Je reporte ci-après des informations qui montrent l'ancienneté de la consommation des "fruits de mer" dans le Morbihan. Un panneau du musée archéologique et historique de Château-Gaillard à Vannes rapporte qu'au début du XXe siècle, les archéologues Marthe et Saint-Just Péquart fouillent deux importants sites au large de Quiberon. Les nécropoles de Téviec et Hoëdic livrent de nombreuses sépultures construites avec de gros galets. Certains défunts sont entourés de bois de cerfs, parés de colliers de coquillages marins et saupoudrés d'ocre rouge. Au Mésolithique (10 000 - 6 000 av. J.-C.), le climat se réchauffe et l'homme diversifie ses sources de nourriture. Cette période est caractérisée par des outils de très petite taille (microlithes) et de formes variées (triangle, trapèze, perçoir...). "Dans les sites archéologiques côtiers il est fréquent de trouver des restes de Crustacés : doigts de crabes et plaques de la muraille de balanes. Sur le site mésolithique (seconde moitié du VIe millénaire avant J.-C.) de Beg-er-Vil (Morbihan), situé sur la façade atlantique française, sont reconnues quatre espèces de crabes : le tourteau à plus de 78 % du poids total, le crabe de roche à 12 %, l'étrille à 7 %, et enfin le crabe enragé à 2 %. Ces indices archéologiques indiquent une pêche très littorale, probablement limitée à l'estran. En Bretagne, les niveaux coquilliers mesurent moins d’un mètre d’épaisseur et ne constituent pas des dômes dans le paysage, contrairement aux amas coquilliers de la rivière de Muge au Portugal. La position des habitats à déchets coquilliers dans le paysage du Mésolithique est assez difficile à apprécier en raison de la remontée du niveau de la mer d’une dizaine de mètres, qui a détruit ou dissimulé les anciennes formes littorales. Pour ceux qui subsistent, on constate l'amalgame en un seul lieu des aires d’activité humaine, de rejet et sépulcrales.

Les données récentes obtenues par les analyses isotopiques faites sur les ossements humains soulignent le fort apport des protéines d’origine marine à Téviec (en moyenne 50 %) et surtout à Hoëdic (en moyenne 80 %), déjà insulaire à l’époque. Les travaux sur la saisonnalité des occupations à partir des coquilles et des oiseaux laisse aussi penser à des occupations longues. Enfin, les caractères de l’industrie lithique montrent une amplification du rôle de l’outillage commun au détriment des armes de chasse sur ces habitats, si on les compare aux sites littoraux non-coquilliers. Le croisement des données plaide donc pour une semi-sédentarité (et pourquoi pas plus), et pour un rôle majeur de ces habitats dans la structuration du territoire. Cette possibilité de vivre longtemps au même endroit à partir d’une économie de pêche et de collecte ne détermine pas toute la structure sociale et la stabilité relative des hommes semble également être de mise loin des rivages. - Photo : Rencontre fantômatique d'une araignée en tenue de camouflage. -

Elle n’explique certainement pas non plus de manière univoque l’enchevêtrement des vivants, des morts et des ordures. Il s’agit d’un trait majeur de la conception de l’espace social, qui définit un espace "ultra-anthropisé" par rapport à d’autres types d’habitats, dits "logistiques". L’existence possible de sépultures lignagères au sein de la nécropole confère en outre une profondeur temporelle à ces habitats, véritables pivots du territoire sur le littoral, conçus comme des lieux "d’où l’on est" et "où l’on revient". Plus que d’une sédentarité véritable, ce caractère témoigne d’une conception du territoire comme une entité stable, peut-être guère différente de celle qui prévaut chez les bâtisseurs de monuments mégalithiques. Toutefois, le basculement du mode de vie mésolithique semble rapide et drastique en Bretagne. La signature isotopique des ossements montre que les nourritures d’origine terrestre prennent durablement le pas sur celles d’origine aquatique sur toute la façade atlantique. De même, les systèmes techniques mésolithiques, héritiers de traditions mises en place dès l’Azilien récent (vers 11500 avant J.-C.), vont disparaître sans laisser de traces. Et pourtant, les dépôts de coquillages accompagnent toujours les habitats littoraux du Néolithique, au moins à la période récente, puis plus tard au Moyen-âge, avec différentes espèces récoltées suivant les systèmes économiques impliqués." - Photo : Prunelles. -

Pour terminer sur le contenu de la laisse de mer des rivages du Morbihan, nous constatons qu'elle contient également des os de sèches, des coquillages vides de formes inconnues au Pays basque, en bien plus grand nombre et mieux conservés, grâce à cet emplacement qui les préserve du choc répété des vagues océaniques. Nous découvrons enfin un bel oiseau étêté dont le plumage me fait penser au faucon crécerelle. Je viens justement de terminer un livre très intéressant de Dan O'Brien, Rites d'automne, qui consacre sa vie à la réintroduction de ce rapace aux Etats-Unis et signale le danger mortel des fils électriques ou téléphoniques pour cet oiseau qui chasse en piquant sur sa proie depuis une très haute altitude et à trop grande vitesse pour prendre garde à ces obstacles artificiels. - Photo : Cyprès de Lambert. -

Justement, à ce propos, il ne faut pas croire que l'intérêt du sentier soit uniquement celui d'être côtier. Son charme vient aussi de son environnement terrestre tout à fait varié. Nous avons le plaisir de cheminer un long moment sous une arche de prunelliers dont Elisabeth apprécie les fruits bleutés au goût âpre. Des pommiers aux branches chargées mûrissent de part et d'autre, et nous aurons à coeur de déguster chaque jour le cidre local. Les fleurs de mûriers sont butinées par des mouches, guêpes, bourdons et abeilles. L'un des insectes attire mon attention par sa taille importante, son corselet luisant brun-rouge prolongé par un abdomen jaune rayé de noir. Il arbore surtout un drôle de museau proéminent et tavelé jaune vif flanqué de deux énormes yeux bruns qui pendent comme des bajoues. Vraiment une drôle de bête ! Les papillons traversent en flèche, toujours pressés et soucieux d'éviter d'apaiser l'appétit des petits oiseaux qui volètent à l'intérieur des buissons d'un rameau à l'autre en pépiant à qui mieux mieux. Parfois, c'est une lande ouverte d'ajoncs et de fougères, ailleurs, un bosquet de conifères, arbres introduits par l'homme, acclimatés et naturalisés depuis un siècle et demi, comme le pin maritime, le pin sylvestre (plus rare) et le cyprès de Lambert (au port magnifique), qui devinrent "bretons" au même titre que les camélias, rhododendrons, azalées et hortensias au XIXe siècle. Les feuillus tels que le chêne vert et le chêne rouge d'Amérique sont d'introduction plus récente. - Photo : Insecte butinant une fleur de mûrier (guêpe ?). -

SOMMAIRE
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Cathy, Jean-Louis, Elisabeth, Jean-Louis B.
Bretagne - Morbihan
Séjour du 2 au 9 juillet