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La radio

La qualité de l’audition et les ébénisteries.

La difficulté de trouver aisément des pièces détachées de T. S. F. dans les conditions actuelles et le prix de plus en plus élevé des appareils réalisés industriellement doivent inciter l’auditeur de T. S. F. à la patience, et l’inviter à se contenter bien souvent d’une audition de qualité moins satisfaisante qu’en temps normal. Bien souvent, à peu de frais et en utilisant des dispositifs similaires que l’on peut presque « trouver sous la main », suivant l’expression vulgaire, il est partout possible d’améliorer la qualité de l’audition.

En premier lieu, parmi les facteurs qui déterminent d’une façon essentielle la « musicalité », il faut placer l’ébénisterie ou plutôt le boîtier du poste.

Trop d’auditeurs ne considèrent que l’aspect extérieur de cette ébénisterie, la qualité du vernis et le poli des ornements, chromés ou dorés ; cette parure extérieure a un intérêt esthétique, mais, dans les temps de restrictions où nous vivons, cet intérêt est faible. Il y a de très belles ébénisteries qui abritent des montages très défectueux, et ne permettent qu’une audition de qualité inférieure ; ce qu’il faut considérer, c’est le rôle réel de l’ébénisterie sur la réception, et on l’oublie trop souvent.

Le boîtier sert à protéger les organes du récepteur contre les agents atmosphériques, la poussière et les chocs mécaniques ; mais, surtout, il doit permettre d’augmenter la qualité du l’audition radiophonique, grâce à ses caractéristiques bien déterminées, en rapport avec le type de haut-parleur choisi.

Il n’y a plus guère d’analogie entre les premiers récepteurs de T. S. F. et les appareils modernes. Les postes actuels renferment tous, dans un ensemble complet, de volume relativement réduit, les organes du poste monté sur châssis, les boutons et cadrans de commande, et un haut-parleur, généralement électro-dynamique, encastré dans une paroi. Nous disons d’ailleurs « ébénisterie », mais il va sans dire que le boîtier peut être aussi bien en matière moulée qu’en bois, et de nombreux constructeurs ont adopté cette construction.

Les ébénisteries, au début, ne comportaient que quatre côtés ; le boîtier actuel normal comporte cinq côtés. Pour des raisons acoustiques, le panneau arrière est supprimé, ou, tout au moins, ajouré ; c’est seulement dans des ébénisteries particulières que ce panneau est plein, mais cette particularité très rare est alors accompagnée de détails de construction spéciaux.

C’est une erreur, en général, d’exiger qu’un appareil très puissant et capable de produire un grand volume de son soit renfermé dans une ébénisterie de dimensions très réduites. Pour des raisons acoustiques, il devient alors impossible de reproduire les notes musicales graves. Sans doute, dirons-nous, nous disposons généralement sur les appareils perfectionnés de correcteurs de tonalité permettant de donner à l’audition, à volonté, une tonalité agréable, plus ou moins grave ou aiguë, au gré de l’auditeur, mais ce n’est qu’une illusion.

Ces dispositifs fonctionnent généralement en donnant à l’audition une tonalité grave non parce qu’ils amplifient mieux les notes graves, mais uniquement parce qu’ils suppriment les notes aiguës. L’audition prend ainsi une résonance grave apparente, mais complètement artificielle, qui ne présente aucun caractère de vérité musicale, et devient insupportable pour tous ceux qui ont l’oreille un peu sensible.

Mais, à quoi est dû cet effet acoustique, qui doit être précisé avec soin dans le cas qui nous intéresse ? Il s’agit d’assurer une bonne reproduction de la gamme musicale, soit dans les notes graves, soit dans les notes aiguës.

Notre haut-parleur possède un cône vibrant appelé diffuseur, qui a pour but de mettre en mouvement les masses d’air voisines, de façon à engendrer des vibrations sonores qui donnent naissance au son. Ce cône vibrant se meut suivant l’axe du haut-parleur, d’abord en avant, puis en arrière, et les déplacements sont d’autant plus rapides que le son à produire a une fréquence plus grande, c’est-à-dire est plus aigu. Dans un premier mouvement, le cône comprime l’air qui se trouve devant lui, et raréfie, au contraire, celui qui se trouve en arrière, par une sorte d’effet de succion. Le même phénomène se manifeste en sens inverse, lorsque le cône se déplace dans l’autre sens.

