Nous nous attacherons dans cette étude à mettre en évidence,
sans trop entrer dans les détails techniques, les principales propriétés des
poudres de chasse, de manière à faire saisir à nos lecteurs les conditions
d’utilisation qui en découlent normalement. Il est en effet indispensable de
bien connaître la constitution d’un explosif pour comprendre comment, d’après
ses qualités dominantes, il peut s’adapter à tel ou tel usage.
Et d’abord qu’est-ce qu’un explosif ?
On peut en donner la définition suivante : un explosif
est une substance qui, sous l’action d’une élévation de température produite,
soit par un choc, soit par la détonation d’une amorce, subit une rapide et
violente décomposition en produisant à la fois des gaz, des calories et,
accessoirement, quelques produits solides. La libération brusque du volume
gazeux surchauffé provoque un effet mécanique utilisé à la propulsion d’un
projectile dans les bouches à feu, à l’abattement des roches, aux diverses
destructions envisagées par le Génie civil ou l’Art militaire.
Et, dans cette définition générale, nous dirons plus
spécialement, au sujet d’une poudre de tir : explosif progressif destiné à
utiliser au mieux l’énergie de la charge dans le moteur à un seul temps que
constitue la bouche à feu. Il y a, en effet, une étroite parenté mécanique
entre le moteur à explosion et la bouche à feu, ces deux dispositifs étant
basés sur la récupération de l’énergie par le piston ou le projectile. Et,
comme nous tenons à détériorer le moins possible le métal de notre moteur
balistique, nous sommes obligés de chercher dans la gamme des explosifs ceux
qui sont assez bien doués pour ne pas produire, en utilisation normale,
d’effets brisants ou corrodants, tout en développant un maximum de masse
gazeuse et de calories. Nous ajouterons un minimum de produits solides
résiduels. Ce qui précède une fois bien compris, il est facile de saisir
immédiatement les différences entre les divers types de poudres ; nous
nous limiterons d’ailleurs à l’étude des poudres employées à la chasse à tir,
nous réservant d’expliquer ensuite pourquoi les poudres de guerre sont
impropres au chargement des armes de chasse.
La poudre, dite poudre noire, est connue depuis nombre de
siècles ; nous ne nous attarderons pas à en rechercher les origines et nous
nous bornerons à constater que sa composition n’a guère varié depuis que
l’humanité cynégétique l’utilise. Cette composition se tient dans les divers
pays au voisinage des proportions ci-après :
Salpêtre |
78 p. 100. |
Soufre |
10 — |
Charbon léger |
12 — |
Examinons à la lumière de notre définition des explosifs,
comment se comportent ces divers éléments minéraux. Nous sommes ici en présence
de deux éléments combustibles, le soufre et le carbone, susceptibles de se
transformer en gaz (composés oxygénés du soufre et du carbone) dès que nous
leur fournirons suffisamment d’oxygène. À l’air libre, cette transformation est
relativement lente ; en présence d’un corps très riche en oxygène comme le
salpêtre, le phénomène est beaucoup plus rapide et la combustion devient une
explosion dont nous doserons la progressivité à la fois par la proportion du
comburant et par le grainage, c’est-à-dire par le choix de la dimension des
grains en raison du calibre de la bouche à feu à utiliser.
Et si nous avions recours à un corps plus riche en oxygène,
comme le chlorate de potasse par exemple, nous obtiendrions une gamme
d’explosifs dits chloratés qui précisément manquent de progressivité, restent
brisants, quels que soient les procédés et tours de main employés dans leur
fabrication. Ces poudres, énergiques d’ailleurs, sont impropres au chargement
des cartouches de chasse et, si nous en touchons ici quelques mots, c’est pour
conseiller une fois de plus aux poudriers amateurs de ne pas les employer,
s’ils désirent conserver en bon état leurs armes et surtout leur personne. En
dépit des « excellentes » recettes que certains chasseurs se
transmettent confidentiellement, le simple bon sens indique que, s’il y avait
quelque chose de pratique à obtenir d’un mélange chloraté, il y a longtemps que
l’on aurait renoncé à la fabrication assez complexe de la poudre noire.
