Les jours ont déjà diminué, les semailles d’automne sont
achevées dans les régions froides ; on se hâte ailleurs, des racines ne
sont pas encore parties des champs et les blés attendent le moment d’être
confiés au sol. Et après ?
Après, c’est bien simple, il faut penser au feuillet
prochain, aux semailles de printemps, pour lesquelles un gros effort sera
encore nécessaire. Qu’il s’agisse d’ensemencer des céréales, de semer des
betteraves, des plantes fourragères, de planter des pommes de terre, l’effort
doit avoir lieu dans le même sens : commencer la préparation de toutes ces
terres, de ces millions d’hectares dont dépendra notre nourriture pour l’hiver
1942-1943, dont dépendront les productions de nos animaux.
La préparation des terres s’impose de bonne heure, il faut
essayer de gagner des journées pour mieux se dégager au cours du printemps,
mettre le temps avec soi pour que la mise au point soit plus facile lorsqu’il
sera nécessaire d’aller vite au moment des semailles.
Quelles que soient les plantes dont on envisage la culture,
que l’on veuille confier au sol un grain d’avoine ou d’orge, un plant de pomme
de terre ou un glomérule de betteraves, il s’agit de placer ces semences dans
une terre bien ameublie afin qu’un contact étroit puisse s’établir entre
l’organe de multiplication et la terre. Ainsi sera assurée la circulation d’eau
qui doit permettre la germination, s’allongeront plus aisément les premières
racines émises par la graine ou par le plant.
L’ameublissement d’une terre est la conséquence de façons
culturales variées qui ont le labour à l’origine. Labourer une terre, c’est la
retourner pour l’exposer à l’action des agents atmosphériques, pour l’aérer,
pour lui permettre d’emmagasiner de l’eau. En même temps, on enfouit les débris
végétaux qui encombrent la surface, on enterre les plantes adventices que les
façons de déchaumage ont fait développer, on incorpore aussi au sol du fumier
si la future récolte vient en tête de rotation. Objets multiples, mais il y a
toujours, comme résultat apparent, la production de la terre.
Le sort des mottes que la charrue retourne est
variable ; l’époque du labour et la nature de la terre vont jouer leur
rôle. Une terre sableuse, à éléments plus ou moins grossiers, se divise, quelle
que soit l’époque du labour ; un peu de cohésion subsiste si le sable est
enrichi en matière organique qui donne du liant ; l’eau a le même
effet ; sans humus et sans eau, c’est la poussière. Tout autre est la
terre forte, argileuse, argilo-calcaire ou même argilo-siliceuse. Ici, la motte
est compacte, ses contours variant un peu, une tendance à une sorte
d’arrachement avec des blocs très anguleux si la terre est sèche, situation en
été et lorsqu’on laboure une terre gelée ; des mottes lissées, allongées
si l’humidité est grande, si une sorte de pétrissage a lieu par suite du
passage des attelages et des machines.
Toutes ces mottes ont besoin de subir une réduction sensible
pour être amenées à l’état de terre utile et façonnée pour la semence. Les
moyens sont de deux sortes : les agents naturels, les procédés mécaniques.
Les agents naturels sont représentés par les gelées, par les pluies. La gelée
amène la dislocation des mottes par suite de la congélation de l’eau existant
entre les particules ; une série de gelées réduit la partie superficielle
en une terre meuble, les gelées prolongées agissent en profondeur et, sauf dans
le cas de labours très profonds, les mottes s’évanouissent lorsque l’hiver est
réellement froid.
La pluie intervient moins brutalement, mais elle agit
profondément et l’on s’aperçoit nettement de cette action des pluies dans les
sols à éléments fins, la surface du sol se nivelle, paraît fermée ; la
situation est toujours mauvaise lorsqu’il s’agit de terres ensemencées ;
on remédie à cet inconvénient en terres à préparer par une exécution plus
tardive des labours.
Ainsi, quand la mauvaise saison est terminée, la reprise des
terres par des façons diverses aboutit rapidement à un bon résultat et sans
grand déploiement de machines de toute sorte. C’est justement quand le labour
est fait tardivement que les actions naturelles sont d’un effet
insuffisant ; il faut alors employer les herses, scarificateurs,
pulvérisateurs, rouleaux plombeurs ou brise-mottes, en un mot, des engins
variés qui demandent une traction assez forte, entraînent à des frais
importants, le résultat n’étant pas toujours parfait.
Il faut noter, en outre, que, si une exploitation importante
justifie la possession d’instruments de culture répondant à une gamme nuancée,
la chose est impossible en petite culture, alors la terre risque d’être mal
préparée. La conclusion fort nette, on l’a devinée : dès que possible,
mettre les charrues au travail, ne pas perdre une minute, parce que les jours
de chômage arriveront rapidement. Il ne faut pas vouloir étaler les labours sur
toute la saison d’hiver sous prétexte d’occuper les animaux de trait et leurs
conducteurs, que ceux-ci en soient les propriétaires ou non. Si les labours
sont terminés, on s’ingéniera à faire autre chose ; il reste tant d’améliorations
à réaliser dans les fermes que l’on ne sera pas embarrassé.
Tout labour fait de bonne heure permet de réaliser des
économies de travail au printemps et assure en toute sécurité des excédents de
rendement.
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole, Professeur à Grignon.
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