Dimitri
nous relate la contribution très importante des frères
Terrasse dans la réhabilitation et la réimplantation
des vautours en France. Michel
et Jean-François Terrasse réalisent des films qui passent
pendant des années à l'émission
de Marlyse de Lagrange animée par Frédéric Rossif, "Les
animaux du monde" et certaines de leurs productions sont primées,
comme 'Gypaète, le retour', 'Le retour du Bouldras' et 'La Nonette
du Groënland'. De nos jours, la concurrence est devenue
rude, avec les productions très spectaculaires de la BBC. A
deux reprises, Michel Terrasse réalise
un film documentaire sur l'oiseau emblématique
des Andes,
le
condor.
Après l'avoir cherché en vain dans les hautes altitudes
pendant des jours, Michel Terrasse redescend et l'aperçoit non
loin du lieu où il bivouaque ! En
1993,
il présente
au 9ème
Festival International du
Film
Ornithologique de Minigoute (Deux-Sèvres)
des scènes exceptionnelles de son comportement, comme la baignade
ou la nidification,
qui n'ont jamais
été observées ni filmées auparavant. En
2009, il
participe à l'émission
de Nicolas Hulot, Ushuaïa Nature, et se
rend avec lui dans la vallée Encantado. -
Photo : Larve de coccinelle. La graine à bec
d'un géranium.
-
Comme
toujours, en plein milieu d'une explication, Dimitri s'interrompt
pour écouter
le chant d'un oiseau et nous aide à le déceler au milieu
du bruit de fond de la nature tout en nous décrivant
son comportement et en extirpant sa "bible" de son sac à dos
pour nous en montrer une photo : c'est le casse-noix moucheté,
de la taille d'un geai, précise-t-il. Un bruit beaucoup plus
discret signale la présence
du némobius, un grillon qui émet un son faible et continu
de bulles qui éclatent.
Il
annonce l'automne, saison où la
larve se métamorphose dans la forme finale de l'insecte, la
seule capable de se reproduire. C'est sans doute ce que se préparent
à faire aussi tout
un groupe de zygènes qui s'activent sur les têtes de
chardon bleu-mauve. Nous observons des herbes "dompte-venin" dont
le fruit, aujourd'hui fané et dont les graines se sont échappées, évoque
notre piment d'Espelette. Les anciens l'appelaient asclepias c'est-à-dire "Herbe
d'Esculape", signe de la confiance qu'ils avaient dans
les propriétés de cette plante dédiée
au dieu de la médecine. Ils l'utilisaient
au Moyen-âge contre les morsures des
animaux venimeux, les empoisonnements et la peste. En fait, la plante se
révélera plus tard toxique du moins par
sa racine. Un vautour
fauve plane au-dessus des falaises. Deux
pancartes sur notre sentier rappellent au visiteur
que la
résine (la
poix) des pins à crochets très répandus ici était
jadis récoltée pour entretenir les bateaux et cordages
et qu'une des plus belles et plus grosses orchidées
d'Europe, le Sabot de Vénus, espèce protégée,
fleurit sur les lisières
des versants boisés - et qu'il est défendu d'y toucher -. -
Photo : Zygènes
sur un chardon. -
Le second jour nous emmène un
peu plus loin sur le plateau du Vercors, dans un site au nom évocateur,
Font d'Urle, le premier terme évoquant la présence d'une
source ou résurgence,
et le deuxième (*) la bise du nord qui peut sévir de façon
assez abominable sur ces espaces dénudés par la pratique
intensive de l'élevage depuis
6 000 ans. Ce
plateau a toujours été réputé pour
ses conditions climatiques difficiles. Le vent s’engouffre par la porte
d’Urle au-dessus du val de Quint et il arrive que la neige tombe même
en été… Au
pied des impressionnants escarpements de Font d’Urle, la grotte du
Berger, cavité étroite
et peu accueillante, a livré quelques silex de très petites
dimensions probablement attribuables au Mésolithique. Une station
de la fin du Néolithique a été révélée
par une concentration de silex à l’emplacement du réservoir
actuel de la source au-dessus du hameau de Font d’Urle. C’est
probablement la présence de l’eau qui a favorisé cette
installation située au débouché de la Porte d’Urle,
voie de circulation entre le plateau et la vallée du Quint. Cette
station a livré, entre autres, une armature de flèche bifaciale
apparentée aux "pointes de Sigottier" des Hautes-Alpes
(Réf.
