Groupe Dimitri : Occabé avec Claude Labat : Cathy, Jean-Louis, Alain, Régine, Françoise, Jacques, Catherine, Xavier -.Archilondo avec Xavier Martin : Cathy, Jean-Louis, Danie et Jean, Anne-Marie et Serge, Jean-François, Françoise I., Madeleine, Nicole, Alain, Jacques

Occabé, Archilondo

Pastoralisme et cromlechs

Occabé, Vendredi 15 juin 2012
Archilondo, Vendredi 6 juillet 2012
Conférence de Patrick Donabédian sur les Khatchkars arméniens : Médiathèque de Biarritz, le 27 avril 2012

"Le cercle de pierres sacralise l'espace aménagé pour le défunt (pour le protéger des intrusions), et il confine son âme dans cette enceinte (pour l'empêcher d'errer et d'aller tourmenter les vivants)." Claude Labat, dans le style chaleureux et volubile qui est le sien, nous relate l'histoire de ces pierres éparses sur le haut plateau désolé d'Occabé, battu par des rafales de vent glaciales en dépit de l'été tout proche. Moins impressionnante que les alignements de Carnac, cette nécropole d'altitude à demi-enfouie dans la terre et les herbes semble en communication directe avec le ciel qui la recouvre, et les montagnes alentour sont suffisamment éloignées pour lui offrir un cadre majestueux sans lui faire ombrage. - Photos : Ci-dessus : Archilondo, troupeau de brebis manex tête noire - Occabé, cromlechs - Ci-contre : Voûte peinte de la chapelle St Cyprien à Ascombeguy (Azkonbegi) dans la vallée de Lantabat. -

Il y a bien longtemps sans doute que les humains pensent que la vie de l'esprit ne s'arrête pas à la mort du corps et qu'ils élaborent des rites pour marquer ce passage. Certaines traditions ne laissent pas de trace et ne sont connues que parce qu'elles ont perduré jusqu'à aujourd'hui, comme l'offre des corps aux vautours sur les hautes montagnes tibétaines, ou bien leur immersion dans les eaux du Gange à Varanasi (Bénarès) en Inde. Le Chilien Luis Sepúlveda, dans son merveilleux livre "Un viejo que leía novelas de amor" (Un vieil homme qui lisait des romans d'amour), rapporte la coutume d'une tribu d'Indiens d'Amazonie qui mettait fin rituellement à la vie des anciens - en accord avec eux - : l'heure venue, ils absorbaient en présence de la communauté une boisson alcoolisée qui les "endormait", puis ils étaient amenés dans un lieu éloigné, déshabillés, enduits de miel, et encore vivants, livrés aux mandibules des fourmis qui ne laissaient que des os nus, parfaitement nettoyés, qui étaient ensuite récupérés et enterrés. - Photo : Haut de la chaire de la chapelle St Cyprien à Ascombeguy (Azkonbegi) dans la vallée de Lantabat. -

Les plus anciennes sépultures d'Homo sapiens ont été trouvées au Proche Orient (Mugharet es-Skhül en Israël) et remontent à -100 000 BP (Before Present). Nos proches cousins, les Néandertaliens, prenaient également soin de leurs anciens handicapés par l'âge et la maladie, et ils pratiquaient l'inhumation comme l'attestent des vestiges datés de -70 000 à -35 000 BP. Le plus ancien témoignage d'un corps livré aux flammes du bûcher a été trouvé à Mungo, en Australie. Recouvert de poudre d'ocre, le corps d'une jeune femme a été brûlé il y a environ 17 000 ans sur les berges du lac, puis ses os ont été écrasés et inhumés dans une petite fosse circulaire. - Photo : Archilondo, brebis manex tête noire. -

Les premiers monuments mégalithiques furent érigés en Europe à partir du Ve millénaire avant notre ère, à l'époque où apparaissaient l'agriculture et l'élevage. Dans les Pyrénées occidentales, les hauts pâturages commencèrent à être fréquentés à partir du 3e millénaire avant notre ère, et les chemins de transhumance entre Ebre et Garonne se ponctuèrent de menhirs, dressés ou couchés, qui délimitaient les territoires répartis par des accords ou faceries qui régissaient l'utilisation des pâturages, des sources... A partir du 4e millénaire et au 3e millénaire, en plaine et moyenne montagne, fut adoptée la coutume d'inhumation dans des dolmens, chambres funéraires collectives où étaient successivement déposés les corps au cours des siècles. Claude Labat nous rapporte que le scientifique Michel Duvert, membre de l'association Lauburu qu'il préside, a pu en découvrir plusieurs en suivant simplement les anciennes pistes pastorales. Selon les termes de Jacques Blot, les dolmens étaient bâtis pour en mettre "plein la vue", bien que les deux qu'il nous ait montrés lors d'une balade en 2009 au Jara, situés respectivement sur la prairie rocheuse d'un petit col et dans un bosquet à flanc de montagne, aient été bien discrets et difficiles à repérer. - Photo : Archilondo, brebis manex tête rousse. -