Si l’on utilisait un haut-parleur séparé, sans ébénisterie quelconque, il se produirait une augmentation de pression de l’air en avant, et une diminution en arrière, et, en principe, un équilibre qui atténuerait l’intensité des sons produits. Le phénomène est surtout sensible pour les sons graves correspondant aux fréquences basses ou très basses, et, par suite, aux déplacements assez amples, mais lents, du cône.

Si l’on utilise une ébénisterie de petites dimensions, le même inconvénient peut se produire. Pendant l’intervalle qui sépare deux oscillations lentes du cône, l’onde sonore parcourt un trajet assez long, et l’onde arrière peut facilement venir équilibrer l’onde avant, en supprimant tout effet acoustique. L’ébénisterie joue ainsi un rôle essentiellement séparateur entre la face avant et la face arrière du cône du haut-parleur ; elle doit supprimer l’influence de l’onde sonore produite par la face arrière sur l’onde sonore produite par la face avant. Ce rôle séparateur est joué non seulement par la surface antérieure, mais par les parois latérales.

Pour que ce rôle soit possible, il est indispensable que les dimensions de l’ébénisterie soient minima, et correspondent à une limite inférieure précise, en rapport avec la tonalité des sons à reproduire. Ainsi, pour reproduire des sons très graves, il faudrait théoriquement une ébénisterie de 1 mètre de côté, au total évidemment, et en faisant intervenir les parois latérales.

Mais ces dimensions théoriques ne correspondent pas à la pratique ; il suffit que l’atténuation déterminée soit faible pour les sons graves. Une ébénisterie bien construite, de 50 centimètres de long, donne ainsi normalement, dans les appareils d’amateurs, une audition de qualité suffisante, si l’on se contente d’un volume sonore normal, et, en effet, le problème de la qualité sonore est d’autant plus difficile à résoudre que l’on veut obtenir une plus grande intensité d’audition.

Un autre inconvénient, moins grave, peut encore être présenté par l’ébénisterie. La paroi arrière peut ne pas laisser suffisamment passage au mouvement d’air, ou onde de dépression, produit par les déplacements de la face arrière du cône. Il se produit alors des effets de résonance qu’on appelle des sons de tonneau, et qui déforment l’audition, en produisant des sons caverneux. Le cône du haut-parleur lui-même, tout le système mobile et même les parois d’ébénisterie peuvent entrer en vibration et augmenter l’importance de cet effet désagréable qui supprime le charme de l’audition.

Des inconvénients plus sérieux qu’on le ne pense parfois peuvent ainsi être dus à l’utilisation de parois trop minces des boîtiers, et, tout spécialement, du panneau sur lequel est monté le haut-parleur ; en renforçant ce panneau, on supprimerait bien souvent des défauts dont la cause paraît mystérieuse aux profanes.

Il faut également, pour éviter les sons de tonneau, ouvrir complètement l’arrière de l’ébénisterie, et, s’il est possible, supprimer tout à fait le panneau arrière. Pour la protection contre la poussière, il n’est nullement besoin d’une paroi pleine, et un rideau de mousseline suffit.

De ce que nous venons de dire, nous déduirons également que l’augmentation de la surface du boîtier n’est jamais nuisible, bien au contraire ; plus le boîtier est encombrant, plus il peut être efficace au point de vue acoustique et musical. Bien entendu, cette augmentation des dimensions présente d’autres inconvénients pratiques et esthétiques. Les auditeurs de T. S. F. français n’ont jamais beaucoup estimé les postes-meubles, sans doute aussi parce que les dimensions de leurs appartements ne s’y prêtaient guère, et le modèle le plus classique est le boîtier en longueur, dans lequel le haut-parleur est placé à la même hauteur que le châssis.