R. Picavet). Sous
les barrières rocheuses
et les vallons abrupts inexploitables, les arbres ont subsisté et
forment ici la forêt domaniale de Quint. J'effectue quelques
recherches
étymologiques car la similitude de nom avec notre Pays
Quint ou Quinto Real dans les Aldudes (Pyrénées) m'intrigue. "Le
Kintoa était
le pays où l’on
payait «le droit de quint», la quinta en espagnol. Le berger
basque s’acquittait ainsi d’un «droit de pacage» au
Roi de Navarre pour faire pâturer ses porcs dans
les forêts royales alors fixé au
cinquième du troupeau." - On n'a rien inventé avec
notre TVA à 20% -! En droit médiéval,
on pouvait lire ailleurs "il
faut payer à chaque seigneur le quint denier de la chose principale".
Je
trouve une autre explication possible dans La Feuille de Quint N°
6. "Des Romains, nous connaissons
vraisemblablement l'origine du nom de la vallée,
né d'une borne militaire placée à l'embouchure de
la Sûre et située à 5 (Quinque)
lieues de Die. Certains avancent que St Julien était à cette époque
surnommée «Sanctus Julianus de Valle Quinti». Toutefois,
à part quelques tuiles (tegulae) ça
et là, peu de traces de la domination romaine ont été retrouvées...
La route qui part de Die vers l'ouest
est creusée sur la
rive droite de la Drôme. Elle traverse la Sûre au niveau de
Ste Croix et enjambe
aussitôt la Drôme pour continuer son chemin en rive gauche
jusqu'à Saillans.
L'édification
d'un château de pierre et de
bois à l'emplacement actuel des tours de Quint serait l'œuvre
d'une famille de
seigneurs de Quint au début du 12ème siècle. Il
aurait été cédé en
1285 au comte de Valentinois, Aymar de Poitiers, par un
dénommé Pierre de Quint. A ce
point de liaison, passage obligé, fut alors instauré un
péage, objet de conflits permanents avec l'évêque de
Die, porte-parole du clergé et des villageois."
J'apporte juste une petite correction à ce texte
: à Pré-Peyret (non
loin du col du Rousset et du Pas de Chabrinel),
une fréquentation gallo-romaine, probablement en rapport avec l'exploitation
des carrières
de la Queyrie, a été révélée
par la présence de céramiques typiques de cette époque. -
Photo : Vallon de Combau dans la brume. -
Le
parcours de découverte à partir de la petite station familiale
de ski de piste et de fond est soigneusement circonscrit aux
limites extérieures des pâturages en cette période
d'estives, ce qui nous fait cheminer tout du long au bord d'un précipice
où nos
amis les chocards à bec
jaune nous proposent leur spectacle habituel d'acrobaties aériennes
au milieu de cris suraigus facilement reconnaissables. Quelques craves à bec
rouge se mêlent au groupe agité pour picorer sur l'alpage
les criquets et les insectes qui se repaissent des excréments.
A l'horizon, telle un Indien d'Amérique
envoyant des signaux de fumée, la montagne émet
un train de cumulus qui se déplace vers le sud, application parfaite
des explications données
par Dimitri lors de notre séjour à Lescun.
A
ce sujet, il nous rappelle que les cirrus aux formes évanescentes
contiennent
des
cristaux
de glace
très
petits
et clairsemés. Pour parler de choses qui fâchent, ce temps
clair nous permet même d'apercevoir les vapeurs qui s'élèvent
au-dessus de la centrale nucléaire de Tricastin dans la vallée
du Rhône. A l'opposé, nous apercevons
les cimes enneigées du Dévoluy. Un berger solitaire et
bougon nous apostrophe avec rudesse lorsque nous traversons l'alpage
pour pique-niquer en haut
d'une colline. Pourtant, nous avons veillé à marcher calmement
et nous avons contourné le troupeau en gardant nos distances,
surtout à
cause de ses deux grands chiens (des "patous"). Il est capable
de les avoir dressés à chasser le touriste. En fait, j'apprendrai
plus tard qu'il loue ces terres au Conseil général. Ce
dernier, en tant que propriétaire, a la charge de réguler
les trajets des randonneurs et chasseurs, de façon à ne
pas mettre en danger le troupeau qui pourrait être acculé au
bord du vide au risque d'y être
précipité,
à
cause d'un
mauvais
comportement qui engendrerait la panique. Dimitri nous rapporte qu'un
troupeau de la Crau en estives au Vercors a été effrayé par
la foudre : résultat, 45 chevaux et 200 brebis se sont jetés
dans le vide...