Il est vrai qu'au contraire se trouve enterrée la majeure partie de la structure des cercles de pierres (appelés cromlechs, harrespil, baratz) et des tumulus qui leur succédèrent et furent en usage jusqu'en 1500, à l'époque de François 1er. Presque rien n'est visible, si ce n'est un renflement central pour les tumulus et quelques pierres qui dépassent du sol pour les cromlechs, dont seul l'agencement circulaire laisse deviner qu'elles ne sont pas là par hasard. Jacques Blot en a fait l'inventaire en parcourant des années durant les Pyrénées occidentales et il a effectué quelques fouilles de sauvetage qui lui ont permis d'en donner une description minutieuse dans son blog et dans ses rapports destinés aux archéologues universitaires. En réalité, les cromlechs ne sont pas vraiment des sépultures, mais plutôt des cénotaphes, à la fonction essentiellement symbolique. Venue du Proche-Orient, la crémation des morts a été introduite en Occident vers l'âge du Bronze (culture des Champs d'Urnes) et les bergers transhumants pyrénéens qui demeuraient dans les estives six mois de l'année se sont appropriés cette coutume en modifiant ses modalités. - Photo : Occabé, un papillon tire une langue longue comme ça. -

Ils disposaient le corps sur un bûcher le plus souvent constitué de branches de chênes, alors que ce n'était pas, semble-t-il, l'essence dominante dans les forêts bordant les pâturages, et ils le réduisaient en cendres. Sitôt consumé, les braises encore brûlantes étaient répandues, soit sur toute la surface, soit de façon irrégulière, soit au centre du cromlech préalablement préparé et qui pouvait, aussi, éventuellement, ne pas en recevoir du tout. En plaine, les cromlechs ont été détruits par les activités agricoles et l'occupation intensive du sol, mais on a découvert, lors de terrassements pour une autoroute, un tumulus qui atteste cette pratique en aval. Si l'on décompte tous les sites, on est forcé de constater que ces monuments (consacrés, chacun, à un seul mort) n'ont été réalisés que pour une minorité de gens (quelques défunts par siècle), et que leur taille, leur emplacement, leur structure interne, montre une différence de traitement due sans doute au statut social qu'occupait les personnes de leur vivant. - Photos : Occabé, bruant, peut être un bruant proyer (selon Pascal). Ci-dessous : Coccinelle crawlant à toute vitesse pour rejoindre la terre ferme. -

Claude Labat met l'accent sur la spiritualité très forte qui a perduré durant cette longue période de plus de trois millénaires. En effet, la mort venue, le corps n'avait plus d'importance, ni même ses cendres, malgré le statut social évident du défunt qui bénéficiait de tout ce cérémonial. Pratiquement aucun objet n'a été retrouvé dans ces enceintes circulaires : l'unique richesse de ces sociétés pastorales résidait dans leurs troupeaux. La structure interne du cromlech est souvent rayonnante, avec des dalles, des cailloux, des galets soigneusement disposés autour de la ciste centrale. L'analyse palynologique d'un échantillon prélevé par Laurence Marambat dans la ciste du cromlech Meatse 8, lors d'une fouille dirigée par Jacques Blot, confirme la présence de pâturages et l'éloignement de la forêt dont a été extrait le bois nécessaire au bûcher. Le rôle symbolique du cercle imprégnait non seulement la vie religieuse, mais également l'organisation sociale, les aires de pacage étaient rondes, ainsi que les moules à fromage. Dans son excellent livre qui vient de paraître, "Libre parcours dans la mythologie basque... avant qu'elle ne soit enfermée dans un parc d'attraction", qui deviendra probablement une référence, Claude Labat décrit le cycle des tâches du berger souletin qu'il accomplit en coordination avec les autres bergers sur six jours pour se reposer le septième. Il évoque aussi le jeu du cochon "Urdanka" qui se déroulait sur un terrain circulaire percé au centre d'un trou, une configuration semblable à celle du cromlech. - Photo : Linaigrette, plante caractéristique des marais et tourbières (Occabé). -

Il pense que le cercle symbolisait le cosmos, la course du soleil, la perfection et l'éternité, tous points étant à égale distance du centre, sur une ligne courbe continue sans début ni fin. Lorsque les cromlechs tombent en désuétude, ce même symbole est repris dans les stèles discoïdales dressées en cimetières chrétiens du XVIe au XIXe siècle. Le terme basque "baratz", traduit par "jardin" et qui désignait les cromlechs, sera alors attribué à la bande de terrain située sous l’avant-toit de la maison, où étaient enterrés les enfants morts sans être baptisés. Dernier avatar du cercle, la "croix basque" ou lauburu, variante de la svastika déjà présente 2000 ans avant notre ère dans la vallée de l'Indus (Pakistan), est un symbole probablement solaire qui figurait sur les monuments funéraires, linteaux de porte, frontons de pelote, meubles et se répand désormais, pour des raisons souvent bien plus prosaïques, sur des myriades d'objets " basques". - Photo : Couple de gerris. -

