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…Je suis intimement
convaincu que l’homme n’est pas né mauvais. Il a appris à le devenir.
Tout a commencé en des
temps reculés. La Chose… en fait, c’est ainsi que les villageois de Mosdilion
la nommaient, arriva sur Terre en Sibérie, autour du coup d’un géant à
l’apparence humaine. La création du monde vue par les Sibériens précise qu’
«un homme venu de nulle part » créa les enfers en creusant un puits dans
la Terre. Personne ne sut d’où venait ce géant. Mais ce qui est sûr, c’est
qu’il amena avec lui la Chose et que la Chose apporta le Mal. L’homme, très
vite, fut conquis et le Mal se répandit, non comme une maladie, mais comme
une bonne nouvelle. La guerre, la cruauté, la jalousie, le désir :
autant de jouets nouveaux pour une humanité naissante, innocente et curieuse,
autant de comportements qui achevaient de différencier l’homme de l’animal et
que l’homme cultivait, fier de sa différence. Ainsi, longtemps, on ne vit pas
de « mal » à faire le Mal. Puis, peu à peu, l’homme s’ennuya. Il
avait beau chercher à être plus cruel, guerroyer sans relâche, laisser libre
cours à toutes les perversions, il ne trouvait plus dans le Mal le même
attrait qu’aux premiers jours. L’excitation de la découverte étant passée, la
curiosité satisfaite, le Mal finalement ne l’intéressa plus. C’est alors
qu’il pris conscience qu’il ne savait faire que le Mal et le Mal devint
encombrant. On voulut évier de le faire et le Mal, finalement, devint le Mal.
Cherchant à se
débarrasser du Mal, l’homme imagina de faire tout le contraire et ainsi
naquit l’idée du Bien, mais l’idée seulement car cela semblait un idéal
impossible à atteindre tant le Mal était enraciné en lui.
Peu à peu, l’humanité se
scinda en deux : les partisans du Bien et ceux du mal. Il y eut de
grandes batailles au cours desquelles fut inventée la magie. Finalement, le
Mal fut vaincu. La Chose, elle, fut emportée loin, très loin de la Sibérie, à
l’autre bout du monde dit-on…
-
A Mosdilion…
C’est
exact !. En chemin, les tribus sibériennes firent autant de prisonniers
que possible, avançant vers leur but de plus en plus lentement, mais avançant
sûrement. C’est ainsi qu’une marée humaine arriva dans cette vallée reculée
des Alpes. Les Sibériens sacrifièrent les prisonniers, préparèrent
magiquement leurs crânes et installèrent la Chose dans ce qui devait être sa prison
éternelle. Puis le plus grand et puissant guerrier fut chargé de la garder.
On lui donna les plus belles armes et armures glanées sur le chemin et un
poignard d’ivoire fut plongé dans son cœur. … (silence)
Un abîme de temps passa
durant lequel chacun de son côté chercha une solution et trouva sa voie pour
se défaire du Mal. Ainsi naquirent les religions et leurs rituels, ainsi
furent édictées les grandes Lois : les Préceptes de Bouddha, les Dix
Commandements, les Evangiles, la Charia…
Le Bien progressa,
reléguant le Mal en nous. Ainsi naquirent les cauchemars, les pulsions que
l’on dit « instinctives ». A leur tour, ceux des hommes qui
continuèrent à se complaire dans le Mal se donnèrent des lois, forgèrent des
religions et inventèrent des rituels pour se défendre du Bien. De ces
réactions sont issus tous les cultes noirs et les pratiques sataniques. D’une
manière ou d’une autre, directement ou indirectement, la Chose est l’idole de
ces cultes.
Malgré les millénaires de
lutte, l’évangélisation des tribus païennes, la chasse aux sorcières et
l’Inquisition, le Mal ne disparut pas.
La Chose était là et ses
appels avaient toujours les mêmes conséquences : la Guerre puis la
Pestilence puis la Famine. Les trois premiers cavaliers... cela vous dit-il
quelque chose mon ami ?
-
Bien entendu ! J’ai
lu la Bible, vous savez ! Et j’ai été au catéchisme !
