il a pris la bonne piste mais il n'a pas réussi à découvrir les coupables. La presse s'agite et chacun y va de son hypothèse. Avec au bout, cette lancinante question : qu'est devenue Suzanne Furimond disparue maintenant depuis près de deux mois ? La retrouvera-t-on jamais ? Est-elle morte ou encore vivante ? Aurait-elle été enlevée ?

En désespoir de cause on en vient à consulter les radiesthésistes et chacun d'eux y va de son pronostic. Presque tous s'accordent, du reste, à voir la disparue flotter entre deux eaux. Mais quelles eaux ? Il y a des étangs tout autour d'Avignon. La Durance n'est pas loin et le Rhône est là, tout à côté, qui coule avec une tranquille indifférence entre Avignon et Villeneuve. Mais il a l'habitude de restituer ses proies dans le délai ordinaire d'une ou deux semaines. Alors ?