Claude Labat nous emmène à Larceveau pour visiter le centre d'interprétation inauguré en 2007, qui est consacré aux stèles discoïdales et à l'art funéraire basque. Alors que l'art baroque fleurit dans les églises du Pays basque qui s'ornent de retables richement décorés, des rites religieux originaux perdurent parallèlement, en corrélation avec le rôle de la maison "etxe" et celui de la maîtresse de maison. Il nous fait remarquer l'absence totale de symboles macabres. Entourant souvent une croix centrale, les sculptures représentent le soleil, des rayons lumineux périphériques, la lune, les étoiles (à 5 ou 6 branches, mais sans aucun rapport avec le judaïsme), des fleurs, parfois le métier du défunt (aiguille et semelle du cordonnier, charrue avec coutre du laboureur), etc.

Quelque temps après ces deux randonnées à Occabé et Archilondo, ma soeur Caroline m'a incitée à la lecture du livre "Mort ou pas" de Pim van Lommel, médecin cardiologue hospitalier néerlandais et spécialiste international des Expériences de mort imminente (EMI), dont elle venait d'entendre une conférence qui l'avait beaucoup impressionnée. Il s'agit d'une étude scientifique sur l'éventuelle continuité de la conscience... après la mort clinique. J'avais été sensibilisée à ce sujet en 2009, après qu'Inès m'ait spontanément confié ce qui lui était arrivé durant un coma : son esprit avait entendu le médecin crier (alors que son coeur ne battait plus, que son cerveau n'était plus irrigué et ne fonctionnait plus), elle avait ressenti un bonheur intense, elle était attirée vers une puissante lumière... quand, au bout de dix minutes, le médecin l'avait ramenée à la vie, bien contre son gré. Il ne comprenait pas comment il était possible qu'elle se soit sortie de cette épreuve sans aucune séquelle. Six mois auparavant, c'est mon autre soeur Sophie qui m'avait étonnée en me racontant qu'elle était en train de développer des dons peu ordinaires dans le domaine des soins par biomagnétisme.

J'ai donc examiné attentivement les modalités de l'enquête qu'il a réalisée en coordination avec d'autres hôpitaux néerlandais. Il en a retiré plusieurs enseignements. Tout d'abord, parmi toutes les personnes qui ont souffert d'un arrêt cardiaque suivi d'une réanimation et qui ont survécu, seulement un petit pourcentage a vécu une EMI, mais, si l'on tient compte des enquêtes qui ont été menées sur le sujet dans le monde, cela finit par faire beaucoup de millions de personnes qui expérimentent cet aller-retour dans l'au-delà et s'en trouvent tout chamboulées, comme Inès. Deuxièmement, il a cherché à comprendre au moyen de toutes les ressources des sciences actuelles comment ce phénomène était possible et, pour faire bref, il en a conclu que nous étions manifestement dotés d'une conscience immatérielle, normalement reliée à notre corps mais qui, dans certaines circonstances, était susceptible de prendre son indépendance (sous l'effet d'un choc, crise cardiaque, accident de voiture, d'une grande peur, d'une méditation profonde...) pour rejoindre une conscience élargie, à la bonté et la connaissance infinies. - Photos : Art Sassanide. - Art arménien : Partie basse d'un Khatchkar de Djoulfa/Djougha (1603). -

Comparant ce dualisme à celui de la lumière qui se comporte tantôt comme une onde, tantôt comme une particule (le photon), il a jugé que les différentes expériences décrivaient un monde "quantique", matériel/immatériel, le second semblant indépendant des contraintes d'espace et de temps, permettant à l'esprit de se "déplacer" instantanément sous l'action de sa pensée en tout lieu, et aussi bien vers le passé, le présent que le futur. Enfin, une partie des personnes ayant expérimenté cette "sortie" d'elles-mêmes souffre pendant des mois ou des années d'hypersensibilité, percevant les pensées des gens qui les entourent, recevant des sortes de rêves prémonitoires (qui se vérifient des années plus tard, lorsque l'événement se produit), entre autres facultés extraordinaires. - Photo : Art arménien : Khatchkar de Sainte-Gayanè (Xe-XIIe s. ?). -

Je ne pense pas que nous soyons plus intelligents au XXIe siècle qu'au deuxième millénaire avant notre ère. Les gens de cette époque reculée étaient probablement superstitieux et emplis de préjugés, tout comme nous aujourd'hui, simplement, leur culture était différente. Je me garderai bien de rejeter leurs croyances d'un simple haussement d'épaules. Il me semble au contraire intéressant de m'interroger sur la pertinence d'une coutume qui a duré si longtemps, et dont l'atmosphère a continué d'imprégner la société basque, pourtant chrétienne, par le biais de la conception de ces stèles discoïdales qui ont gardé vivace cette symbolique originale. - Photo : Archilondo, oeil d'une grenouille rousse. -

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