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Le ciel bombarde la terre

Tandis que les hommes utilisent les matériels aériens les plus modernes pour déverser sur leurs contemporains des tonnes de projectiles, une autre mitraille ne cesse de s’abattre sur notre planète ; nuit et jour, le ciel bombarde la terre, et n’allez pas croire qu’il s’agit de plomb de chasse ; le dernier en date de ces gros obus a « dévasté une étendue égale à deux départements français ».

130 tonnes percutent en Sibérie.

— Dans le courant de l’année 1908, un tremblement de terre faisant osciller les sismographes des stations d’Irkoutsk, en Sibérie, et une inexplicable « vague d’air », franchissant l’Europe, venait agir sur les microbarographes (baromètres enregistreurs très sensibles) des stations météorologiques anglaises. Des indigènes de ces régions presque désertiques racontèrent avoir vu tomber du ciel un astre flamboyant, qui avait disparu dans la direction de la Tougoundra pierreuse.

Près de vingt ans passèrent ; puis un explorateur nommé Koulik entreprit de découvrir le point où le corps céleste avait heurté la terre. Tout le long du chemin, il rencontra des arbres fauchés, renversés par le souffle du projectile, et il put se guider ainsi, en observant le sens dans lequel les troncs étaient couchés. Sur le lieu même de l’atterrissage, « il découvrit seulement de vastes cratères » remplis d’eau d’où émergeaient des quartiers de la météorite géante ... Géante modeste, à l’échelle astronomique, puisque sa masse fut évaluée à 130 tonnes, le poids d’une grosse locomotive ; mais cette locomotive-là, si elle fût tombée huit heures plus tard, percutait place de la Concorde : et c’en était fait de Paris, des destinées de la France.

La Meteor Crater Cy à l’œuvre.

— Or, ce n’est pas par centaines, mais par centaines de milliers, et même par millions de tonnes, qu’il faut évaluer le poids de tels dangereux projectiles qui menacent notre demeure.

Dans l’Adrar, on a découvert, à demi enfoncé dans le sable, un uranolithe géant long d’environ 100 mètres et dont la masse avoisine les 500.000 tonnes. Un tel projectile abordant obliquement la surface terrestre, est capable d’altérer d’une petite quantité la durée de la rotation diurne.

Mais le record appartient — un de plus ! — aux Américains, avec la fameuse météorite de l’Arizona. La chute de cet uranolithe gigantesque n’est sans doute pas très ancienne, car les Peaux-Rouges ont conservé la tradition d’une « montagne volante » chue jadis en ces régions. Le sol a été creusé en un cratère de 1.200 mètres de diamètre, entouré par un bourrelet, formé par la terre rejetée à l’extérieur et dominant la campagne de 40 mètres.

On évalue à un million de tonnes, le poids de la météorite qui, à vrai dire, a complètement disparu au centre du cratère, mais non sans semer dans les environs de nombreux échantillons fort alléchants : on trouve dans ces fragments du fer pur, du platine, de l’iridium et même des diamants ! Les Américains, gens pratiques, ont formé une société au nom « julevernesque », la Meteor Crater Company, pour l’exploitation du fabuleux trésor céleste.

Aux dernières nouvelles, la Meteor Crater avait édifié des bâtiments dans l’immense « cirque lunaire » ; un puits a été creusé verticalement, d’où l’on espère atteindre la météorite par un tunnel horizontal, sans avoir à creuser verticalement dans les terrains bouleversés par le projectile.

Les comètes sont dangereuses.

— Mais ce n’est pas seulement à de misérables « cailloux » de 1 million de tonnes que se trouve exposée notre planète dans sa course vagabonde. D’autres astres, les comètes et surtout les périlleuses planètes excentriques nous menacent d’une collision catastrophique.

On sait que notre très classique système solaire se compose de neuf planètes — en attendant qu’on en découvre d’autres !

— qui sont, en partant du soleil : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton. Ces planètes sont des astres froids, qui ne sont visibles que grâce à l’éclairement des rayons solaires.

Ces « grosses planètes » tournent à peu près en cercles concentriques autour du soleil, en sorte que, pour notre terre, aucune collision n’est à craindre. Leurs satellites, autrement dit leurs « lunes » personnelles, tournent d’autre part si près de la planète à laquelle ils appartiennent qu’ils n’offrent non plus aucun danger pour les voisins.

Les comètes sont plus coriaces. Ces astres chevelus comportent une longue queue extrêmement ténue que la pression de radiation de la lumière solaire rejette en direction opposée

— la queue des comètes ne « traîne » pas comme une écharpe — une chevelure opulente et, au, centre de cette chevelure, un noyau.

La queue est sans danger ; nous avons traversé à plusieurs reprises la queue de grandes comètes sans nous en porter plus mal : l’atmosphère terrestre les défonce aussi brutalement, grâce à leur densité dérisoire, qu’un boulet de canon rencontrant une toile d’araignée.

La chevelure, formée de gaz échappés du noyau sous l’action de la chaleur solaire, est également peu redoutable, mais il n’en est pas de même du noyau. M. Baldet, directeur de l’Observatoire de Meudon, a eu l’idée de chauffer dans un tube des fragments de météorites et d’analyser la lumière produite par ces fragments incandescents au moyen d’un spectrographe à prisme. Il a trouvé un « spectre » très analogue à celui des comètes, obtenu en plaçant le spectrographe derrière un télescope braqué sur l’astre. Ceci atteste, conformément aux lois de l’analyse spectrale, que le noyau desdites comètes est un solide dur, lourd et passablement désagréable à recevoir sur le crâne !

Or, n’oublions pas que l’orbite, autrement dit le chemin des comètes, n’est pas circulaire ; c’est une longue ellipse ovale qui recoupe les orbites circulaires des planètes sans passages à niveau ! Dans notre paisible vélodrome, un motocycliste fou s’élance, et, s’il ne massacre personne, c’est qu’il y a, heureusement, « de la place à côté » !

Collision sans priorité.

— Il existait autrefois, entre Mars et Jupiter, une grosse planète à laquelle est arrivée une pénible aventure : elle s’est fracassée en morceaux, en centaines de morceaux que les astronomes appellent les « petites planètes ».

La plupart de ces petites planètes continuent bien sagement leur course sur l’orbite de leur feue mère mais quelques-unes, projetées sans doute par le contre-coup de la catastrophe, sont parties suivant des orbites allongées, comme les comètes. Et ces « motocyclistes-là » sont des voisins de route de taille respectable. Adonis est une sorte de zeppelin de 400 mètres environ de longueur, un simple quartier de roc lancé dans l’espace, guère plus gros que Normandie, mais pesant dans les 75 millions de tonnes ; Hermès est une boule rocheuse de 2 à 3 kilomètres de diamètre, mais filant à près de 30 kilomètres par seconde ... C’est aussi la vitesse de la terre sur son orbite annuelle : 30 kilomètres par seconde chacun, pour une prise en écharpe sans pare-chocs, c’est du sport en perspective : de quoi faucher de la surface de la terre toute trace d’humanité.

Déjà, en 1937, Hermès a passé relativement très près de notre planète ; nous l’avons croisée de nouveau, à distance plus prudente ... Mais pourquoi parler de prudence ? Le destin décide sans nous consulter ; et nos ancêtres gaulois n’étaient pas si bêtes quand ils redoutaient de voir le ciel leur choir sur la tête en débris !

Pierre DEVAUX.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 506