Histoire de glaçons
Le ciel est
blanc, lumineux, je viens d’ouvrir les yeux vers ce
désert immense et infini qui me donne ce sentiment de
liberté dont j’ai besoin en ce moment. Je suis
étendu, lascif, dans l’herbe fraîche de mon jardin.
Je sens la formidable activité invisible de la nature et je
devine les milliers d’insectes qui m’entourent
en m’ignorant autant qu’une souche
d’arbre. Ma gorge se dessèche et le besoin de lutter
contre l’altération de mon organisme prend le dessus.
Je quitte à regret cet instant de quiétude pour trouver ce
doux breuvage essentiel à la vie qui me fait défaut. Du
ciel infini, je passe à la matière minérale dressée devant
moi. Malgré la chaleur, mes pieds nus trouvent de la
fraîcheur dans la densité du gazon que je foule sans
précaution. Ma main se pose sur la surface épargnée par le
soleil d’un mur en granit. Son effusivité me procure
une éphémère sensation de froid, mais la rugosité de la
paroi me freine dans mon désir dans ressentir plus. Je
pénètre dans la cuisine, il me faut quelques instants pour
distinguer de nouveau les contours de la pièce. Le temps
que mes yeux s’habituent à la pénombre, je retrouve
mentalement la position du meuble où se trouve le verre
rangé au milieu de ses compagnons de silice.
La coïncidence, de ma main qui se pose sur la poignée du
réfrigérateur et les gammes perçantes du carillon de la
porte d’entrée, me fait sursauter. Entre abattement
et agacement, j’abandonne mon objectif salutaire pour
identifier l’auteur de mon dérangement. Alors que
j’ouvre la porte d’entrée, la lumière du soleil
envahit l’encadrement et durant un bref instant, je
ne perçois qu’une ombre chinoise de cette personne
qui se tient sur le pas de ma porte. Je la reconnais, et
mon agacement disparaît au profit d’une agréable
surprise qui provoque cet hébétement qu’ont les
garçons en présence d’une belle jeune femme
intimidante. Des cheveux noirs mi longs, des yeux bleus à
rester hypnotisé, une silhouette fine, mon regard
s’attarde sur les espaces de son corps laissé
volontairement libre à la vue et surtout à l’air
salvateur avec cette chaleur estivale. Un paréo ceinture
ses hanches et je peux distinguer ses jambes détourées par
la lumière. Le ventre nu, elle ne porte qu’un caraco
ouvert sur le devant et deux boutons retiennent le tissu
léger qui entretient le mystère sur sa poitrine et pourtant
j’en devine facilement les contours. Je bredouille
quelques mots pour lui souhaiter le bonjour et connaître la
raison de sa visite. Elle semble aussi timide que moi, mais
ses paroles sont une mélodie, un peu le chant des sirènes.
Je n’entends que la musique et je n’écoute
qu’à peine les paroles. Ses yeux me donnent envie de
rester là à les regarder sans fin.
C’est quand je vois les bacs à glaçons s’agiter
devant moi que je reviens à la réalité. La chaleur est à
son maximum aujourd’hui, j’adore cette
atmosphère moite où le moindre courant d’air chaud
est un plaisir sur ma peau. Je propose à Sélène,
c’est son prénom, d’entrer, le temps que
j’aille voir dans mon congélateur s’il me reste
des glaçons. Elle passe devant moi et la proximité me fait
profiter des effluves de son corps. Elle a dû se parfumer
ce matin, les fragrances, du vétiver et de la cannelle,
ressortent encore de son odeur, mais l’huile de monoï
vient clore cet épisode olfactif. Je referme la porte
derrière elle, alors que je n’ai de cesse
d’observer son corps dès que son regard se détourne
du mien. Elle n’ose pas avancer dans la maison et
s’arrête sur une photo accrochée au mur. Cette une
femme adossée à un mur, l’image est sombre avec des
jeux de lumière, elle ne porte qu’un string rouge et
un chapeau. Sélène me dit alors, qu’elle aimerait
bien poser pour faire des photos, mais qu’elle
n’a jamais osé. Je lui réponds qu’elle devrait
vraiment le faire, car elle a un physique superbe et
c’est dommage de ne pas y avoir pensé plus tôt. Elle
rougit et ses yeux disparaissent derrière une mèche de ses
cheveux noirs, j’aperçois un sourire au coin de son
visage.
Quelques
instants de silence passent et malgré le côté agréable de
la situation, je décide d’aller dans la cuisine.
L’espace me permettant de passer est insuffisant, je
pose ma main au niveau du haut de son dos et alors
qu’un timide pardon sort de ma bouche, elle se
retourne brusquement pour me faire face. Elle se retrouve
collée à moi et je sens sa poitrine contre mon torse nu. Je
peux même sentir ses tétons au travers du tissu. Une
seconde de plaisir intense qui dure une éternité bien trop
courte. Notre maladresse mutuelle nous fait rougir et nous
nous écartons en nous excusant avec la même gaucherie. Nous
allons jusqu’à la cuisine, et par chance, il me reste
deux bacs de glaçons. Elle me propose de remplir les siens
d’eau et de les laisser chez moi, je prolonge son
idée, et je décide de remettre les miens aussitôt et de lui
donner les glaçons dans un grand bol. Je démoule les cubes
de glace, l’un d’eux m’échappe et il
tombe aux pieds de Sélène. Elle le ramasse en me disant
qu’il tombe bien et qu’elle va l’utiliser
tout de suite. Je suis curieux de découvrir de quelle
manière elle va pouvoir s’en servir, et je
l’observe.
