Le mystérieux assassinat de Suzanne Furimond
Rapport de police
L'autopsie pratiquée à la morgue de l'hôpital Sainte-Marthe d'Avignon révélera que la victime a été étranglée par-dessus son foulard avec du fil de fer (en fait il s'agit de fil téléphonique abandonné par la Wehrmacht qui servit aussi pour "saucissonner" le cadavre). L'étranglement a été si violent qu'il a fortement creusé les chairs du cou. Le bol alimentaire qui n'a pas été entièrement digéré, contient encore les restes du repas qu'elle a pris à midi à Mazan chez sa mère. En tout cas, pour les enquêteurs, il est important que le mystère entourant la disparition de Suzanne Furimond soit enfin levé. Quant à l'issue fatale, elle ne faisait plus aucun doute pour personne. Le lundi 10 mai 1948, le juge d'instruction autorise l'inhumation du corps de Suzanne Furimond née le 11 février 1898.
L'enquête est relancée et confiée cette fois à la 9 ème brigade mobile de Police Judicaire de Marseille. Toutes les auditions déjà réalisées sont reprises et toutes les dénonciations, reçues en grande quantité, par lettres anonymes sont vérifiées. Mais cette équipe policière ne découvrira aucune piste vraiment nouvelle. Cinq petits voyous d'Avignon : Auge, Matieu, Grégor, Louis Antonin et un autre, qui font le trafic de cartes de pains, sont un moment inquiétés. Un témoin, patron de l'hôtel où ils logent, les avait entendu parler d' "un coup à faire à une vieille femme d'Avignon qui trafique des pièces d'or". Mais cette vielle femme se transforme en "mère d'un milicien" qui trafique de l'or et qui habite à 30 kilomètres de la ville des papes. Serait-ce Mazan ? Ou Oppède, comme l'indique un des voyous ? Les petits malfrats, anciens maquisards du FTPF, déclarent avec élégance que, de toute façon, "ils n'ont pas donné suite", car un de leurs anciens chefs, le capitaine Lanel, ayant appris leur projet, "leur a fait la morale".
N'ayant pu établir de nouveaux faits, ni découvrir une autre piste, la police marseillaise déclare plus ou moins forfait et son chef conclut : "Comme il apparaît qu'aucune trace de lutte n'a été relevée au domicile de la victime, qu'il y a été découvert une somme de 450 000 francs, que chez elle rien n'a été fouillée, qu'elle a été retrouvée vêtue de son manteau et de son foulard, que par contre, son sac à main a disparu, on peut supposer ce qui suit : après le départ du camionneur de Villeneuve, Suzanne Furimond a reçu un appel téléphonique (la police aurait dû le savoir exactement puisqu'elle a demandé un relevé détaillé des communications téléphoniques passées et reçues à son domicile d'Avignon du 11 au 15 mars1948, mais ces appels ne sont pas indiqués), lui fixant un rendez-vous pour la vente de ses pièces d'or.
Ayant toute confiance en son interlocuteur, elle a enfourché sa bicyclette et elle s'est rendue à l'endroit fixé, en laissant la lumière de sa cour allumée, espérant être bientôt de retour. Ce rendez-vous lui a été fatal. A-t-on voulu la voler ? C'est presque certain. Elle s'est défendue car, femme impulsive et énergique, rien ne lui faisait peur. Ses acheteurs, mués en voleurs, l'ont alors maîtrisée et étranglée. Ils ont transporté le corps en voiture, dans un endroit isolé, à l'abri de toute indiscrétion, l'ont placé dans des sacs lestés avec des galets du Rhône, ficelés avec du fil de fer électrique (sic) et jetée dans le fleuve.
Les policiers semblent exclure que Suzanne Furimond ait pu être assassinée tout simplement à son domicile, alors qu'elle était sur le point de sortir. Ils se trompent peut-être.