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Causerie vétérinaire

Les verrues et la mélanose des solipèdes.

Les Verrues ou papillomes sont de petites tumeurs de nature inflammatoire de la peau et des muqueuses. On les observe chez tous les animaux domestiques ; les plus fréquemment atteints sont les ruminants (bœuf), les carnivores (chien) et les solipèdes (cheval, âne et mulet).

Envisagées plus spécialement chez le cheval, les verrues ont ordinairement pour siège le bout du nez, le chanfrein, les lèvres, les maxillaires et la région abdominale. Elles se présentent sous l’aspect de masses peu volumineuses, de couleur variable, habituellement grisâtres ou gris noirâtre, disposées en plaques, en tubercules ou en cônes à la surface de la peau ou des muqueuses.

Chez toutes les espèces animales, même chez l’homme, les verrues présentent des propriétés particulières qui sont la Contagiosité et l’Auto-inoculation, ce qui rapproche l’affection — la papillomatose — des maladies microbiennes.

La virulence des papillomes est connue depuis longtemps en médecine humaine et en médecine vétérinaire, sans qu’on ait pu toutefois jusqu’ici mettre en évidence la nature du contage. Chez l’homme, le caractère virulent des verrues est prouvé par les travaux de Wile, de Ritter, etc. Chez les bovins, les éleveurs savent que les verrues se transmettent souvent par les frottements contre un poteau dans les pâturages ; chez le chien, par les rapports sexuels. L’expérience suivante, de R. Moussu, montre que, partant des verrues elles-mêmes, on peut obtenir une espèce de vaccination d’un sujet contre ses propres verrues, et la disparition de celles-ci dans un délai qui correspond à celui qu’on observe dans l’immunisation contre les maladies microbiennes contagieuses : 10 à 15 jours.

« Une verrue, choisie parmi les plus volumineuses de celles qu’on rencontre fréquemment dans la bouche des jeunes chiens, est sectionnée aux ciseaux et broyée dans un mortier flambé avec environ 5 centimètres cubes de sérum physiologique. Le produit est filtré sur gaze stérile et injecté sous la peau en arrière du coude ...

« ... Au cours de la première semaine qui suit l’injection, les tumeurs ne paraissent pas se modifier sensiblement, mais les jours suivants on les voit changer de couleur, se flétrir, diminuer progressivement pour tomber du douzième au quinzième jour. À ce moment, tous les papillomes ont disparu. » (R. Moussu.)

Il est donc évident qu’au point d’injection de la verrue broyée, il se produit des phénomènes organiques et la production de substances (anticorps) qui, en une quinzaine de jours, créent un état d’immunisation.

Cette curieuse propriété des verrues, de se transmettre d’un sujet à l’autre et au porteur de la verrue en cause par le sang virulent, est rapportée aujourd’hui à un virus filtrant, autrement dit à un agent pathogène dont la nature et la structure échappent aux instruments dont nous disposons pour déceler la présence et la forme des infiniment petits. Kingerey et Wile, ayant broyé des verrues dans du sérum salé, et filtré cette préparation sur bougies spéciales en porcelaine, inoculèrent le filtrat recueilli sous la peau de plusieurs personnes.

Le résultat fut positif, et les auteurs assistèrent à la naissance au point d’inoculation de petites tumeurs semblables en tous points à des verrues. L’agent infectieux était donc passé à travers la bougie : il s’agissait bien d’un virus filtrant.

À moins d’être situées au voisinage des ouvertures naturelles dont elles peuvent gêner le fonctionnement, les verrues des solipèdes n’exercent généralement aucune influence nocive appréciable sur la santé. Elles sont simplement disgracieuses au point de vue de la beauté des régions atteintes, tout en laissant craindre une extension possible par auto-inoculation. Cette seule considération est suffisante pour légitimer une intervention médicale.

Il convient d’être très circonspect dans le choix des moyens à employer pour obtenir la disparition des verrues, car, en des mains inhabiles, certains procédés employés peuvent produire des troubles cicatriciels irréparables, beaucoup plus graves que la papillomatose elle-même, ou exposer à son extension ou à des récidives. C’est dire assez que le traitement doit en être confié au vétérinaire, seul qualifié pour choisir le procédé le plus indiqué, selon que les verrues seront en plaques, en tubercules, pédiculées, etc.

On constate, parfois des faits singuliers, selon l’espèce animale envisagée. Ainsi, chez le bœuf, les verrues guérissent toujours, si on procède à leur ablation même partielle ; parfois il suffit de ligaturer une partie des verrues, les plus grosses, les verrues-mères, pourrait-on dire, pour qu’on constate au bout d’un certain temps la disparition des autres papillomes. Ceux du cheval ne guérissent pas après une semblable intervention. Au contraire, on constate parfois une récidive de la papillomatose au pourtour de la plaie opératoire, lorsque la tumeur n’a pas été enlevée très largement et jusqu’au delà du derme.

Nous ne ferons qu’énumérer les procédés de traitement : par les acides (acétique, azotique), la pommade arsenicale, la cautérisation au thermo-cautère, et enfin l’ablation totale des verrues.

Mélanose.

— La Mélanose, désignée vulgairement sous le nom d’hémorroïdes des chevaux, est une affection qui frappe plus particulièrement les chevaux blancs ou marqués de blanc. Elle se traduit par des masses gris ardoise ou brun noirâtre, dures et indolentes, irrégulières, bosselées, tantôt sphériques, tantôt semblables à des grappes de raisin. Atteignant surtout les chevaux déjà âgés, ces tumeurs se montrent le plus souvent au pourtour de l’anus, à la base de la queue où elles offrent parfois un volume considérable.

Elles se généralisent et peuvent envahir les divers tissus ou viscères, poumon, foie, rate, etc., au point de rendre la viande des sujets atteints inutilisable pour la boucherie. Incisées, les masses mélaniques sont remplies d’une substance noirâtre appelée Mélanine. Signalons aux éleveurs que la mélanose est manifestement héréditaire, d’où l’indication de ne pas faire reproduire les juments qui en sont atteintes.

La mélanose est une affection grave pour les raisons suivantes : elle évolue lentement, mais aboutit à la généralisation et à la cachexie ; elle récidive après extirpation des tumeurs ; elle constitue un motif de saisie de la viande ; enfin elle est incurable.

Le traitement est impuissant à guérir la mélanose. Si les tumeurs ne gênent pas l’animal, il est prudent de ne pas y toucher ; on se contentera de modifier les harnachements pour éviter les blessures.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 297