Les expérimentations sur l'animal permettent d'en savoir un peu plus sur la dioxine. Mais pour ce qui est de ses effets à long terme sur l'homme, les experts réclament davantage d'études. Voici néanmoins ce qu'il faut savoir.

Ces informations proviennent du CNIID: Centre National d'Information Indépendante sur les Déchets, avec qui l'association est en relation.

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1 QU'EST-CE QUE LA DIOXINE?

Il serait plus juste de parler de dioxines au pluriel : il s'agit d'une vaste famille de substances chimiques appartenant aux composés organiques polychlorés. On y trouve 75 membres auxquels il faut ajouter les 135 furannes, molécules très proches. Mais la plus toxique est la 2,3,7,8 TCDD (tétrachlorodibenzodioxine) impliquée dans la catastrophe de Seveso (Italie), en 1976. Un nuage de fumée chargée en dioxines s'est échappé d'une usine de pesticides contaminant des hectares de terre et des milliers de personnes. Durant la guerre du Viêtnam, l'aviation américaine avait déjà déversé du défoliant, l'agent orange, bourré de dioxines.

2 COMMENT SE FORME-T-ELLE?

Apparues en même temps que l'industrialisation, les dioxines se forment à partir de 3000 lors de processus industriels qui utilisent notamment du chlore, du carbone et de l'oxygène (incinération des déchets, usine de pâte à papier, métallurgie ... ). Bien que le phénomène soit marginal, elles peuvent aussi apparaître naturellement dans l'environnement lors de feux de forêt. Le problème de la dioxine, c'est qu'elle est étonnamment coriace. Très stable, peu soluble dans l'eau, elle l'est en revanche dans les graisses. Résultat, c'est là qu'elle s'accumule et se concentre pour contaminer les organismes. Néanmoins, son élimination varie selon les espèces en cause. Ainsi sa « demi-vie » - le temps nécessaire pour que la moitié d'une dose présente disparaisse - est de quelques semaines chez les rongeurs et les bovins. Mais l'homme a besoin de sept ans pour éliminer la moitié de la dioxine qu'il ingurgite, et plus d'une trentaine d'années pour s'en débarrasser complètement. À condition bien entendu de n'être pas recontaminé entre-temps.


3 COMMENT SOMMES NOUS CONTAMINES?

En dehors des accidents, la contamination se fait par la respiration et l'alimentation. La première concerne les personnes qui travaillent directement sur des produits toxiques organo-chlorés (usines d'herbicides polychlorés). Pour la population générale, la contamination se fait à 95% par l'alimentation. Comment? Par exemple, l'herbe est contaminée par une usine voisine, la vache broute cette herbe, la dioxine se concentre dans ses graisses et résultat, la vache produit du lait et de la viande chargée en dioxine. Quant aux légumes, ils reçoivent les retombées toxiques qui proviennent de l'air.

4 EST-ELLE TOXIQUE?

Une chose est sûre, et les expérimentations en laboratoires le prouvent, les molécules - et surtout la 2,3,7,8 TCDD - sont fortement toxiques chez les animaux. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs morts immédiatement après la catastrophe de Seveso. En laboratoires, les lapins subissent à moyen terme (trois mois) des acnés sévères. Et plus ils sont jeunes, plus ils sont vulnérables. À long terme et à faible dose, la majorité d'entre eux subit des dérèglements du système nerveux. Au bout d'un an, on observe également une modification des paramètres biologiques comme le taux de glucose À plus forte dose, la plupart d'entre eux sont atteints de cancers qui frappent le foie, les poumons, les voies biliaires, la thyroïde le sang... Les expériences prouvent néanmoins que les effets diffèrent selon les espèces, et aussi au sein d'une même espèce. Chez les rongeurs, le cochon d'Inde est beaucoup plus sensible que le hamster Preuve que la susceptibilité de l'organisme joue énormément et qu'il est difficile d'en tirer des conclusions, notamment chez l'homme

5 QUELS SONT LES EFFETS SUR L'HOMME?

Même si l'on dispose de peu d'études épidémiologiques, on sait que l'homme résiste bien à une intoxication aiguë. Mais en suivant des vétérans du Viêtnam victimes de l'agent orange ainsi que les travailleurs d'usines d'herbicides, on a constaté, outre une acné sévère, l'apparition de troubles nerveux et de cancers, notamment du poumon. Le suivi de la population de la zone la plus contaminée de Seveso a mis également en évidence, il y a trois ans (soit vingt ans plus tard), des cancers gastro-intestinaux, des voies biliaires et des tissus lymphoïdes. En 1997, le Centre international de recherche sur le cancer, une émanation de l'Organisation mondiale de la santé, a donc classé la dioxine parmi les substances cancérogènes chez l'homme. Selon les toxicologues, cette molécule ne modifie pas la structure de l'ADN (on dit qu'elle n'est pas mutagène) mais brouille les messages hormonaux. Résultat, elle ne provoque pas directement la maladie mais accélère un cancer existant. Pour agir, il faut une quantité importante de substance (mais on ne connaît pas le seuil) et un laps de temps très long. Paradoxalement, en s'opposant à l'action des ¦strogènes, la dioxine diminue le risque de cancers hormonaux dépendants, comme celui du sein et du col de l'utérus. Quoi qu'il en soit, si le risque de cancer existe, il reste probablement faible et ne représente pas le danger majeur de la dioxine.

