Alors que nous traversons le parc de l'hôtel-thalassothérapie d'Arzon en forme de paquebot très m'as-tu-vu, nous entendons un crépitement bizarre et, très vite après, nous nous faisons bombarder par un buisson ! C'est un genêt dont les gousses, sous l'effet de la chaleur intense de ce début juillet, éclatent en se fendant dans le sens de la longueur et projettent les graines à distance. Je reviens au cyprès de Lambert ou cupressus macrocarpa. Contrairement au cyprès méridional à la silhouette longiligne, celui-ci a plutôt le port d'un cèdre avec lequel un oeil inattentif pourrait le confondre. Mais son feuillage de fines feuilles découpées en aiguilles molles et son cône sphérique caractéristique montrent bien son appartenance. Les arbres les plus anciens d'un siècle et demi à deux siècles ont un tronc impressionnant, qui donne souvent l'impression d'un bouquet de troncs qui se seraient soudés ensemble. - Photo : Papillon (Amaryllis ?) à la fourrure duveteuse. -

L'association de défense de cet arbre 'Cyprès de chez nous' signale qu'il est malheureusement en voie de disparition en Bretagne pour plusieurs raisons. Il fut introduit avec le pin maritime pour maintenir les dunes par son système racinaire, en raison de son acceptation des sols pauvres et acides et de sa résistance au vent marin et au sel. Parallèlement, on l'utilisa comme un 'thuya de bord de mer' pour servir de haies aux maisons secondaires : ceux qui subsistent aujourd'hui en sont souvent les rescapés. Fin 1970, il se vit supplanté par le cyprès de Leyland et dans les années 80-90, il y eut un rejet massif des conifères, accusés de tous les maux, une tendance accélérée par les effets de l'ouragan de 1987 qui déracina nombre d'arbres dans la force de l'âge.

Aujourd'hui, les surfaces plus réduites des propriétés ne permettent plus de l'implanter, il n'est plus choisi pour fixer les talus en milieu rural de bocage, le Conservatoire du Littoral privilégie la sauvegarde et la protection des espèces endémiques, de même que la réhabilitation des landes dans le cadre de Natura 2000 ne prévoit pas la coexistence avec des conifères, non autochtones de surcroît. L'association espère influencer les communes pour qu'il soit réintroduit au moins dans les espaces urbains, en mettant en avant son esthétique, bien que la mode actuelle soit au palmier. - Photo : Corneille noire (?) à la cime d'un cyprès de Lambert. -

Dans un pré planté de luzerne, nous nous arrêtons pour observer le manège d'oiseaux bruns au ventre rouge de la taille de grives qui en jaillissent parfois à quelques mètres de hauteur en pépiant 'regardez-moi, regardez-moi' puis replongent se cacher au sol. Leur montée est si soudaine et leur vol de parade si court, que je n'arrive pas à les photographier. En plus, ils se déplacent à couvert et je ne suis pas sûre que ce soit toujours le même qui s'élève, car le phénomène se passe à des endroits du champ très distants.

N'oublions pas que nous sommes proches de Carnac (à vol d'oiseau, car par la route, il faut faire tout le tour de la baie). Un panneau dans le musée d'histoire et d'archéologie de Château-Gaillard à Vannes explique que le passage au Néolithique s'est traduit par un changement radical des mentalités. De chasseurs cueilleurs, les humains sont devenus majoritairement éleveurs agriculteurs et sédentaires (nous avons vu plus haut que la sédentarité semblait avoir précédé les autres mutations). Les sociétés se sont organisées différemment, avec une diversification de l'activité artisanale (tissage, céramique, taille et polissage des pierres). Les croyances et pratiques religieuses s'en trouvent bouleversées et se concentrent désormais sur la déesse de la fécondité et le cycle des saisons. Cette nouvelle civilisation est surtout marquée par un phénomène majeur : le mégalithisme, la plupart des monuments étant des sépultures. La diversité des matériaux utilisés pour confectionner les objets semble attester des échanges économiques entre ces néolithiques armoricains et d'autres régions européennes. Pour disposer de grands espaces agricoles et pour ses besoins quotidiens, l'homme défriche la forêt et modifie considérablement son environnement. - Comme partout ailleurs, ce comportement a dû induire une accélération notable de l'érosion des sols, en cette région de pluies abondantes et fréquentes. - Photo : Menhir de Kermaillard. -