Un
terrier signale la présence de marmottes. En observant aux jumelles
les herbages au pied des falaises, Dimitri
repère un petit groupe de chamois dans l'ombre, inaccessibles, à quelques
dizaines de mètres au-dessous des brebis. J'adore ce paysage spectaculaire,
résultat pourtant d'une forte érosion qui découpe
le relief comme une côte marine étagée. Ce que je
regrette, c'est la monotonie de ces alpages. Une garde (qui se trouve
tout à fait fortuitement avoir suivi un
même stage avec Dimitri) vient à notre rencontre pour nous
renseigner. Le Conseil général s'est donné une mission de
surveillance, de préservation
et de suivi scientifique (faune et flore) et a la volonté de garder un équilibre
entre le pastoralisme et le tourisme et de concilier les deux activités.
Les bergers restent tout l'été
avec les troupeaux qu'ils redescendent en camion vers leurs quartiers
d'hiver, sauf celui du Royans qui effectue encore la transhumance à pied,
de même que ceux du val de Quint qui montent avec 1200 bêtes
sur le plateau d'Ambel...
Trois refuges ont été aménagés pour faciliter le séjour de ces éleveurs
qui sont pratiquement toujours les mêmes (ou leurs descendants). Ils
y restent le plus longtemps possible (la limite, c'est fin octobre),
car
en bas,
c'est
très sec. Le Conseil général
possède et gère
également la station de ski sur le plateau de Gagères.
Une
surveillance s'exerce en hiver, mais plus difficilement car
le plateau est moins accessible. Elle ajoute que, si nous n'avons pas
pu emprunter la route
du col
du
Rousset à l'aller, c'est qu'elle est coupée pendant la
semaine en journée
pour permettre l'exploitation forestière.
J'en apprends davantage sur cette région du Vercors et ses relations avec les vallées en parcourant deux sites très bien faits, celui de Persée sur le Pays de Quint et l'autre des Presses universitaires de Rennes qui mettent à disposition des livres numériques dont un chapitre porte sur la conquête de la montagne du XIe au XIVe siècle. Deux facteurs importants, climatique et humain, sont à prendre en compte. Depuis que la culture néolithique s'est répandue en Europe à partir de son foyer d'émergence en Afrique ou au Moyen-Orient pendant l'actuelle période interglaciaire, il n'y a pas eu d'évidence que ce changement de comportement, notamment alimentaire, ait eu une influence sur la démographie humaine. Par contre, après le sérieux coup de refroidissement qui a eu lieu pendant le Moyen-Age entre le 5e et le 10e siècle en Europe, le réchauffement qui se produit à partir de l'an mille induit une explosion démographique qui a des conséquences sur l'occupation des sols. Les plaines et vallées deviennent saturées et les montagnes, dont le climat est devenu corrélativement plus doux, se peuplent. Le Vercors est un lieu de transhumance prisé depuis toujours qui offrait jusque là suffisamment de pâturages.
Cette
deuxième moitié du Moyen-Age voit se développer
de nouvelles velléités
de domination de la part de deux
secteurs de la société, la noblesse
et le clergé (les monastères). Ils cherchent à s'approprier
les terres,
à taxer tout ce qui peut l'être, et notamment les déplacements
de troupeaux pendant la transhumance, l'occupation de pâturages
autrefois libres d'accès, le transport des marchandises pour
le commerce, etc. Du coup, les communautés
d'éleveurs des vallées, qui emmenaient chaque été les
troupeaux depuis 5000 ans vers les gras herbages du Vercors pendant
que le blé mûrissait
et le foin se desséchait en aval dans le Diois, durent apprendre à
résister, à se défendre et faire valoir leurs droits.
Jusqu'au XIVe siècle,
les antagonismes
s'élèvent au sein de la société et finissent
par se résoudre grâce à l'édification
de règles écrites et d'une législation spécifique.
