Jamais la mode n’a été aussi profondément personnelle et
variée qu’en ce moment ; il n’est pas question d’uniformité, moins encore
de ligne unique ; tout se fait, tout se porte, tout peut être élégant, à
condition que ce « tout » soit parfaitement adapté à celle qui le
porte et aux circonstances pour lesquelles il est voulu.
Examinons aujourd’hui la bonne tenue d’après-midi chic et
pratique qui peut être portée pour les courses en ville, pour une visite, une
réunion de fin d’après-midi.
|
|
|
|
|
Lucien LELONG : Robe d’après-midi en crêpe de laine
noir, la jupe est froncée devant en droit fil, sur un empiècement répétant le
mouvement d’empiècement du corsage fermé par de gros boutons d’or.
|
|
JANNE et JOSÉE : Manteau de gros lainage grège simulant
un boléro : joli mouvement de poches, partant de la ceinture. Toque de
Germaine BOUCHÉ en renard noir et feutre grège, col et manchon de renard.
|
|
Hélène DEVINOY : Paletot fait de bandes d’opossum
naturel posé sur un fond de drap ou de soierie du ton. Le capuchon de tissu
bordé d’une bande de fourrure, porté rabattu, devient un col confortable et
chaud.
|
Deux formules sont également excellentes : la robe
claire dans le manteau foncé ou la robe foncée dans le manteau clair ; nous
avons parlé le mois dernier de la tenue matinale sportive ; il est bien
entendu qu’il est question ici de la tenue de bonne élégance, sinon habillée.
Ne vous étonnez pas du qualificatif « clair » employé plus haut pour
le manteau, il ne s’agit plus des teintes tendres des tissus légers comme ceux
qui réjouissent en été nos regards, mais de bonne nuances beiges, grèges,
grises, rouille, bleu gris, rouge-étrusque, qui sont parfaitement pratiques et
fort peu salissantes, quoi que vous en pensiez, mes chères lectrices ; de
même qu’il s’agit de tissus chauds et confortables : tweeds, velours de
laine unis ou chinés, grosses cheviottes, tous épais lainages souvent mélangés,
à cause des restrictions que nous subissons, à des trames de rayonne, à des
bourres de soie qui ne leur enlèvent d’ailleurs ni moelleux, ni joliesse.
Évidemment, le manteau noir est toujours parfait, toujours
d’une élégance sûre et facile, mais l’autre, surtout si vous vous décidez en le
choisissant pour un beige ou un gris, s’adaptera plus harmonieusement à toutes
vos robes. Un manteau beige ou gris sera joli sur une robe assortie, mais
également sur une robe noire, marine, verte ou grenat. Ce bon manteau sera
ouatiné, peut-être garni d’un col et de revers de fourrures, à moins que vous
ne le préfériez tout net cravaté de fourrures rares ou de renard. Si vous
pouvez ajouter un manchon assorti, faites-le, les hivers sont rigoureux depuis
quelques années et suivis de leur pénible cortège d’engelures et de crevasses,
le manchon vous évitera bien des maux, et puis il est si joliment féminin !
On va faire également beaucoup de toques de fourrures, c’est
infiniment seyant, nous en reparlerons d’ailleurs : toques, cravates,
manchons vous permettront d’utiliser d’autres garnitures : des écharpes,
des renards usagés, les uns et les autres pouvant être mélangés de tissu.
Les fourreurs parisiens, afin de les rendre plus légers et
moins coûteux, mélangent également tissu et pelage dans les manteaux longs ou
trois quarts ; c’est encore une façon heureuse d’utiliser les belles
parties d’un vieux manteau et une façon tellement « mode » qu’elle ne
fait nullement raccommodage. La combinaison peut être faite avec des renards
retravaillés en bandes avec de l’opossum naturel, du guanaco, fourrures à poils
longs et mi-longs, aussi bien qu’avec de l’astrakan, de la loutre, de l’agneau
des Indes, voire du chat, du lapin paysan ou angora, peaux que nos fourreurs
travaillent aujourd’hui d’une façon inouïe et lustrent admirablement ;
j’ai vu de vulgaires lapins paysans qui imitaient le chinchilla à s’y méprendre
et, qui eux, au moins dans leur rusticité, ne jaunissaient pas !
Le manteau d’après-midi reste, en général, un dérivé de la
redingote, sa jupe varie de ligne et d’ampleur, mais son corsage reste mince,
bien collant, fermé haut, ses épaules carrées bien épaulées ; souvent, il
est froncé derrière, à la taille, sous une ceinture, une martingale ou sous les
poches devant. Celles-ci gardent une réelle importance et font parfois partie
de la coupe même du manteau.
La petite robe de crêpe de laine ou de crêpe mousse, la bonne
petite robe que nous mettons toujours avec tant de plaisir, aura elle aussi un
buste mince et ajusté, mais que de variétés dans les jupes : elles seront
en forme légère ou à plis ronds avec l’ampleur massée de chaque côté du devant,
elles seront surtout froncées dans le droit fil à partir d’un empiècement plus
ou moins accusé qui laissera aux hanches, sous la ceinture bien ajustée, sous
la taille de guêpe, toute leur minceur galbés, comme le veut la mode actuelle.
Nos petites robes resteront en général à col montant ; pourtant, certaines
d’entre elles, plus habillées que les autres, nous offriront un décolleté en
pointe aiguë. Les tailles basses sont très nouvelles et auront sans doute la
grande vogue demain : imaginez une robe princesse bien ajustée, collante
jusqu’au-dessous des hanches, d’où partirait, en guise de jupe, un haut volant
froncé en droit fil ; c’est aussi seyant à une femme très mince qu’à une
femme rondelette, à condition pourtant que cette femme soit suffisamment grande
et proportionnés pour que cette ligne ne coupe pas sa silhouette.
G.-P. de ROUVILLE.
|