Par les camps, les excursions, les grands jeux (dont
certains durent plusieurs jours), la vie en pleine nature, le scoutisme
développe le goût de l’aventure, de la hardiesse. Son fondateur, Baden-Powell,
mena la vie rude et semée d’embûches de l’officier colonial. Certains de ses
adeptes, comme Lindbergh, Byrd, Gerbault, P. Coze, Charcot, Victor, Henri Lhote,
de Larigaudie, sont ou furent des explorateurs célèbres.
Leur exemple fascine un grand nombre de jeunes éclaireurs.
Pour permettre à ceux-ci de réaliser en partie leurs rêves, les chefs
proposent, dans le programme de l’examen de « première classe », une
épreuve « d’exploration ». En voici le texte pour les Éclaireurs de
France :
Parcourir en un, ou mieux deux jours, seul ou avec un
camarade, 20 kilomètres a pied. Recueillir en cours de route le maximum
d’observations et dresser un croquis sommaire de l’itinéraire suivi, en
indiquant lieux de campement utilisables, relief, nature du terrain, cultures,
bois, routes, voies ferrées, cours d’eau, localités traversées, observations
météorologiques, etc.
Au retour, établir un rapport écrit témoignant de
l’esprit d’observation de l’éclaireur. Indiquer avec précision sur la carte le
parcours suivi.
On voit que cet examen réclame une étude plus que
superficielle du chemin parcouru, et oblige le garçon à beaucoup réfléchir.
En outre, le scout de première classe qui possède le
« brevet de campeur », pourra essayer d’obtenir le « brevet
d’explorateur ». Sans doute celui-ci est-il susceptible d’éveiller
l’attention de nombreux jeunes lecteurs du Chasseur français :
1° Avoir fait un voyage d’exploration en campant toutes
les nuits sous la tente et en préparant sa nourriture entièrement par soi-même
(le pain excepté). La durée de ce voyage sera de quinze jours consécutifs, ou
de deux périodes de huit jours consécutifs. Il couvrira une distance minima de
150 kilomètres s’il est fait à pied ; de 400 ou de 150 kilomètres
respectivement s’il est effectué à bicyclette ou en bateau.
2° Produire un livre de route mis au net et bien
présenté, décrivant complètement et méthodiquement un de ces voyages, les
incidents du parcours, les événements les plus marquants, les expériences
intéressantes, les principaux sites observés, les lieux de campement à utiliser
plus tard, les commerçants recommandables, les prix demandés. Faire la
description aussi complète que possible de la région traversée, en indiquant le
caractère des habitations, les mœurs et les coutumes des habitants, les fêtes
locales, les richesses naturelles exploitées ou non, les industries,
l’agriculture, les spécialités gastronomiques, les moyens de communication, les
monuments historiques.
Ce livre sera illustré de dessins, aquarelles, photos,
cartes postales, concernant les plus beaux sites, les monuments les plus
remarquables, les curiosités les plus typiques, ainsi que des cartes des
localités ou contrées traversées. (Il sera tenu compte de la méthode de
classement et de la présentation.)
Il va sans dire que ce voyage est effectué avec toute la
prudence désirable, après accord avec le chef ou le commissaire.
Seul un éclaireur déjà entraîné peut l’accomplir. Mais on
aperçoit vite tout le profit qu’il peut en tirer :
Il met en pratique les connaissances acquises pendant deux
ou trois années de réunions, de sorties, de camps.
Il doit préparer minutieusement ses étapes sur la carte
d’état-major, et avec l’aide d’un guide touristique de la région. Il doit
s’équiper légèrement, mais veiller à emporter tout le nécessaire pour cuire ses
repas et coucher sous la tente. C’est, en miniature, la multitude des
préoccupations du véritable explorateur.
En cours de route, sa bonne humeur sera éprouvée par les
modifications subies par le terrain depuis l’établissement de la carte
d’état-major. Il lui faudra accomplir une randonnée longue, assez fatigante, en
gardant l’esprit assez clair pour questionner les paysans et les villageois,
prendre des croquis et des photos, identifier les cultures, les arbres, les
plantes, les roches, observer les oiseaux, les nuages, etc.
Point n’est besoin d’aller aux pôles pour
« découvrir » un pays, identifier tous les détails qui lui donnent
une personnalité, un caractère.
Des éclaireurs sauront regarder avec des yeux neufs une
région, même si elle est habitée, fréquentée, même si elle est archiconnue. Les
gens qui y vivent seraient bien étonnés en lisant le « livre de
route » de nos jeunes explorateurs.
Ils devraient reconnaître combien le scoutisme développe la
patience, la méthode, l’observation et la déduction.
On conçoit dès lors que des examens comme ceux-là puissent
fortifier chez des adolescents le désir de partir pour des contrées lointaines.
Non pas seulement en hommes d’action épris d’aventures et d’horizons
renouvelés, mais en véritables savants, à la fois prudents et audacieux,
capables d’apporter leur pierre à l’édifice scientifique.
Nous illustrerons cette opinion en parlant, dans nos
prochaines chroniques, de deux explorateurs scouts : P.-E. Victor et
Henri Lhote, déjà célèbres par leurs recherches au Groenland et au Sahara.
Fernand JOUBREL.
|