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Que deviennent les anguilles ?
De la fécondité des poissons.
Repeuplement des étangs.
Conservation des poissons destinés à servir d’appâts.
Une pâte pour gardons.
La truite arc-en-ciel.
Pour bien amorcer.

Que deviennent les anguilles ?

— Dans le numéro d’octobre courant, j’ai lu avec le plus vif intérêt le remarquable article de votre collaborateur M. Yves Christiaen, pisciculteur, sur le « mystère des anguilles ». Dans sa conclusion, M. Christiaen écrit : « Dès leur entrée en mer, commence le mystère, car on ignore la façon dont s’effectuent la ponte et la fécondation des anguilles ... »

Que deviennent les anguilles après la ponte ? Cette question demeure sans réponse ... Meurent-elles ? Qui donc dira jamais ce que deviennent ces êtres énigmatiques ? ... Là est tout le mystère des anguilles.

Or, dans un remarquable article du grand savant, M. Joubin, paru dans la Revue des Deux Mondes de 1934, sur le même sujet, celui-ci écrivait :

« Les anguilles commencent alors à quitter les étangs et les ruisseaux ... Elles descendent les fleuves et aboutissent enfin à la mer, groupées souvent en bandes considérables. Arrivée à la côte, la troupe des femelles rencontre dans les estuaires les mâles qui depuis cinq ans n’ont pas quitté ces régions, et ils partent de compagnie pour la haute mer, nageant rapidement en ondulant sur le sol abyssal ou à travers les eaux profondes ... Elles convergent toutes vers un point unique en passant sous la mer des Sargasses : la région au sud-ouest des Îles Bermudes.

Elles mettent six à huit mois pour y arriver. En cours de route, leurs glandes reproductrices se sont développées aux dépens de leur réserve de graisse, car elles ne se nourrissent plus, elles s’accouplent, pondent et meurent épuisées, probablement après, car on n’a jamais capturé une anguille ayant pondu. Les œufs éclosent, et nous voici revenus au point de départ de la larve dix ans plus tôt : celle-ci a fait alors 6.000 kilomètres en surface et 6.000 autres en profondeur pour y revenir pondre et mourir ... »

Le grand savant qu’est M. Joubin a donc répondu, d’une façon précise, je crois, aux questions posées dans le Chasseur Français par M. Yves Christiaen, votre distingué collaborateur, et je serais heureux si cela peut intéresser les innombrables lecteurs du Chasseur de lire cette réponse dans son plus prochain numéro.

F Susini.

N. D. L. R. — Notre collaborateur n’ignore certainement pas cette explication au « mystère » des anguilles ; mais, comme beaucoup d’autres ichtyologues, il ne la considère pas comme absolument définitive, faute de preuves matérielles.

De la fécondité des poissons.

    L’ablette : fraie de mai à juin, le nombre d’œufs déposés par chaque femelle est tellement grand qu’il est incalculable.
    La brème : fraie de mai à juin, la femelle pond de 100.000 à 150.000 œufs légèrement jaunâtres d’environ un demi-millimètre de diamètre.
    La vandoise : fraie d’avril à mai, la femelle pond environ 100.000 œufs.
    La perche : fraie de mars à avril, sa fécondité est extraordinaire, environ 200.000 œufs de la grosseur d’une graine de pavot.
    La carpe : fraie de mai à juin, la femelle pond de 300.000 à 700.000 œufs jaunâtres d’environ un tiers de millimètre de diamètre.
    Le goujon : fraie la nuit, de mai à juillet. Il pond de 1.000 à 3.000 œufs d’une teinte jaunâtre tirant sur le roux, ayant de 1 millimètre à 1mm,5 de diamètre.
    La barbillon : fraie de la mi-mai à la fin juin, la femelle pond de 3.000 à 8.000 œufs jaunâtres et gluants de la grosseur d’une graine de millet.
    La tanche : fraie de mai à juillet, une tanche adulte pond environ 300.000 œufs.
    Le brochet : fraie de février à mai, la femelle pond 150.000 œufs de 2 millimètres de diamètre.