Par contre, les effets sur la nature sont dévastateurs. Les
opérations de culture sur
brûlis,
puis de défrichage systématique finissent par réserver
aux forêts la
portion congrue : les pentes raides et les endroits inaccessibles à l'exploitation
humaine. - Une petite dizaine de chamois
paissent entre deux barres rocheuses sous le plateau, hors de portée
des humains. -
Voici
des extraits de ce chapitre se rapportant au lieu que nous visitons. "
Instituée
en Vercors en 1137, l’abbaye cistercienne de Léoncel fonde huit
granges grâce à diverses donations : cinq se trouvent
dans les montagnes du Vercors, deux dans la plaine de Valence et une en basse
Isère. Par « grange », on entend des exploitations agricoles,
avec champs, moulins et vergers, mais aussi des centres pastoraux d’été ou
d’hiver, autour desquels les cisterciens ont à cœur d’agrandir
leur pré carré, par donations puis par achats. Non loin de Léoncel,
est fondée sept ans plus tard la chartreuse de Bouvante. Entreprenant
systématiquement d’acquérir les alpages qui bordent leur
monastère, les chartreux entrent en conflit avec les cisterciens pour
le contrôle de la montagne de La Saulce. Au
terme d’une transaction
pour laquelle la chartreuse a acquitté 600 sous viennois, le versant
tourné vers Bouvante lui revient, tandis que les cisterciens gardent
celui qui regarde Léoncel. - Photo : Chardon. -
Pour pourvoir à l’hivernage
de son bétail, Bouvante fonde une grange en plaine, sur des pâturages
donnés à Châteauneuf-d’Isère par les seigneurs
de Beauregard, et ne manque pas d’acheter de quoi instituer des étapes
intermédiaires. Surtout, en 1256 la chartreuse arrive à se faire
concéder tous les pâturages de Montélier (Drôme)
par l’évêque de Valence et les cinq coseigneurs du lieu,
avec la faculté d’y faire paître 1 800 bêtes à laine,
dix bœufs, quarante vaches, trente chevaux, d’y bâtir une
grange et un four et d’y faucher 70 sétérées de
pré...
Nombreux
sont les conflits entre les monastères
désireux
de faire fructifier les droits de pâture qu’ils ont acquis en
montagne et les communautés paysannes installées sur place.
Ils sont souvent dus à l’ambiguïté des donations
concédées
aux établissements religieux, elle-même explicable par le statut
particulier des hautes vallées alpines. Anciennes terres fiscales,
elles ont échu au XIe siècle aux seigneurs
qui avaient hérité des rois de Bourgogne et d’Italie
un pouvoir politique très morcelé. Dans les textes de donations,
ils font plus volontiers référence à ce pouvoir qu’à la
propriété de la terre... Une plongée dans le riche chartrier
de Léoncel (Drôme) va nous donner une idée de la manière
dont les monastères ont œuvré à constituer des
ensembles fonciers cohérents, non sans se heurter aux intérêts
des autres acteurs économiques. Il contient une petite trentaine de
chartes relatives à l’alpage
d’Ambel (Isère), un plateau du Vercors qui culmine à 1581
m d’altitude et dont les 1 500 ha de pâture et de forêt
sont gardés par de hautes falaises. Peu après leur installation
(1137), les cisterciens y acquièrent leurs premiers pâturages
de Guillaume Lambert, seigneur de Gigors. En 1169, le fils de celui-ci conteste
déjà la donation. En 1191, un autre seigneur, Odon de Quint,
qui s’apprête à partir en pèlerinage à Compostelle,
donne à son tour aux cisterciens des pâturages à Ambel.
- Photo : Aconit napel. -
En
1201, une charte du pape Innocent III énumère, parmi les
possessions de l’abbaye «les pâturages d’Ambel».
Oui, mais lorsqu’en 1212 Lantelme de Gigors confirme les donations
de ses ancêtres
de Quint et de Gigors, il précise que les moines doivent se garder
de porter atteinte aux moissons et aux prairies de fauche «défendues
et améliorées depuis longtemps» à Ambel. Il
réserve
aussi le droit de pâture des «habitants du lieu», qui
sont en fait les paysans des vallées adjacentes de la vallée
de Quint et de la Gervanne, car il n’y a pas d’habitat permanent
sur le plateau. C’est que ses ancêtres n’ont pas pu donner
plus que ce qu’ils avaient : en droit, des pâturages, en fait,
plutôt
des droits de pâture qu’ils partageaient avec leurs dépendants
; en tout cas, certainement pas une propriété foncière
au sens plein du terme. Il n’y a pas de propriétaires à Ambel
au commencement du XIIIe siècle, mais seulement des usagers, seigneurs
laïcs, paysans et cisterciens. C’est pourtant bien à une
vraie propriété que les moines vont prétendre au cours
du siècle. Ils vont se heurter aux communautés paysannes
de la vallée de Quint, qui protestent de leurs droits d’usage
immémoriaux,
et aux seigneurs de Gigors et d’Eygluy... - Photo : Reine et Jean-Pierre
ont plu au Patou du berger. -
Entre deux conflits documentés,
des décennies de paix se laissent voir en creux, surtout avant 1250.
Parmi les bienfaiteurs de Léoncel par exemple, il y a 15 à 30
% de paysans. Léoncel recrute d’ailleurs ses convers et ses
mercenaires parmi les paysans des alentours. Surtout, les mêmes religieux
que nous voyons fermer certaines montagnes aux communautés paysannes
ou tenter de le faire, en ont ouvert d’autres à la colonisation,
faisant largement appel aux défricheurs. L’essentiel de la
main-d’œuvre
des défrichements a donc été fournie par les paysans...
