Dès sa formation, le Gouvernement du Maréchal Pétain a
hautement et clairement dit en quelle considération il tenait l’agriculture, la
place qu’elle devait occuper dans le relèvement du pays et, avec elle, les
artisans ruraux dont les multiples professions rendent de si grands services et
s’intègrent si étroitement à la vie des agriculteurs. Et voilà pourquoi, depuis
un an, on parle tant chez nous de ce « retour à la terre». Mais tous les
citadins peuvent-ils devenir du jour au lendemain d’excellents ruraux ? Nous
ne le pensons pas.
Heureusement pour la terre de France, une possibilité
demeure : ce sont les jeunes, chez qui la déformation par le séjour à la
ville n’a pas été trop prolongée et qui peuvent trouver dans nos campagnes
l’utilisation immédiate d’un travail et d’une volonté que la pléthore de la
ville ne permet pas d’utiliser.
C’est à eux qu’on a pensé en promulguant la loi du 27 août
1940 sur « La formation professionnelle des jeunes par l’agriculture et
l’artisanat rural ».
Si, théoriquement, nul n’est censé ignorer la loi,
pratiquement il n’en est pas toujours ainsi et l’on a vu des textes législatifs
ignorés complètement de ceux qu’ils régissaient ; c’est pourquoi nous
voulons aujourd’hui rappeler ici les dispositions essentielles de cet important
texte législatif.
Dans chaque commune, il pourra êtes imposé aux exploitants
et artisans ruraux la formation d’apprentis français âgés de plus de quatorze
ans et provenant des centres urbains.
Les jeunes gens qui le désirent sont engagés pendant un an
chez l’agriculteur ou l’artisan, non pas comme ouvriers, mais comme élèves, et
tandis qu’ils s’initieront à leur futur métier par la pratique quotidienne, ils
suivront des cours périodiques dans des centres spécialement créés qui
compléteront leur instruction.
Quels sont les avantages retirés par les apprentis ?
Ils sont nombreux. En plus de l’apprentissage, ils trouvent
une vie de famille dans une exploitation où ils sont nourris, couchés et
blanchis ; ils toucheront un salaire à partir du sixième mois. L’employeur
verse une rémunération qui est déterminée par un organisme départemental, dit
Service de formation professionnelle, en fonction des services rendus par
l’apprenti. L’apprenti est assuré contre les risques de maladies et
d’accidents ; l’État participe à ses frais d’habillement s’il est peu
fortuné, enfin son voyage pour se rendre à l’exploitation est aux fiais de
l’État.
Pour assurer la surveillance générale, constater les progrès
de l’apprenti, l’encourager, lui éviter un dépaysement moral, une assistante
rurale visite périodiquement l’exploitation ; elle veille particulièrement
à l’observation des soins de propreté, d’hygiène.
Bien entendu, il n’est pas question de fournir aux familles
qui acceptent de recevoir de jeunes ouvriers une main-d’œuvre pour l’exécution
des travaux pénibles et sans intérêt. Le but est de former des agriculteurs
qualifiés ayant une connaissance complète de leur métier à l’expiration de leur
apprentissage. Le jeune apprenti ne doit être utilisé qu’aux seuls travaux
correspondant vraiment à la profession agricole.
Les agriculteurs ne sont autorisés à prendre des apprentis
que s’ils en sont dignes, ce dont s’assure une enquête préalable. De leur coté,
les apprentis passent une visite médicale avant de partir pour l’exploitation.
Dans leur demande, les apprentis précisent le département
dans lequel ils veulent travailler. Il est prévu pour les réfugiés du Nord et
de l’Est que le contrat sera résilié si la famille est autorisée à regagner la
zone interdite ; dans ce cas là, une prime sera due à l’agriculteur et
l’apprenti immédiatement remplacé.
La loi prévoit également la formation d’équipes de jeunesse
agricole. Les apprentis, au lieu d’être chez un patron, seront groupés ensemble
et mis à la disposition du Ministre de l’Agriculture qui leur donnera
l’outillage nécessaire.
Tout ce que nous avons dit jusqu’ici s’applique aux jeunes
agriculteurs, mais aussi aux artisans ruraux.
Qu’est-ce qu’un artisan rural ?
C’est celui qui est en mesure de réparer ou de construire
tous les objets : outils, matériel et machines dont l’agriculture a
besoin. Pour qui sait à quel degré de perfectionnement sont parvenus
aujourd’hui le matériel et les machines agricoles, il est aisé de comprendre
qu’il y a là une source de travail illimitée.
La loi prévoit deux engagements. L’un, signé par l’artisan
qui demande un apprenti, l’autre par la famille du jeune garçon qui demande une
place. Offres et demandes doivent être adressées au Directeur des Services
agricoles du département qui les fait parvenir aux services de la formation
professionnelle. Le jeune garçon est alors convoqué. Une visite médicale très
simple dont nous avons déjà parlé permet d’attester que le futur apprenti ne
présente aucune affection en cours d’activité. On peut dire que pratiquement
toutes les demandes reçoivent satisfaction.
La sollicitude gouvernementale ne pouvait, dans cette œuvre de
restauration paysanne, oublier le rôle immense que doit y tenir une femme. Pour
les jeunes filles, les méthodes suivies seront quelque peu différentes. Elles
ne pouvaient être, entre quatorze et vingt ans, admises dans des familles
étrangères. Pour elles, il a été prévu des centres d’apprentissage, où, sous la
conduite de monitrices spécialement formées (dans une école à Saint-Cyran,
Indre), elles sont initiées aux travaux de la ferme, du jardin et de la
basse-cour. Ce « dégrossissage » dure cinq mois. Dès le début du
sixième mois, elles sont envoyées « à la journée » dans les
exploitations voisines. Ces journées seront rémunérées. Chaque jour, elles
doivent revenir coucher au centre.
Telles sont les principales dispositions de la loi du 27 août
1940, c’est là une œuvre qui s’imposait dans notre pays où la désertion des
campagnes se fait cruellement sentir et que les circonstances actuelles rendent
particulièrement urgente.
Il importe que les agriculteurs, les artisans ruraux et les
jeunes citadins de plus de quatorze ans, en quête d’une situation, profitent
des dispositions de cette loi.
Jean LE GUIDE.
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