Ce système est élégant, et se place facilement sur une table ou sur une commode ; il ne présente aucun avantage acoustique, mais l’usager a toujours intérêt à augmenter les dimensions, jusqu’aux limites permises par l’emplacement disponible, même si le châssis du récepteur est relativement réduit. Il n’y a donc aucune raison pour ne pas adopter une ébénisterie de dimensions intérieures plus grandes que ne le comporteraient ce châssis et le haut-parleur.

Il y a encore un autre avantage mécanique à cette disposition, et même électrique, ou radio-électrique. Comme l’emplacement intérieur est large, il devient possible d’écarter les différents organes les uns des autres, et, en particulier, de séparer les organes d’alimentation et le haut-parleur.

La pénurie actuelle des pièces détachées, les difficultés de construction de toutes sortes ne doivent pas amener à abandonner toute recherche de l’augmentation de la musicalité par une disposition convenable de l’ébénisterie et du haut-parleur. Il est toujours possible, en effet, de modifier la position du haut-parleur dans l’ébénisterie, et même de faire varier les dimensions du boîtier, la forme de ce dernier, ou l’adaptation du haut-parleur à l’intérieur des parois.

La disposition du haut-parleur horizontalement sur le dessus du boîtier ne doit pas être négligée, on augmente ainsi l’ampleur de l’audition, on obtient un effet de relief sonore et on réduit l’encombrement pour un effet acoustique identique.

Une modification simple, également, consiste à disposer le haut-parleur non directement sur la paroi antérieure de l’ébénisterie, mais sur un système adaptateur constituant une sorte de chambre acoustique. Ce dispositif peut être formé simplement à l’aide de deux parois latérales en équerre et d’une paroi arrière, sur laquelle est fixé le diffuseur du haut-parleur, au lieu d’être monté directement sur l’ébénisterie du poste.

Que faire si l’on a un poste enfermé dans une ébénisterie réduite, dont la qualité acoustique est défectueuse ? On peut, sans doute, démonter le châssis et le haut-parleur, et les replacer dans une autre ébénisterie étudiée plus rationnellement ; mais, si l’on tient à l’esthétique, on peut aussi, tout simplement, laisser le châssis dans son boitier, et placer le haut-parleur dans une ébénisterie de grande surface, mais de construction rudimentaire, qu’on peut placer dans un coin de la pièce, à une certaine distance de l’auditeur.

S’il s’agit, comme c’est le cas le plus général, d’un récepteur moderne, à haut-parleur électro-dynamique à aimant permanent, l’éloignement de ce haut-parleur ne présente pas de difficultés techniques. D’ailleurs, il est toujours possible, en principe, de laisser en service le haut-parleur du poste, et d’adapter sur l’appareil un haut-parleur additionnel. La solution est seulement difficile en pratique, à l’heure actuelle, parce que les hauts-parleurs, comme toutes les pièces détachées, sont rares aussi.

Pour obtenir un bon résultat, il n’est nullement indispensable pourtant d’avoir recours à un haut-parleur du dernier modèle, un appareil d’occasion, monté dans une ébénisterie convenable, de diamètre suffisant, assure souvent des résultats bien supérieurs à ceux obtenus avec le haut-parleur normal du poste, très moderne sans doute, mais placé dans une ébénisterie défectueuse, et muni d’un diffuseur trop réduit.

Les Américains nous ont annoncé, depuis quelque temps, des nouveautés sensationnelles, destinées à améliorer encore la qualité de la réception : postes-meubles avec parois intérieures en chicane, caisse de résonance à ouverture antérieure destinée au renforcement des notes graves, haut-parleur combiné pour notes aiguës et graves, etc. ... Il faudra, sans doute, encore attendre plus ou moins longtemps pour songer à de telles innovations, mais, dès à présent, il est ainsi possible à peu de frais, et avec des moyens simples, d’améliorer la qualité musicale à condition que l’on se donne la peine d’étudier convenablement le problème.

A. RONGÈRE,

Technicien Radio.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 558