Repeuplement des étangs.

— Si le poisson-chat et la perche arc-en-ciel ne sont pas à recommander pour nos étangs, il n’en est pas de même de la perche truite, dont la chair délicate rappelle celle de la truite, qui vit bien dans les étangs et s’y reproduit.

Il ne faut pas perdre de vue qu’il ne faut pas charger les étangs en alevins, car un étang produit presque toujours à peu près le même poids en poissons, s’il y a trop de sujets, ils ne peuvent pas grossir. Si on y met des carpes, il faut choisir des espèces sélectionnées.

L. TESTART.

Conservation des poissons destinés à servir d’appâts.

— Les laver, puis les immerger pendant une heure dans une solution composée, en parties égales, d’eau et de formol du commerce (cette solution peut être utilisée à nouveau ultérieurement).

Après l’immersion dans ce bain, les poissons sont mis dans des bocaux que l’on remplit d’une nouvelle solution comportant 95 p. 100 d’eau et 5 p. 100 seulement de formol et fermer hermétiquement. Les poissons se conservent ainsi très longtemps.

Une pâte pour gardons.

— Prendre de la mie de pain légèrement imbibée d’eau. Ajouter autant de carotte râpée, deux cuillerées d’huile de chènevis, un peu de miel et une noix de beurre. Mettre ensuite de la farine en quantité suffisante pour constituer une pâte ferme ; bien malaxer pour que le mélange soit bien homogène. Cet appât est irrésistible, paraît-il ; c’est du moins l’avis d’un pêcheur de gardons réputé qui nous a livré cette recette.

La truite arc-en-ciel.

— La truite arc-en-ciel est un poisson d’eau douce originaire de la Californie, qui varie un peu par la couleur ; elle est nommée arc-en-ciel à cause de la riche coloration de ses fines et jolies écailles ; par le soleil, quand elle saute, ou nage à fleur d’eau, elle présente à peu près les couleurs de l’arc-en-ciel ; c’est-à-dire un mélange de violet, d’indigo, de bleu, de vert, de fauve, d’orange. La pisciculture a multiplié ce poisson qui ressemble beaucoup comme conformation à la truite franche ; l’arc-en-ciel a la tête courte et arrondie, l’ouverture de la bouche grande et le bec obtus ; le corps épais est un peu allongé et terminé par une queue large ; les mâchoires n’ont qu’un simple rang de dents, mais il y en a sur le palais.

Cette truite se nourrit de petits mollusques aquatiques, d’insectes, de petits poissons, elle affectionne tout particulièrement le vairon. Elle se plaît dans les rivières et y supporte même des eaux légèrement polluées, mais elles nuisent à son accroissement. Nous en avons vu vivre dans des eaux résiduaires chargées légèrement de matières organiques, alors qu’il faut à la truite ordinaire des eaux vives, limpides et pures ; elle vient bien dans les étangs alimentés d’eau par des sources.

Elle grandit rapidement dans les eaux où elle trouve sa nourriture ; elle s’y reproduit quand elle trouve des frayères à sa convenance.

L’introduction de truites arc-en-ciel dans les eaux douces où il existe des truites franches est abusive, car la truite arc-en-ciel est tellement carnassière et vorace qu’elle dévore non seulement les œufs du frai de sa congénère, mais même ses alevins. La chair de la truite arc-en-ciel est ferme, un peu dure, facile à digérer et d’un goût exquis.

Pour bien amorcer.

— Il faut placer le pain de chènevis au fond de l’eau, à l’endroit exact que l’on a choisi. Pour éviter que cette amorce ne soit emportée par le courant, il faut la descendre dans l’eau avec un fil. Pour pouvoir ensuite retirer celui-ci, voici comment il faut procéder : percer le pain, y passer le fil et au bout attacher un morceau de sucre, descendre le pain au fond de l’eau ; quand le sucre aura fondu, le fil sera libéré et il n’y aura plus qu’à le retirer.

Le Chasseur Français N°596 Février 1940 Page 85