Outre les cromlechs adoptés par les oiseaux de mer que nous avons vus de loin érigés sur une île de la baie, nous faisons le tour du menhir de Kermaillard sur la commune de Sarzeau, aux gravures difficiles à distinguer. D'une hauteur de 5 m, il gisait à terre depuis longtemps, ce qui protégea trois signes, une petite hache emmanchée, un cartouche carré et un grand croissant. L'autre côté comporte des cupules et deux lignes à demi effacées. Au Petit Mont, non loin du Port du Crouesty d'Arzon, nous voyons un cairn imposant depuis la grille qui en barre l'accès. Il fut construit en plusieurs étapes. Vers 4600 av. JC fut érigé un tertre bas. Un premier cairn de forme trapézoïdale de 30 mètres de long sur 20 mètres de large fut édifié vers 4500 av. JC. Une première extension datant de 4000-3500 av. JC y ajouta un dolmen à couloir et à chambre simple. Six des huit piliers de la chambre sont décorés ainsi que trois piliers du couloir. Une stèle-idole est au sol et le plafond porte une représentation d'idole anthropomorphe. Vers 2700-2500 av. JC le cairn fut étendu en englobant les premières constructions, le premier dolmen condamné et deux nouveaux dolmens à chambre simple créés. 12 dalles sont décorées de motifs variés. A l'époque gallo-romaine, certaines de ces chambres funéraires ont été réutilisées en sanctuaire, comme en témoignent de nombreuses statuettes de Vénus en terre blanche découvertes à l'intérieur. En 1943 un blockhaus est construit au sein du cairn, un des deux dolmens est détruit avec sa chambre. Cette construction permet de redécouvrir la première chambre qui avait été condamnée. - Photos : Cairn néolithique du Petit Mont à Arzon. Moulage de pieds gravés au Cairn du Petit Mont. Objets exhumés du tumulus de Tumiac. -

Dans le musée de Château-Gaillard, je peux admirer les objets exhumés du tumulus de Tumiac, surnommé Butte de César, que l'on aperçoit depuis la route principale de la presqu'île de Rhuys, et qui présente la forme d'une curieuse colline conique. Ce monument fait partie des grandes tombes princières de Carnac. Le tertre de 86 mètres de diamètre et 20 mètres de haut abrite une petite chambre mégalithique aux parois décorées de gravures. Il s'agit d'une tombe simple de type coffre funéraire remontant à -4000 ans dont le mobilier princier comprenait 7 haches polies en jadéite et 14 haches polies en fibrolite (roche extraite près du golfe du Morbihan), 6 haches polies en chloromélanite et 3 haches polies en jadéite (matériaux originaires des Alpes italiennes), ainsi que 3 colliers de perles ou pendeloques en variscite, une mystérieuse roche verte dont la provenance a été localisée près de Barcelone en Espagne. - Photos : Objets exhumés du tumulus de Tumiac. -

Le musée offre une brève description des apports archéologiques de figures marquantes locales comme Yves Coppens, Louis Marsille, le chanoine Joseph Mahé, le chanoine Joseph-Marie Le Mené, les abbés Lavenot, Collet et Le Poder, Antoine Léon Davy de Cussé, Jean-Marie Galles, Michel Louis François de Limur, Amand Taslé, Gustave de Closmadeuc, Louis Audemard, Frédéric Cailliaud, le lieutenant de vaisseau Bonnefin, le capitaine Joseph Paul Nayel, le sous-commissaire de la marine Jouan, le lieutenant d'infanterie de marine Tiratel, le comte de la Monneraye... Je lis notamment qu'Yves Coppens s'est intéressé aux "ateliers de briquetage" gaulois, sites côtiers où les Vénètes produisaient du sel dans des fours vers l'époque du second âge du fer La Tène II (250 - 100 ans av. J.-C.), une activité florissante qui s'est poursuivie pendant l'époque gallo-romaine. Alors qu'il s'attache à en faire l'inventaire, il découvre des sites inédits sur l'Ile aux Moines et Arradon. En 1952, il fait la description suivante de celui de Locmiquel en Baden : "Le four se présente en coupe. 1,90 m séparent les deux parois formées chacune d'une plaque de terre cuite flanquée d'une masse d'argile de 30 cm d'épaisseur rougie par le feu. La sole paraît être faite de briques pyramidales reposant sur un lit de glaise posé sur la roche. On rencontre en outre tout un système de canalisations cylindriques..." Il découvre plus de 30 fours rien que dans le golfe du Morbihan (Port-Navalo, Saint Gildas de Rhuys, l'Ile aux Moines, le Logeo...) et cette technique n'est employée que sur la côte méridionale de la Bretagne, Finistère, Morbihan, Loire-Inférieure, et en Vendée.

 

SOMMAIRE
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Cathy, Jean-Louis, Elisabeth, Jean-Louis B.
Bretagne - Morbihan
Séjour du 2 au 9 juillet