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La Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est encore mal connue de la grande masse française. Dans le passé a subsisté, et subsiste peut-être encore aujourd’hui chez quelques-uns, une équivoque qui a été douloureuse pour la vaillante population de là-bas, noble, digne, travailleuse, née des apports de la plupart de nos vieilles provinces. Quand on parlait, il n’y a pas très longtemps, de Nouméa, c’était, tout de suite, l’évocation du bagne, alors que le bagne n’y est plus qu’un mauvais souvenir.

Que la curiosité pousse à regarder une carte : on y voit la Nouvelle-Calédonie sous une forme minuscule dans l’immensité du Pacifique, et les vastes dimensions des terres voisines. Australie, Nouvelle-Zélande, la font paraître plus négligeable encore.

En réalité, la Nouvelle-Calédonie est l’une des plus grandes îles du Pacifique, se développant sur une longueur de 430 kilomètres avec des îlots qui la prolongent au Nord, de 500 kilomètres, avec une largeur moyenne de 50 kilomètres. Sa superficie est de 16.712 kilomètres carrés, un peu plus du double de celle de la Corse. Ses dépendances, les petites îles côtières, l’île des Pins, les Chesterfields, les îles Loyalty, ont, ensemble, 3.911 kilomètres carrés.

Le relief est très accidenté avec des pics, dont l’un, le pic Humboldt, dépasse 1.800 mètres, et de vastes plaines, le tout coupé de nombreuses et profondes vallées d’une richesse de végétation parfois merveilleuse. Avec la rigide beauté de ses Pins colonnaires et la parure éblouissante des fleurs rouges du Flamboyant, la Nouvelle-Calédonie apparaît au voyageur comme le « Paradis des fleurs » et, au fur à mesure que celui-ci s’avancera à l’intérieur des terres, son admiration augmentera à la contemplation des fleurs variées, depuis les fantastiques orchidées terrestres jusqu’au rutilant Xeroneum mœrei aux fleurs rouges, sans oublier les admirables fleurs aquatiques qui décorent les eaux stagnantes de leurs riches coloris.

Sur ces diverses terres, y compris les satellites, vivent 53.245 habitants (recensement du 1er juillet 1936), dont 28.030 indigènes et 7.061 travailleurs indigènes immigrés (Indochinois, Javanais, Néo-Hébridais, etc.) ; les Français y sont au nombre de 15.143, et les étrangers 1.912 dont 1.430 Japonais.

Par son climat, tempéré et salubre, grâce à la brise alizée qui règne presque continuellement, par la facilité avec laquelle elle se prête à toutes les cultures, la Nouvelle-Calédonie est essentiellement une colonie de peuplement et un pays agricole au premier chef. Par sa configuration géographique, seules peuvent s’y constituer des exploitations de moyenne étendue, situation assez particulière qui a l’avantage de permettre aux émigrants de pouvoir s’y établir sans être obligés d’investir, dans leurs installations, des capitaux considérables ...

Il n’y a, dans l’île, ni bêtes fauves, ni reptiles dangereux : un véritable Éden ...

Les amateurs de chasse n’ont guère à mettre au bout de leur fusil que le cerf qui est tellement abondant qu’il devient un véritable fléau pour l’agriculture, le canard sauvage, des poules d’eau, des poules sultanes, et, dans les forêts de montagnes, un grand pigeon au plumage gris d’ardoise : le notou. Ajoutons que les pêcheurs ne sont guère plus favorisés, car le poisson d’eau douce est rare ; par contre, les écrevisses et les crevettes sont très nombreuses, ainsi qu’aux embouchures, là où l’eau est saumâtre, les huîtres de palétuvier.

Le sol, généralement recouvert d’une riche couche d’humus, convient aux cultures de rapport parmi lesquelles le café, le maïs, le riz, le manioc, la vanille. La plupart des fruits de France et des tropiques (banane, avocat, mangue, ananas) y abondent.

Dans les forêts qui couvrent 200.000 hectares, on rencontre le bois de rose, le santal, le pin colonnaire, le bois de fer, l’acacia, le hêtre, le chêne et le niaouli dont les feuilles entrent dans la fabrication du « goménol », alors que le bois est employé aux usages les plus variés.

À ces ressources, s’ajoute un cheptel considérable (près de 100.000 bovidés, plusieurs milliers de chevaux, de moutons et de chèvres). Parmi les autres produits de l’élevage on ne saurait passer sous silence les porcs qui, avec les lapins et la volaille, contribuent largement à l’alimentation des habitants.

Une notable partie de la valeur économique de la Nouvelle-Calédonie relève de ses richesses minières qui sont considérables ; la colonie a pu être comparée avec assez de justesse à un lingot de métaux précieux amalgamés. Effectivement, l’or, l’argent, le platine, le fer, le plomb, le zinc, le gypse, l’antimoine, les phosphates s’y rencontrent en quantités exploitables, et le chrome, le cobalt et le nickel y forment des gisements particulièrement abondants. On trouve aussi de la houille entre le Mont-Dor (au sud de Nouméa) et la région de Voh (côte Ouest).

Nouméa, chef-lieu de la colonie, est dotée d’un assez bon port ; elle est desservie avec l’intérieur par de bonnes routes (280 kilomètres environ de routes carrossables et 1.050 kilomètres d’autres routes en pistes) ; un tronçon de chemin de fer à voie étroite, d’une longueur totale de 30 kilomètres, la relie à Paita. Un service de tours de côtes assure, à raison d’un voyage mensuel sur chaque côte, la liaison maritime entre tous les ports du littoral.

La colonie a une Chambre d’Agriculture, créée en 1884, et une Chambre de Commerce fondée en 1894. Les attributions de la première sont purement consultatives ; la seconde représente auprès du Gouvernement de la colonie les intérêts commerciaux et industriels de la Nouvelle-Calédonie.

Je serais heureux si ces quelques indications trop brèves contribuent à mieux faire connaître un très beau pays dont les Calédoniens pourraient dire, comme Loti, écrivant sur Tahiti : « Nous marchions sous une voûte épaisse de feuillage ; des arbres séculaires dressaient autour de nous leurs troncs humides, verdâtres, polis comme d’énormes piliers de marbre ; les lianes s’enroulaient partout et les fougères arborescentes étendaient leurs larges parasols découpés comme de fines dentelles. »

A. DIESNIS.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 310