Quelles sont les principales contraintes interprétantes en littérature ?

Ce sont des index classables selon les trois niveaux: syntactique, sémantique, pragmatique. Elles relèvent de techniques narratives, de la rhétorique, de l'intertextualité et dans une large mesure de ce que Roland Barthes appelle codes socio-culturels.

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Sous ce concept se rassemblent donc tous les moyens ou tous les procédés divers qui font converger les différentes sémiosis vers un objet final et qui permettent, en réduisant le nombre de possibilités, de mettre un terme au processus d'interprétation. Parti d'un foisonnement de sens possibles, le lecteur est poussé, par le biais de ces contraintes qui agissent comme des grilles de lecture, à l'unicité de l'interprétation.

Le statut sémiotique de ces signes est celui de légisignes indexicaux dicents : légisignes car elles ne pourraient opérer sans convention préalable, elles font loi ; indexicaux car leur relation à l'objet est indépendante de l'interprète, elle fonctionne en dehors de lui. Objective, cette relation peut lui être connue ou il peut l'ignorer (ce qui explique d'ailleurs les différents niveaux de lecture).

Ces contraintes sont aussi nombreuses que variées. Ce sont d'abord les contraintes inhérentes au discours narratif comme les embrayeurs, les procèdures de débrayage et d'embrayage qui découpent dans le texte ce que A.J. Greimas appelle "des unités discursives " (et qui indiquent que tel passage doit être lu comme "un récit", le suivant comme "un dialogue"), les choix qui s'opèrent lors de l'actorialisation (choix des acteurs du discours) et les ancrages spatio-temporels. Des mots comme "fiacre, sergents de ville, bec de gaz", par exemple, datent le récit autant que l'emploi d'un archaïsme ou d'un néologisme. La construction du récit est aussi une contrainte : il y a une grille de lecture du conte, de la pièce de théâtre, de la nouvelle, du roman policier, du récit fantastique... Le rythme du récit résulte du choix de l'auteur. Selon le modèle établi par Harald Weinrich dans la perspective d'une linguistique textuelle, les actions dont on rend compte au passé simple sont des actions de premier plan alors que l'imparfait rejette les actions dans l'arrière-plan du récit. Le tempo narratif en dépend donc, de même qu'en dépend l'interprétation du récit dans la mesure où le choix des temps narratifs reflètent les intentions et les buts de l'écrivain. Le choix de l'auteur s'exerce aussi à propos du titre qui peut se montrer trés contraignant. Enfin le contexte (préface, avertissement, organisation du livre ou présentation du "morceau choisi" dans un manuel scolaire), la vie et l'oeuvre de l'auteur, les contemporains avec les univers littéraires, les aires culturelles qui en dépendent, s'imposent au lecteur comme autant de lois qui relèvent de véritables institutions: institutions littéraires d'une part, institutions de l'édition d'autre part.

Ces dernières contraintes qui sont des données à priori de l'analyse et de la critique littéraires peuvent d'ailleurs interdire des voies à l'interprétation, voies qu'une approche du texte plus généraliste et plus libre pourrait dégager. A.J. Greimas dans son étude de la nouvelle de Maupassant, "Deux Amis", attire l'attention sur ce fait lorsqu'il écrit :"la description de la nature, héritage romantique, se trouve traversée de visées narratives, et des panneaux d'univers figuratif, valorisé, s'y déploient. Maupassant, écrivain réaliste ?". Et il conclut, après son étude, au "symbolisme" de Maupassant dans ce qu'il relève dans la nouvelle étudiée "une attitude sémiotique connotative qu'adopte une culture pour envisager le rapport de l'homme avec l'univers posé comme signifiant".

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