Portant le cube du bout des doigts, elle le fait glisser
sur son front, autour de son arcade, sa pommette, puis au
coin de sa bouche, sur ses lèvres. Il descend maintenant
dans son cou, elle bascule la tête en arrière et ferme a
demi ses yeux. La glace fond au fur et à mesure en laissant
sa trace humide derrière lui. Des gouttes d’eau
coulent comme des larmes sur sa peau et viennent se
rejoindre sur sa poitrine pour accompagner
l’exploration jusqu’à la naissance de ses
seins. Je voyais la chair de poule l’envahir et les
pointes de ses seins en train de durcir. De l’eau
avait fini par s’interposer entre sa peau et le coton
de son caraco. Cette scène était tellement érotique que mes
mouvements se faisaient au ralenti, mes yeux rivés sur son
corps. Mon sexe avait subi les conséquences des processus
chimiques et je le sentais gonfler sous le simple caleçon
que je portais. Ses yeux se rouvrent et elle voit un bref
instant que mon regard était porté sur sa poitrine. Elle la
regarde à son tour et comprend ce qui a pu attirer mon
attention. Elle est gênée et essaie tant bien que mal de
croiser ses bras devant elle. Mon attitude étrange, appuyé
bizarrement le long du plan de travail central qui nous
sépare, pour dissimuler cette bosse encombrante dans mon
caleçon, ne met pas longtemps pour être interprétée par mon
hôte. Elle me demande pardon et s’excuse pour ce
qu’elle a provoqué. J’esquisse un sourire en
lui disant que le glaçon avait beaucoup de chance
d’avoir effectué une mission si délicieuse même si
cela lui a causé sa perte. Je rajoute, mais en baissant
d’un ton : « Qui ne fondrait pas en faisant
un pareil parcours ? ».
Elle décroise les bras et s’appuie sur ses mains
qu’elle pose derrière elle, sur le plan de travail.
Elle sourit à son tour et me dit qu’il faudrait
vérifier, peut-être qu’un autre glaçon aurait la
chance d’aller plus loin. Elle s’approche de
moi et me tend un glaçon. Ma gorge se serre, mon cœur
cogne dans ma poitrine. Sélène est face à moi, les yeux
fermés, elle attend que je l’effleure avec cette
glace qui n’a de cesse de fondre entre mes doigts. Je
commence par déposer mon film de fraîcheur sous
l’oreille, le long de sa gorge. Elle frémit et de sa
main, elle dégage les cheveux de sa nuque pour les ramener
et les retenir au sommet de sa tête. Elle incline le visage
sur le côté et une courbe naturelle se forme jusqu’à
son épaule. Doucement, je descends ma pointe de fraîcheur
jusqu’à la bretelle de son caraco, celle-ci tombe le
long de son bras. Je dirige mon cube de glace le long de sa
clavicule et j’entreprends sa descente le long de son
sternum. Bloqué par les boutons de son caraco, je fais
progresser mon glaçon sur le tissu. Le volume de glace a
diminué de moitié et l’extrémité de mes doigts frôle
maintenant la surface délicieusement douce que
j’explore. L’humidité que je dépose sur les
fibres de coton rend celles-ci transparentes en se collant
à la peau de sa poitrine. L’hésitation des premiers
instants laisse place à plus d’assurance et mon rôle
ne se limite plus à un simple rafraîchissement. Je perçois
son plaisir au travers de son sourire exquis qu’elle
m’offre comme récompense. La retenue disparaissant,
j’approche les dernières traces de glace de la pointe
de son sein, durci et dressé sous le tissu. Le contraste de
son aréole est perceptible, je profite, le cœur
battant, du spectacle de son abandon sous mes
doigts…
Elle ouvre les yeux, plonge son regard dans le mien en
souriant, j’ai la main humide, les doigts abandonnant
les courbes de sa poitrine. Je me sens gêné d’avoir
cédé à la facilité de la situation, mais le point de
non-retour est franchi, et sans aucune timidité, elle
déboutonne son caraco. Sa main prend la mienne pour la
porter sur son sein nu, et s’approchant de moi, je
subis avec délice, l’assaut de ses lèvres sur mon
visage. Sa bouche goûtant les subtilités de ma peau,
revenant toujours plus près de mes lèvres entrouvertes,
prêtes à saisir le moindre contact fugace. La possession de
son sein dans ma main, deviner son cœur caché
derrière, la douceur de sa peau contre la mienne, la
pression de son bassin contre mon sexe, autant de
phénomènes distincts qui viennent saturer mes sens et
s’ajouter à la volupté esthétique du moment. Elle se
détache de moi, offerte, elle attend une réponse de ma part
à ses avances diaboliques. Aucun doute, le cœur
brûlant, je ne pouvais pas résister, et comme le glaçon, je
fondais. Fondre de plaisirs, car il est inconcevable de
penser pouvoir lutter dans ce combat perdu d’avance.
La nature a été cruelle et pourtant si généreuse de doter
les femmes d’autant d’attributs de séduction.
Il est facile de dire non, car la morale a tant de pouvoir
sur nos faiblesses instinctives, mais autant regarder une
crème glacée fondre en plein soleil. On aura toujours le
regret de ne pas l’avoir mangé. Cette pensée vient
mettre un terme à de trop longs instants d’hésitation
et poursuivant cette idée de chaud et froid intimement
liés, mes doigts viennent chercher sa main. Soumise à mon
invitation, elle me suit, je l’entraîne à
l’extérieur de la maison, nos regards sont complices,
nous n’avons qu’une idée en tête…