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La terre de bruyère

La terre de bruyère est formée par un mélange de parties à peu près égales de sable et d’humus ou terreau végétal, parmi lequel se trouvent, en quantité moindre, des débris de végétaux non encore décomposés. Le sable est quartzeux ou siliceux et l’humus consiste en une substance noire ou d’un brun marron et même fauve, résultant de la décomposition des végétaux. Cette terre se trouve ordinairement sur les sols élevés, sablonneux où croissent abondamment les bruyères, les lichens, des mousses et de petites herbes de nature sèche. Il est rare de trouver en France des terres de bruyère naturelles, ayant toutes les qualités requises ; on peut y suppléer en y ajoutant les substances qui leur manquent. Presque toujours on est obligé d’y adjoindre une certaine quantité de sable : le meilleur est le sable très fin provenant de carrière de grès. Bien souvent, les matières organiques non décomposées manquent ; on devra alors y ajouter une certaine quantité de terreau non obtenue par la fermentation.

La bonne terre de bruyère paraît être les débris plus ou moins consommés de petites plantes mêlées au sable sur lequel elles ont crû ; sa couleur est d’un gris noirâtre. Le sable qui s’y trouve mêlé est de la nature du grès ou du quartz. Ce sable forme les trois-quarts du volume de la terre ; on peut y trouver aussi un peu de carbonate de chaux, et le reste se compose d’un terreau plus ou moins complet formé de petites plantes.

Pour être bonne à l’horticulture, elle doit être légère, onctueuse, douce au toucher et ne noircissant pas les doigts, et contenir à peu près de 40 à 50 p. 100 de sable. Plus elle contient d’humus et de détritus non décomposés, plus elle est substantielle et de longue durée. La terre de bruyère, retirée des lieux bas et marécageux dont la couleur est noir foncé, salit les doigts et se pétrit comme de l’argile ; dans cet état, elle est impropre à l’horticulture, elle contient du tannin.

Quand la terre de bruyère se forme dans un enfoncement où les eaux peuvent séjourner, elle devient plus ou moins tourbeuse et n’a pas la bonne qualité de celle qui se forme en lieux secs. La bonne terre de bruyère peut devenir tourbeuse, quand des arrosements immodérés la tiennent dans une humidité stagnante.

Les tentatives faites pour remplacer la terre de bruyère par un mélange de terreau de feuilles et de sable, n’ont pas jusqu’ici donné les résultats qu’on en espérait. On a reconnu que le terreau de la terre de bruyère est différent du terreau de feuilles que l’on fabrique.

Le terreau de bruyère est moins avancé dans sa décomposition que le terreau de feuilles qu’on a voulu lui substituer ; ses substances contiennent aussi des principes différents, puisqu’elles proviennent de végétaux différents. D’ailleurs, les petites racines non consommées de la terre de bruyère mettent un temps considérable pour se réduire à l’état d’humus ; pendant ce temps, elles dégagent des principes qui forment des combinaisons favorables à la végétation, avantage que l’on ne trouve pas dans le terreau de feuilles. La terre de bruyère, passée au crible fin, reste moins longtemps fertile que celle qui n’a pas passé par le crible.

Quand on ne peut pas se procurer de terre de bruyère pour les azalées, on la remplace dans un jardin par un mélange de débris de feuilles de chêne et de châtaignier et de sable. On étend ces feuilles pour les pulvériser par un temps sec et froid, sur un sol bien battu, on les mouille et on les laisse sur place. Il faut opérer par la gelée ; quand les feuilles sont gelées, on les bat au fléau et elles se réduisent en poudre ; on mêle cette poudre avec du sable de grès pulvérisé. Pour les azalées de l’Inde, on met un quart de sable et trois quarts de feuilles. Pour les camélias, moitié sable et moitié feuilles. On emploie ce terreau de feuilles sèches, dès que la décomposition en est assez avancée pour que ses éléments aient à peu près perdu toute forme organique.

Beaucoup de jardiniers ramassent sous les bois, dans les endroits où les débris de végétaux se sont accumulés pendant de longues années, cette espèce de terre, où le sable entre souvent en assez forte proportion, mais où manquent presque complètement l’argile et la chaux, et ils s’en servent pour remplacer la terre de bruyère. On vend cette terre comme terre dite de bruyère.

Des horticulteurs rassemblent les feuilles sèches et les menus débris en tas ou dans des fossés bien drainés et les y laissent se décomposer pendant quelques années. Les feuilles de bois durs : hêtres, chênes, châtaigniers, sont les meilleures. Quand la décomposition est faite, ils s’en servent pour la culture en pots, ils l’emploient à peu près pure ou ils en font la base de mélanges avec d’autres terres.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°600 Juin 1940 Page 352