Telle qu’elle est, reconnaissons-lui des qualités très
réelles : puissance pratiquement suffisante, gamme de progressivité très
étendue, attaque modérée du métal, conservation indéfinie, Un seul défaut à
inscrire à son actif : une assez forte proportion de résidus solides dans
la combustion, autrement dit, fait de la fumée ...
Et nous allons voir que faire de la fumée, c’est en outre
produire un recul inutile.
La déflagration de 10 grammes de poudre noire laisse en
moyenne 5gr,60 de résidus non gazeux qui doivent être projetés en
dehors de l’arme. Or, dans l’utilisation de toutes les bouches à feu, le recul équilibre
dynamiquement, par sa vitesse et la masse de l’arme, l’énergie employée à
donner aux projectiles, aux diverses bourres, aux gaz de combustion, et
éventuellement aux résidus solides, leurs diverses vitesses individuelles.
Propulser les projectiles est du travail utile ; tout le surplus est du
travail perdu ; une poudre est donc d’autant plus avantageuse que, pour
une même vitesse obtenue en ce qui concerne les projectiles, elle emploiera un
moindre poids de substances, et qu’un minimum de ces dernières restera à l’état
de résidus solides. Nous voyons donc que la production de fumée est un
inconvénient lié à une augmentation inutile de recul.
Comparons maintenant à la poudre noire une poudre à la
nitrocellulose pure, la poudre T par exemple, et examinons comment cette
dernière se comporte dans son rôle d’explosif. La nitrocellulose, corps à
molécule de poids élevé et très complexe, réunit, par sa constitution chimique
propre, à la fois le combustible et le comburant. Nous y trouvons de
l’hydrogène et du carbone comme combustibles, de l’oxygène comme comburant, un
peu d’azote, et le tout en combinaison et non en mélange cette fois.
On voit immédiatement qu’un explosif de ce genre ne peut
donner que des produits gazeux ; nous ferons de suite l’économie de la
fumée et, comme nous pourrons employer un poids d’explosif moindre pour obtenir
la propulsion de la charge, nous aurons moins de recul à poids égal, la poudre
T donne en effet un volume gazeux à peu près quatre fois plus élevé que la
poudre noire. Quant à l’effet progressif, nous le réglerons par des artifices
de fabrication : épaisseur des grains et dimensions de découpage.
Notons en passant que la combustion plus ou moins rapide
d’une poudre, et par conséquent sa progressivité, se règle, quelle que soit la
composition chimique de l’explosif, par la dimension des grains. Il est
d’évidence géométrique que le même poids de poudre possède d’autant plus de
surface qu’il est réparti en un plus grand nombre de grains et, comme la
rapidité de combustion est proportionnelle (dans un même régime de pressions) à
la surface, la poudre est d’autant plus vive qu’elle est plus fine.
Suivant la masse du ou des projectiles à lancer, nous
choisirons le grainage approprié. Les poudres noires, en particulier, ont des
numéros de grainage convenant à une gamme de calibres très étendue.
Si nous considérons maintenant des poudres intermédiaires
entre les poudres noires et les poudres à la nitrocellulose, la poudre M par
exempte, nous verrons de suite que leurs avantages sont également
intermédiaires : 10 grammes de poudre M laissent 1gr,40 de
résidus. Donc peu de fumée et recul sensiblement moindre que celui des poudres
noires.
Étant donné que les produits de déflagration de la poudre T
sont entièrement gazeux, on conçoit que des progrès ne pourraient être réalisés
qu’avec un explosif donnant des gaz de décomposition d’une densité moindre dans
les mêmes conditions de poids de la charge, température et pression. La
question ne paraît pas résolue quant à présent.
La dernière née, la poudre K2, se rapproche, par son absence
de résidus et son peu de fumée, des qualités des poudres à la nitrocellulose.
Elle possède sur la poudre T certains avantages de chargement dus à sa
structure granulée en même temps qu’une plus grande souplesse de régime de
combustion. Nous examinerons ces divers points dans une prochaine causerie.
(À suivre.)
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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