L’intestin, chez l’homme comme chez tous les êtres vivants,
renferme une flore et une faune considérable ; on y trouve des végétaux
inférieurs, comme des microbes, en nombre astronomique, des champignons ou des
moisissures, des animalcules microscopiques, sans parler des hôtes accidentels
de plus grandes dimensions, comme les vers, oxyures, ascaris, tænias, etc.
Sans parler des amibes de la dysenterie, qui méritent une
étude à part, on trouve, dans les déjections, un certain nombre d’êtres
microscopiques, décorés pour la plupart de noms avec lesquels ils feraient
mieux de coucher dehors, des protozoaires, comme le Giardia, le Trichomonas
intestinalis, le Chilomastix mesnili, appelé aussi Tetramitus,
des spirochètes, des infusoires, comme le Balantidium coli !
La plupart de ces hôtes, généralement indésirables, sont
connus depuis longtemps ; les giardia ont été déjà décrits à la fin
du XVIIe siècle et une étude très complète en a été faite, en 1860,
à Prague, par le professeur Lambl. Aussi donne-t-on volontiers à ce parasite le
nom de Lamblia.
Ce protozoaire, qui appartient à la classe des flagellés, vu
au microscope, a une apparence plutôt hideuse ; il a la forme d’une poire
qui, vue de profil, est creusée d’une fossette ; sa face ventrale possède quatre
paires de flagelles et laisse voir deux noyaux ; sa taille oscille entre
15 à 20 millièmes de millimètre de long sur 8 à 10 de large. Les kystes,
qu’on rencontre plus fréquemment dans les selles, sont ovoïdes, de 9 à 15 millièmes
de millimètre de long, sur 8 à 10 de large ; on y voit, à fort
grossissement, deux noyaux séparés par une cloison médiane.
Si les lamblia sont connus depuis longtemps, la lambliase
n’a guère été étudiée que depuis la guerre (l’autre, celle de 1914) ;
jusqu’alors on considérait ces parasites comme inoffensifs, dans nos climats du
moins. Il a fallu la découverte des kystes de lamblia dans certaines formes de
diarrhées rebelles pour qu’on attribuât à ces animalcules la persistance de ce
symptôme.
Dans sa forme la plus habituelle, la lambliase se manifeste,
en effet, par une diarrhée, plus ou moins intense, donnant lieu à un nombre de
selles pouvant varier de quatre à dix par jour, quelquefois davantage, sans
atteinte notable de l’état général, qui reste bon.
Parfois, souvent sous l’influence d’une médication, la
diarrhée est coupée de périodes de constipation, mais son principal caractère
est d’être extrêmement tenace, de reparaître alors qu’on la croyait jugulée. Il
s’agit bien d’une diarrhée vraie, c’est-à-dire d’émissions de matières fécales
liquides, et non, comme dans la dysenterie d’émissions muqueuses ou séreuses,
provenant du rectum ou de la partie inférieure du côlon, sans traces de
matières fécales.
On a cité des formes graves, avec dénutrition, pouvant aller
jusqu’à la cachexie et stimuler des infections sérieuses, voire la tuberculose
intestinale ; elles sont exceptionnelles dans nos pays.
Les signes accessoires sont des plus minimes et d’une grande
banalité ; on signale quelques douleurs à forme de coliques, du ballonnement
abdominal et quelques légers troubles hépatiques, lorsque, ce qui est fréquent,
le parasite se loge dans les voies biliaires.
Depuis qu’on a pris l’habitude de rechercher les kystes ou
les parasites dans les selles normales ou provoquées par purgation, on a vu que
la lambliase était plus fréquente qu’on ne le croyait, on peut l’estimer à 10
ou 12 p. 100 des cas de diarrhées, et cette recherche des parasites
s’impose aujourd’hui dans tous les cas de diarrhées persistantes.
L’infestation se fait le plus habituellement par l’eau de
boisson contaminée ; le début est souvent marqué par quelques troubles
hépatiques, avec douleurs dans la région du foie, puis la diarrhée, le symptôme
capital, s’installe quelquefois, mais rarement, sauf interventions thérapeutiques,
entrecoupée de périodes de selles normales. Cette diarrhée n’est pas
douloureuse, mais fort incommodante et obsédante ; elle se manifeste
principalement dans la matinée et n’oblige que rarement le malade à se lever la
nuit ; l’état général, comme il a été dit, reste généralement bon, les
formes accompagnées de fièvre ou de dénutrition étant exceptionnelles dans nos
climats ; les selles ne renferment pas de mucus ni de sang, elles sont
plus pâteuses que liquides, le transit digestif reste normal.
Comme complication, on a signalé des cholécystites ayant
nécessité l’ablation de la vésicule biliaire servant de réservoir aux
parasites, qui résistaient alors à toutes les médications.
Tous ces signes sont assez vagues et le diagnostic positif
ne peut être fait que par le microscope ; cette recherche des parasites
s’impose dans tous les cas de diarrhées persistantes et chroniques dont on n’a
pu autrement déceler la cause.
Cet examen permet aussi de découvrir les associations
parasitaires et particulièrement la présence d’amibes dysentériques, chose qui
n’est pas absolument rare. L’étude des résidus permet aussi de se rendre compte
de l’état des fonctions digestives, et, en constatant des débris indigérés ou
insuffisamment digérés, d’établir un régime convenable.
Reste la question du traitement, pour lequel on n’a pas
encore trouvé de médication réellement spécifique comme pour la dysenterie ou
le paludisme ; les substances habituellement employées contre les
parasites intestinaux : essence de térébenthine, santonine, thymol,
extrait de fougère mâle, etc., se sont montrées inefficaces ; l’émétine
n’a guère plus d’action.
Ce sont les arsenicaux qui se sont montrés jusqu’ici les
plus actifs, sous forme d’arsénobenzol ou de novarsénobenzol en injections
intraveineuses ; un composé d’arsenic et d’émétine aurait, par cette voie,
donné quelques beaux succès ; plus habituellement, on a recours à la voie
buccale et l’on utilise le stovarsol ou le tréparsol pendant quelques jours de
chaque semaine, et cela pendant un temps assez long ; mais ces médicaments
ne sont pas toujours bien tolérés et ne doivent être pris que sous surveillance
médicale ; plus délicate encore est l’administration de ces médicaments
par le moyen d’une sonde introduite dans le duodénum, car c’est dans cette
partie de l’intestin que vivent les parasites et d’où ils émettent les kystes
que l’on trouve dans tout l’intestin grêle et dans les côlons. Le carbonate de
bismuth, à assez forte dose, donne aussi quelques bons résultats ; on
l’emploie communément pendant les périodes intercalaires de médication
arsenicale (ce produit n’offre pas de dangers).
Parmi les médications accessoires, il faut mettre en
première ligne la limonade chlorhydrique, qui, en augmentant l’acidité de
l’estomac, agit défavorablement (pour les lamblia) dans le duodénum ;
quand on soupçonne une localisation dans les voies biliaires, on s’efforcera
d’en assurer le drainage par tubage duodénal ou par l’administration de
cholagogues, tels que le sulfate de soude ou de magnésie à petites doses
répétées ; le bleu de méthylène, les ferments lactiques sous forme de
yaourt ont aussi leurs indications.
THÉOPHRASTE.
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