Le mystérieux assassinat de Suzanne Furimond






La noyée du Rhône



Photo presse.


Il fait beau et déjà chaud en ce samedi 8 mai vers 9 heures du matin. Monsieur Carle, pêcheur professionnel, tire ses filets dans le bras mort du Rhône, côté Villeneuve, au pied d'une forte élévation rocheuse appelée le Rocher de la Justice, car au Moyen-Age, on y avait dressé le gibet royal, les sinistres fourches patibulaires. Installé là depuis 6 heures du matin, monsieur Carle a tendance à sommeiller un peu quand soudain, son attention est attirée par une sorte de ballot qui flotte à la surface de l'eau sans dériver, car à cet endroit il n'y a pas de courant.

Il s'en approche. L'odeur qui s'en dégage est pestilentielle. Monsieur Carle a l'habitude de ce type de rencontre : beaucoup de riverains du fleuve y jettent des charognes. Une de plus. Et pourtant, à mieux y regarder, ce sont bien deux jambes humaines, ou ce qu'il en reste, des tibias où sont encore accrochés quelques lambeaux de chair, et des chaussures tenant toujours aux pieds, qui sortent par l'une des extrémités crevée d'un sac. Cette fois c'est du sérieux. Il regagne vite la berge, enfourche sa bicyclette et va prévenir les gendarmes de Villeneuve, qui sont tout proches.

Aussitôt sur les lieux, ceux-ci font tirer le ballot sur la rive et doivent se rendre à l'évidence : c'est bien un corps humain que le Rhône a laissé remonter de ses profondeurs, et de fait, c'est à cet endroit qu'il est réputé être le plus profond, entre 10 et 15 mètres, dit-on. Le cadavre est dans un état de putréfaction avancée, horrible à voir et d'une puanteur insoutenable. On ne le montrera pas à la famille qui, de toute façon, ne le reconnaîtrait pas. Grace aux vêtements, on constate très vite qu'il s'agit du cadavre d'une femme et un nom s'impose aussitôt à l'esprit des gendarmes : Suzanne Furimond, dont la disparition il y a deux mois à Avignon, a fait grand bruit dans la région.


Le corps empaqueté de la noyée. Photo presse.



On avise immédiatement les services de police d'Avignon, chargés de l'enquête, qui arrivent sans tarder sur les lieux et font harponner le ballot pour qu'il soit tiré jusque sur la plage de l'île Piot, située en face, sur le territoire d'Avignon. Ansi devenus territorialement compétents, ils pourront reprendre et poursuivre leur enquête au grand soulagement des gendarmes qui la leur laisse volontiers.

Les policiers constatent que le corps a été enfermé dans deux sac de jute épaisse, enfilés l'un par la tête, l'autre par les pieds, lestés de galets du Rhône et entourés de fil de fer galvanisé qui ne forme pas moins de douze torsades très serrées. C'est du travail de professionnels : empaqueté de la sorte, il y avait peu de chance pour que le corps remonte à la surface. Mais le sac entourant les pieds et les jambes a crevé et perdu une bonne partie de son lest. Si bien que le Rhône a fini par restituer sa proie.

Le foulard rouge et blanc, les socquettes blanches, la paire de souliers en cuir jaune, à semelles de crêpes (très bien conservées), les deux boucles d'oreilles en or avec brillants, les restes des vêtements, robe, manteau, et une alliance en or où est gravées l'inscription "LR à SF. 9 septembre 1923" appartiennent bien à la disparue. Et sa famille, comme son ex-époux, le confirmeront.

L'examen de la saponification des graisses (transformation dans l'eau des graisses en "savon"), permettra au médecin légiste de déterminer que le temps où le cadavre a été immergé dans le Rhône correspond au délai écoulé entre le jour où Suzanne Furimond a disparu et celui où son corps a été retrouvé, soit deux mois, presque jour pour jour.



Les chaussures de la noyée. Photo presse