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Grande culture

Pour la terre en novembre.

Les jours ont déjà diminué, les semailles d’automne sont achevées dans les régions froides ; on se hâte ailleurs, des racines ne sont pas encore parties des champs et les blés attendent le moment d’être confiés au sol. Et après ?

Après, c’est bien simple, il faut penser au feuillet prochain, aux semailles de printemps, pour lesquelles un gros effort sera encore nécessaire. Qu’il s’agisse d’ensemencer des céréales, de semer des betteraves, des plantes fourragères, de planter des pommes de terre, l’effort doit avoir lieu dans le même sens : commencer la préparation de toutes ces terres, de ces millions d’hectares dont dépendra notre nourriture pour l’hiver 1942-1943, dont dépendront les productions de nos animaux.

La préparation des terres s’impose de bonne heure, il faut essayer de gagner des journées pour mieux se dégager au cours du printemps, mettre le temps avec soi pour que la mise au point soit plus facile lorsqu’il sera nécessaire d’aller vite au moment des semailles.

Quelles que soient les plantes dont on envisage la culture, que l’on veuille confier au sol un grain d’avoine ou d’orge, un plant de pomme de terre ou un glomérule de betteraves, il s’agit de placer ces semences dans une terre bien ameublie afin qu’un contact étroit puisse s’établir entre l’organe de multiplication et la terre. Ainsi sera assurée la circulation d’eau qui doit permettre la germination, s’allongeront plus aisément les premières racines émises par la graine ou par le plant.

L’ameublissement d’une terre est la conséquence de façons culturales variées qui ont le labour à l’origine. Labourer une terre, c’est la retourner pour l’exposer à l’action des agents atmosphériques, pour l’aérer, pour lui permettre d’emmagasiner de l’eau. En même temps, on enfouit les débris végétaux qui encombrent la surface, on enterre les plantes adventices que les façons de déchaumage ont fait développer, on incorpore aussi au sol du fumier si la future récolte vient en tête de rotation. Objets multiples, mais il y a toujours, comme résultat apparent, la production de la terre.

Le sort des mottes que la charrue retourne est variable ; l’époque du labour et la nature de la terre vont jouer leur rôle. Une terre sableuse, à éléments plus ou moins grossiers, se divise, quelle que soit l’époque du labour ; un peu de cohésion subsiste si le sable est enrichi en matière organique qui donne du liant ; l’eau a le même effet ; sans humus et sans eau, c’est la poussière. Tout autre est la terre forte, argileuse, argilo-calcaire ou même argilo-siliceuse. Ici, la motte est compacte, ses contours variant un peu, une tendance à une sorte d’arrachement avec des blocs très anguleux si la terre est sèche, situation en été et lorsqu’on laboure une terre gelée ; des mottes lissées, allongées si l’humidité est grande, si une sorte de pétrissage a lieu par suite du passage des attelages et des machines.

Toutes ces mottes ont besoin de subir une réduction sensible pour être amenées à l’état de terre utile et façonnée pour la semence. Les moyens sont de deux sortes : les agents naturels, les procédés mécaniques. Les agents naturels sont représentés par les gelées, par les pluies. La gelée amène la dislocation des mottes par suite de la congélation de l’eau existant entre les particules ; une série de gelées réduit la partie superficielle en une terre meuble, les gelées prolongées agissent en profondeur et, sauf dans le cas de labours très profonds, les mottes s’évanouissent lorsque l’hiver est réellement froid.

La pluie intervient moins brutalement, mais elle agit profondément et l’on s’aperçoit nettement de cette action des pluies dans les sols à éléments fins, la surface du sol se nivelle, paraît fermée ; la situation est toujours mauvaise lorsqu’il s’agit de terres ensemencées ; on remédie à cet inconvénient en terres à préparer par une exécution plus tardive des labours.

Ainsi, quand la mauvaise saison est terminée, la reprise des terres par des façons diverses aboutit rapidement à un bon résultat et sans grand déploiement de machines de toute sorte. C’est justement quand le labour est fait tardivement que les actions naturelles sont d’un effet insuffisant ; il faut alors employer les herses, scarificateurs, pulvérisateurs, rouleaux plombeurs ou brise-mottes, en un mot, des engins variés qui demandent une traction assez forte, entraînent à des frais importants, le résultat n’étant pas toujours parfait.

Il faut noter, en outre, que, si une exploitation importante justifie la possession d’instruments de culture répondant à une gamme nuancée, la chose est impossible en petite culture, alors la terre risque d’être mal préparée. La conclusion fort nette, on l’a devinée : dès que possible, mettre les charrues au travail, ne pas perdre une minute, parce que les jours de chômage arriveront rapidement. Il ne faut pas vouloir étaler les labours sur toute la saison d’hiver sous prétexte d’occuper les animaux de trait et leurs conducteurs, que ceux-ci en soient les propriétaires ou non. Si les labours sont terminés, on s’ingéniera à faire autre chose ; il reste tant d’améliorations à réaliser dans les fermes que l’on ne sera pas embarrassé.

Tout labour fait de bonne heure permet de réaliser des économies de travail au printemps et assure en toute sécurité des excédents de rendement.

L. BRÉTIGNIÈRE,

Ingénieur agricole, Professeur à Grignon.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 544