Comparaissant en 1447 devant les enquêteurs du roi de France commis
aux révisions de feux, les habitants des villages d’Eygluy,
du Cheylard et de Baix, dans le Diois, expliquent leurs méthodes.
C’est
avec l’espoir de montrer combien sont rudes leur conditions de travail
et d’obtenir de la sorte une réduction de leur contribution à l’impôt
royal : « Nos terres sont pauvres et peu fertiles, et il nous faut
en gagner sur les bois. On coupe en effet les arbres durant l’hiver
et on les étend sur place. Une fois qu’ils sont secs, on
y met le feu, ce qui brûle aussi quelque-peu la terre qui se trouve
en-dessous. On peut alors y semer du blé, car la terre est fertilisée
pour quatre ans, cinq au maximum. Mais ensuite elle ne vaut plus rien
pour les
vingt années à venir, à moins
qu’on n’y mette du fumier. Or cela n’est pas possible,
parce que nous n’avons pas d’animaux, faute de prés.
Le peu de prés que nous avons, nous y faisons des foins. En sorte
qu’après
que nous avons travaillé la terre quelques années en un
endroit, il nous faut aller défricher une autre portion de bois
les années
suivantes, ce qui ne va pas sans un grand labeur..." - Photo : Les chocards
à bec jaune (un peu flous, ils n'ont pas voulu ralentir en plein vol).
-
Ce
sont donc les friches communes, celles qu’on appelle «hermes», «terre
gaste» ou encore «pastègues» dans les Alpes
méditerranéennes,
qui sont attaquées par les essarteurs. Communes, c’est dire
qu’elles
sont à tout le monde, ou plutôt que chacun a le droit d’en
user ; mais c’est dire aussi que nul n’a le droit de se les
approprier, en sorte que d’une certaine manière elles n’appartiennent à personne.
Or, beaucoup plus que la pâture du bétail ou la coupe du
bois de chauffe, la culture sur brûlis suppose une appropriation,
au moins temporaire, d’une portion bien délimitée
du territoire commun. Cela ne pose pas de problème tant qu’il
y a de la place pour tout le monde ; mais depuis le XIIIe siècle,
la pression sur les communs s’intensifie avec la croissance démographique,
d’où des
conflits croissants entre communautés. - Photo : Un circuit vertigineux.
-
C’est la porte ouverte à une
intervention des seigneurs détenteurs du ban. Du point de vue
des communautés,
la nécessité d’une instance arbitrale se fait sentir
pour empêcher les appropriations abusives des communaux et la déforestation
excessive ; du point de vue seigneurial, il y a là une intéressante
perspective de taxation. Nous voyons ainsi les seigneurs mettre en défens
certaines forêts ou, comme on dit plutôt dans les Alpes,
y apposer des bans, en accord, bien souvent, avec les communautés
paysannes qui voient avec inquiétude, dans les régions
méditerranéennes,
la déforestation gagner du terrain. Quant à la culture
temporaire sur brûlis dans les friches communes, elle est autorisée
selon certaines règles et moyennant le paiement au seigneur banal
d’une
redevance proportionnelle au rendement de la terre qu’on appelle
terrage en Savoie, tasque ou tâche en Dauphiné et en Provence.
Fixés
fréquemment au 1/12e du rendement de la terre, ces prélèvements
peuvent toutefois varier entre le 1/7e et le 1/20e. "
(*) Réaction de Claire Noblia :
"Tu as cherché l'éthymologie de Quint... moi, j'ai retenu
d'autres mots qui, de mon point de vue, pourraient être antérieurs:
Font d'Urle : 'Font' évidemment se rapporte à une fontaine,
source, eau mais qui a toutes chances d'être un pléonasme (comme
le Val d'Aran) du mot antérieur: Urle. Ur étant en paléo
basque et encore aujourd'hui "eau".
Un autre mot: Isère se retrouve dans plus de 200 rivières européennes
avec sa base: Is ou Ys ... qui a donné Is-poure... Is-turitz?.. Us-taritz?...Uz-an?...
Uz-ein?... Uz-os?...Iz-este?.... Is-sor?...
Cela a déjà été publié, il y a quelques
années, dans "Pour la science" de septembre 2002."
Page précédente | Page 2/6 |
Organisateur guide naturaliste, Dimitri Marguerat, avec un groupe d'une dizaine de personnes | Diois et Vercors |
18 septembre 2010 |