6 QUELS SONT LES AUTRES RISQUES?

Le vrai risque de cet organo-chloré tient sans doute à son action très particulière et unique qui perturbe les messages envoyés normalement par les hormones. Chez les femmes, on observe une corrélation nette entre l'exposition à la dioxine et l'endométriose, une affection à l'origine de la stérilité. Par ailleurs, cette substance a une influence incontestable sur le partage des sexes. Une équipe italienne a suivi durant sept ans (entre 1977 et 1984) des femmes présentes en 1976 à Seveso. Résultat, elles-ci ont mis au monde beaucoup plus de filles (48) que de garçons (26). La dioxine agit également sur la testostérone, hormone masculine, et la libido. Autre effet parfois contesté, elle perturberait le système immunitaire, c'est-à-dire les défenses de l'organisme et le rendrait moins performant

7 LES NOURRISSONS SONT-ILS LES PLUS EXPOSES?

Oui, et avant tout les bébés allaités, car le taux de dioxine dans le lait maternel est élevé (et supérieur à celui du lait de vache). La dioxine s'accumulant dans les graisses, le lait, qui en contient beaucoup, est un lieu de stockage idéal.
Pour autant, les spécialistes ne remettent pas en cause l'allaitement.
Limité dans le temps, ses bienfaits restent supérieurs au risque potentiel de toxicité. Autre groupe exposé, les enfants. Avec une alimentation riche en lait et en graisses, ils avalent en moyenne deux à trois fois plus de dioxine que les adultes.

8 À PARTIR DE QUEL TAUX COURONS-NOUS DES RISQUES?

Pour établir notre dose journalière admissible (DJA) - celle que l'on peut avaler sans crainte chaque jour -, les chercheurs ont pris la dose maximale administrée aux rats et restée sans effet sur eux. Ils l'ont ensuite divisée par 1000 pour obtenir une marge de sécurité suffisante. L'OMS fixe la DJA entre 1 et 4 picogrammes par kilo de poids et par jour. Le Comité supérieur d'hygiène publique a, pour sa part, fixé la DJA à 1 pg par jour et par kilo de poids. En clair, un homme de 70 kilos ne devrait pas avaler plus de 70 pg de dioxine par jour. Les États-Unis ont adopté une norme autrement plus faible: la DJA y est de 0,006 pg par kilo de poids. Mais ils estiment que la dioxine est un cancérogène sans effet de seuil, quelle que soit la quantité absorbée.


9 DÉPASSONS-NOUS LES NORMES RECOMMANDÉES?

La France souffre d'un vrai handicap : il n'existe aucun suivi systématique et régulier du taux de dioxines dans les aliments, donc, aucune courbe statistique vraiment fiable. Néanmoins, on estime aujourd'hui qu'un adulte avale en moyenne 1,3 pg de dioxine par jour et par kilo de poids. Un chiffre qui baisse, notamment du fait de la mise aux normes des principaux incinérateurs et des usines métallurgiques, mais reste supérieur à la dose recommandée. Certains individus peuvent atteindre 3 pg/j/kg en fonction de leurs habitudes alimentaires. Par ailleurs certains aliments sont plus contaminés selon les régions. Dans l'Est de la France, le taux pour les poissons a pu atteindre 53 pg pour 100 g.

10 COMMENT LIMITER LES RISQUES DANS LA VIE QUOTIDIENNE?

Manger varié est l'une des premières recommandations des spécialistes. Il est également souhaitable de limiter sa consommation de graisses animales (viande, oeufs, laits, beurre, fromage) et de choisir des morceaux maigres. Attention aussi à la provenance des produits et nOtamment des poissons. Ceux qui viennent de la Baltique sont largement plus contaminés que ceux. de nos côtes. Enfin, les fruits et les légumes frais étant une source appréciable de contamination, il convient de bien les laver et de les éplucher soigneusement. Dans un autre registre, les bois anciens, tous traités au pentachlorophénol (PCP), dégagent des dioxines en brûlant. Évitez donc de les brûler dans votre cheminée.

Ce qu'il faut savoir sur la dioxine