Emergeant plus de deux mille cinq cents ans après l'avènement de la civilisation mésopotamienne, les Grecs héritent des connaissances de leurs prédécesseurs vivant dans le bassin méditerranéen et même au-delà. Après en avoir fait la synthèse, ils créent un mode de pensée original qui leur permettra d'élaborer des hypothèses sur le fonctionnement de la Nature déchue de son essence divine.
Selon la religion des cités grecques de l'Antiquité, c'est par le Chaos que tout a commencé. Il a donné lieu à la naissance de huit Géants, qui sont (dans l'ordre d'arrivée) : Gaïa (la Terre-Mère) ; Éros (le Désir) ; Erebos (les Ténèbres) ; Nyx (la Nuit) ; Aither (la Lumière des Astres) ; Ouranos (le Ciel étoilé) ; Hemera (la Lumière du Jour) ; Pontos (la Mer).
La science ne commence à se séparer de la religion qu'au VIe siècle avant notre ère, avec Thalès et l'école ionienne : on ne fait désormais plus appel au surnaturel pour expliquer les phénomènes célestes.
Convaincus que l'Univers est intelligible
et soumis à des lois simples, les philosophes de l'école ionienne découvrent que
la Terre est éclairée par le Soleil et qu'il en est de même de la Lune et
des planètes : ils expliquent ainsi les éclipses de Lune par le passage
de celle-ci dans l'ombre de la Terre. Cependant, ils croient encore que
la Terre est plate et qu'elle flotte sur l'océan.
À la fin de ce VIe siècle, l'école de Pythagore interprète le mouvement apparent compliqué du Soleil, en le décomposant en deux mouvements, l'un de rotation diurne, d'est en ouest, et l'autre annuel, d'ouest en est sur le cercle appelé écliptique de la sphère céleste ; c'est chez eux que naît l'idée d'une Terre sphérique, intuition qui ne se fonde pas sur l'observation, mais sur des considérations d'harmonie géométrique.
L'un de ses disciples, Philolaos, élabore
le premier système cosmologique. Pour
lui, 400 ans avant notre ère, le centre de l'Univers, demeure des dieux et
principe du mouvement de tous les astres, est une sphère de feu ; autour d'elle
se répartissent trois domaines concentriques, le Ciel, le Monde et l'Olympe.
L'Olympe, monde parfait, contient les
étoiles « fixes »; le Monde comprend les cinq planètes alors connues, la Lune,
éclairée par le Soleil, et le Soleil ; celui‑ci est transparent et illuminé
par le feu central; dans le Ciel, qui s'étend entre la Lune et le feu central,
évolue la Terre, qui accomplit sa révolution d'est en ouest en tournant toujours
vers le feu central sa face opposée à la Grèce, ce qui rend ce feu inobservable.
Comme cette énumération conduit à un total de 9 corps célestes, la sphère
des étoiles, les 5 planètes, la Terre, la Lune et le Soleil, et que l'harmonie
des nombres prônée par les pythagoriciens conduit à préférer le nombre 10,
Philolaos postule l'existence d'une anti-Terre, située entre la Terre et le
feu central. On notera que ce système n'est pas anthropocentrique :
il propose une Terre en mouvement et dont la position n'est pas privilégiée
par rapport à celle des autres astres.
Un espace infini, un univers fini
Au IVe siècle, Platon expose dans le « Timée» des conceptions personnelles, partiellement inspirées des pythagoriciens. L'espace, infini, contient l'Univers, lui-même fini et sphérique ; la Terre est au centre. L'éther remplit l'espace dans lequel circulent les astres, selon des lois immuables ; l'Univers est partagé en 9 régions concentriques. La plus externe contient les étoiles fixes ; elle tourne sur elle-même d'est en ouest, autour de l'axe du monde, avec une vitesse uniforme, ce qui explique le mouvement diurne. Les orbes inférieurs, sur lesquels circulent Saturne, Jupiter, Mars, Mercure, Vénus, le Soleil et la Lune (dans cet ordre), tournent d'un mouvement uniforme autour d'un axe perpendiculaire à l'écliptique, mais chacun avec une vitesse différente. Le dernier orbe est celui de la Terre, et il est immobile. Les Grecs connaissent déjà, par leurs observations, l'irrégularité du mouvement des planètes, incluant les rétrogradations et les stations, irrégularités que n'explique pas le système de Platon. Celui-ci introduit alors cette idée essentielle, véritable pilier de la science moderne : le modèle doit rendre compte des observations, qu'il formule dans l'impératif de « sauver les phénomènes ». Il faudra expliquer les mouvements observés par la combinaison de mouvements, dont Platon impose qu'ils soient toujours circulaires et uniformes, à cause de cette idée pythagoricienne : l'essence supérieure des astres ne peut s'accommoder que de la perfection représentée par le cercle.
Ses successeurs se consacreront pendant 20 siècles à la résolution de ce problème. Eudoxe de Cnide, vers 350 avant notre ère, décrit de façon plus précise le modèle de Platon : les étoiles fixes sont disposées sur une grosse sphère tournant autour de la Terre d'est en ouest en un jour sidéral. Les mouvements des planètes, de la Lune et du Soleil s'expliquent chacun par un mécanisme propre, indépendant des autres, résultant du mouvement de diverses sphères homocentriques invisibles situées à l'intérieur de la grosse sphère, le système se complique peu à peu, pour rendre compte des nouvelles observations, comme l'inégalité de durée des saisons.
Aristote donne au système des sphères
homocentriques une forme définitive, dans laquelle le nombre total des sphères
est de 55. Il
apporte des arguments en faveur de la rotondité de la Terre : l'apparition
des mâts des navires éloignés avant leur coque, l'apparition de nouvelles
étoiles quand on se déplace vers le sud, la forme toujours circulaire de l'ombre
que la Terre porte sur la Lune au moment d'une éclipse de Lune. Aussi complexe qu'elle soit, cette théorie
cosmologique, parce qu'elle postule que les distances des planètes, du Soleil
et de la Lune à la Terre sont invariables, reste impuissante à rendre compte
de la variation d'éclat des planètes, en particulier Mars et Vénus, de celle
du diamètre apparent de la Lune ou de la non-uniformité du mouvement du Soleil.
1/3
|