1. Les procédures qui permettent d'installer la personne : "je".
"Je" mais aussi "ici" et "maintenant" (catégorie de la personne, de l'espace, du temps) sont les déictiques (ou indicateurs pour E. Benvéniste), c'est-à-dire des éléments linguistiques qui font référence à l'instance de l'énonciation et à ses coordonnées spatio-temporelles.
Appelés embrayeurs (schifter pour R. Jakobson) ils permettent de passer du plan de l'énonciation à celui de l'énoncé. Les embrayeurs sont des pronoms, des démonstratifs, mais aussi des définis, des noms propres autrement dit tout ce qui concourt à créer l'illusion énonciative (retour au sujet) et l'illusion référentielle (retour à l'objet). C'est l'opposition je, ici, maintenant / non-je, non-ici, non-maintenant qui permet à E. Benvéniste de fonder sa distinction entre récit et discours.
2. A.J. Greimas fait la distinction entre les actants de la communication et les actants de l'énoncé (ou de la narration). Le narrateur est l'un des actants de la communication (il suppose le narrataire, deuxième terme du couple, comme l'énonciateur suppose l'énonciataire).
Pour Greimas, installer un "je" dans le discours suppose une procédure double : d'abord le débrayage puis l'embrayage, au terme de laquelle on obtient l'énonciation énoncée ou rapportée (simulacre de l'énonciation). "Je" suppose en effet "non-je", "ici", un "non-ici", "maintenant" un "non-maintenant".
S'il s'agit de projeter dans le discours les actants de l'énonciation, un "je" qui représente le narrateur, on opère d'abord un débrayage énonciatif. S'il s'agit de projeter dans le discours les actants de l'énoncé on opère d'abord un débrayage énoncif. Dans le premier cas, on obtient des récits en "je", dans le second, on obtient des narrations qui sont des sujets quelconques.
On peut expliquer par une série de débrayages et d'embrayages internes successifs la présence de séquences dialoguées dans un récit. Mais pour ces discours du 2e (ou 3e degré...) on propose de remplacer le couple narrateur/narrataire qui convient à l'ensemble du récit conçu comme une communication par le couple interlocuteur/interlocutaire qui vise à reproduire la communication au moyen de dialogues à l'intérieur du récit.
3. Le débrayage cognitif. Il paraît important de rappeler ce concept greimassien, préalable à l'étude du statut sémiotique du narrateur. Parallèlement au débrayage actantiel (non-je, je), au débrayage temporel (non-maintenant, maintenant), au débrayage spatial (non-ici, ici) il présuppose un débrayage cognitif qui intéresse cette fois non les actants de la communication mais les actants de l'énoncé (ou de la narration). Deux types d'actants de la narration correspondent aux deux dimensions de la narration :le sujet pragmatique pour la dimension pragmatique (la dimension de l'action) et le sujet cognitif pour la dimension cognitive. Les sujets cognitifs sont selon Greimas "tantôt des producteurs tantôt des interprètes des significations" et le débrayage cognitif permet d'instaurer un écart entre la position cognitive de l'énonciateur, du producteur et celle soit des actants de la narration, soit du narrateur.. Plusieurs cas peuvent être envisagés :
- le sujet cognitif se confond avec le sujet pragmatique
- le sujet cognitif est autonome (l'informateur par exemple doté d'un savoir total ou partiel)
- le sujet cognitif est implicite : l'actant observateur (notion de point de vue) ou de focalisation
- le sujet cognitif est aussi le narrateur (ou le narrataire).
Cette notion d'actant cognitif nous paraît importante bien qu'assez mal formalisée : elle aborde la problèmatique de la narration propre au genre romanesque à savoir non seulement qui parle ? mais aussi qui voit ? et qui sait ?
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