ROBERT MARTY
Université de Perpignan
 
LE CAS DES TOTALITÉS EMPIRIQUES
 

Nous avons distingué, au début de notre propos, les notions de tout empirique et de tout construit. La définition 4 concerne un tout construit puisque les éléments et les relations qui les constituent en unité sont donnés a priori. Un tout empirique est présent à l'esprit avant la moindre de ses parties, comme une entité monadique déjà-là. Ses éléments constitutifs n'apparaissent qu'ensuite; ils sont distingués par des jugements analytiques qui opèrent des différentiations dans cette entité en faisant «tomber» sous des concepts existants certaines sous-entités. Ainsi se constitue une diversité d'éléments associée à ce tout empirique. De même des relations nécessaires entre ces éléments doivent apparaître simultanément puisqu'il est acquis que ces éléments sont des éléments d'une totalité collective (d'ailleurs, le fait d'appartenir à cette totalité est déjà une relation entre ces éléments). I1 y a au moins des relations de contiguïté dans l'espace ou dans le temps. Finalement c'est donc une unité d'éléments qui est associée a posteriori à ce tout empirique. En tant que telle elle a sa propre totalisation et celle-ci ne peut être réalisée que dans le concept sous lequel tombe la totalité empirique, s'il existe. Ainsi le cas des totalités empiriques peut se traiter comme celui des totalités construites; il s'agit en fait d'une reconstruction a posteriori.

Ainsi, lorsque les cinq personnes A, B, C, D, E sont réunies dans un même lieu, elles sont perçues comme une totalité empirique (un "groupe humain") uniquement grâce aux relations de contiguïté. Elles ne cesseront pas pour autant de constituer une famille. C'est donc le concept de groupe qui sert à reconstruire cette totalité après analyse en parties (les personnes) et prise en compte des relations de contiguïté et de simultanéité inhérentes à l'ici et maintenant de la perception. Dans certaines circonstances ce seront des relations particulières sélectionnées dans des champs particuliers (par exemple des traits physiques ou vestimentaires caractéristiques) qui constitueront d'autres unités dont la totalisation conduira a des totalités nouvelles relatives à ces champs.

La formalisation proposée recouvre, nous semble-t-il, toutes les définitions d'un tout qui font appel aux notions de somme, d'adjonction, ou à des notions équivalentes de manière métaphorique. Les assertions apparemment contradictoires d'Edgar Morin signalées au début apparaissent maintenant hors de propos; un tout n'est ni plus, ni moins que l'ensemble de ses parties, c'est une entité différente de cet ensemble qui est une diversité d'éléments. Un tout est la totalisation d'une unité d'éléments construite sur cette diversité dont les éléments sont solidarisés par des relations construites ou prises en compte dans sa perception.

Les propositions qui suivent nous permettront de mieux préciser les rapports entre le langage métaphorique couramment utilisé et la formalisation que nous proposons.

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