(sourire) Voilà qui me
rassure (sourire). Parvenir à croire en ce que l’on ne voit pas, cela peut
être très utile. Comme je vous l’ai expliqué, Karlack était un Gardien Gantys
du Passé Oublié qui a fini par se prendre pour Dieu. Il s’est imposé aux
Faux-Humains et leur a instauré le chaos, le Mal, mais surtout la Mort. Il en
était devenu le représentant vivant sur Terre. Lorsque les Gantys ont fait
franchir aux Faux-Humains une nouvelle étape dans leur évolution, ils se
débarrassèrent de Karlack en le condamnant à l’exil dans le Passé Oublié.
Mais le Mal était devenu une part entière de la nature humaine. Et il fallait
quelqu’un pour « gérer » le Mal et la Mort dans la nouvelle
réalité. Les Gantys ne voulaient surtout pas que l’histoire se répète et
souhaitaient à tout prix éviter qu’un nouveau Karlack ne fasse son
apparition. C’est pour cela que les Gantys préférèrent un objet plutôt qu’un
des leurs. C’est ainsi que la Chose fut construite. Elle était le Quatrième
Cavalier.
-
Quelque chose m'échappe
!. D’après ce que vous m’avez expliqué, les Gantys s’arrangent toujours pour
qu’il ne reste aucun souvenir, aucune trace du véritable passé de l’Humanité
lors de cette restructuration. Mais le fait que soit mentionné « un
homme venu de nulle part » dans cette légende sibérienne est bien une
preuve qu’il y avait autre chose avant !
C’est exact mon ami. On
peut imaginer que cet « homme venu de nulle part » était un Gantys
venu sur Terre sous l’apparence d’un géant. Une telle apparition peut suffire
à une civilisation pour se forger une croyance. En fait, j’ai ma théorie
concernant cette « trace », comme vous dite. Elle n’engage bien
entendu que moi et ne repose que sur des spéculations, mais je suis
intimement convaincu de ne pas être bien loin de la vérité. Le Mal qu’a
engendré Karlack était enraciné en l’homme. Cela faisait désormais parti de
lui, de sa nature, de sa chair. Alors je crois que malgré toute la perfection
dont sont capables les Gantys, ils ne sont pas parvenus à nettoyer cette
influence maléfique lors de la restructuration de la réalité. Je crois que
cela a provoqué comme une interaction. Le résultat en est qu’une part de
l’Histoire du Passé Oublié s’est entremêlée, a comme fusionnée avec notre
propre Histoire. Et ce sont les sibériens qui semblent avoir hérité de cette
conséquence inattendue. On peut dire que les sibériens détiennent, sans le
savoir, dans leur patrimoine culturelle, nos véritables origines. Quoiqu’il en
soit de cette vérité, il est difficile de déterminer quelle partie d’Histoire
appartient à quelle époque.
-
Et Mosdilion dans tout
ça ?
Les sibériens
emprisonnèrent la Chose pour qu’elle ne puisse déferler le Mal absolue et
provoquer la Mort à la surface. Mais cela ne l’empêchait pas de concentrer le
Mal, de pervertir les plus faibles et d’attirer les plus pervertis sans que
personne ne se doute de son existence. L’histoire tout entière de Mosdilion
fut faite de sauvagerie et d’horreur. Cette vallée fut la dernière partie de
France à être christianisée, bien après le reste du pays. Les sacrifices
humains et les sabbats de sorcières furent plus nombreuses ici que dans toute
l’Europe. Durant tout le Moyen-Age, des seigneurs, des brigands, plus cruels
les uns que les autres, ont rançonné, massacré, torturé. Les ruines du
château de Mosdilion, perchées à l’entrée de la vallée, sont là pour en
rappeler le souvenir. On raconte que les prisonniers, enduits de poix puis
enflammés, étaient jetés vivants de la plus haute tour. Tous les siècles ont
laissé leur lot d’atrocités. Toutes les guerres et les épidémies furent plus
sauvages ici qu’ailleurs.
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Un village maudit…
Un village maudit. Mais
la Chose n’était pas la seule « trace » de ce Passé. Le sentier qui
menait à ce réseau de grottes était bordé de pierres levées. Un sentier bien connu des villageois.
Fort heureusement,
Alain-Philibert connaissait un homme qui habitait non loin de Mosdilion. Il
s’agissait d’Albert Kerr, un archéologue-anthropologue. Celui-ci accepta de
se rendre sur les lieux afin d’effectuer une enquête préliminaire du site.
Les membres du Club devaient le retrouver sur place à leur arrivée, mais une
mauvaise chute sur ce sentier des Pierres Levées lui avait coûté la vie…
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