S’il est peu de chiens qui restent indemnes de la Maladie
du jeune âge, il en est de même des jeunes chevaux en ce qui concerne la
gourme. Tout poulain est pour ainsi dire condamné à « jeter ses
gourmes ». La maladie peut même récidiver, mais les atteintes ultérieures
sont généralement bénignes.
Tous les éleveurs savent que la gourme est une maladie
infectieuse propre aux Solipèdes, très contagieuse, qui se traduit par une
inflammation de la muqueuse des premières voies respiratoires, avec tendance à
la formation d’abcès multiples à la gorge, au sein des tissus ou des organes
les plus divers, et pouvant entraîner les complications redoutables de
septicémie.
Le caractère contagieux de la gourme a été relevé depuis
longtemps, même par les hippiatres, mais ce n’est que depuis 1888 qu’on connaît
l’agent microbien qui la produit : le Streptococcus equi de Schütz.
Comme ce germe vit normalement sur la muqueuse respiratoire des chevaux sans
provoquer aucun dommage (microbe saprophyte), il suffit d’un concours de circonstances
diverses pour qu’il acquière des propriétés pathogènes et provoque la gourme
avec toutes ses complications. Parmi les causes favorisantes, il faut citer le
froid sous toutes ses formes, le jeune âge, la fatigue et le surmenage,
l’alimentation insuffisante et l’hygiène défectueuse des habitations.
Mais la grande cause de la gourme est la contagion. Elle
peut se faire directement à l’écurie, surtout dans celles des marchands de
chevaux, en wagon, sur un champ de foire, etc., ou indirectement, par une foule
d’intermédiaires : boissons, aliments, locaux d’auberges des marchés,
seaux, abreuvoirs, etc., ainsi que par les personnes qui approchent les
malades.
Après contamination, la période d’incubation de la gourme
est, en général, de quatre à huit jours. La maladie débute, surtout chez les
chevaux de races distinguées, par une fièvre intense (40° à 41°,5). Puis
apparaissent des ébrouements et une toux quinteuse, grasse, bientôt suivie d’un
jetage nasal, d’abord séreux ou visqueux, puis purulent, gris blanchâtre,
d’ordinaire très abondant. La gorge devient chaude, l’auge se comble, se
tuméfie et des abcès s’y développent. L’appétit est alors nul ; les
malades maigrissent rapidement, sont affaiblis : les membres postérieurs
sont engorgés et le rein raide. Si l’on a donné issue au pus en ponctionnant
les abcès, la fièvre tombe, l’appétit revient, les engorgements rétrocèdent,
etc. ... Dans ces cas heureux, le rétablissement complet survient au bout
de quinze à vingt jours.
Mais l’extension de l’inflammation le long de la muqueuse
respiratoire peut entraîner de graves complications : laryngite,
bronchite, broncho-pneumonie avec parfois des abcès du poumon. La mort par
gangrène ou abcédation pulmonaire est une terminaison assez fréquente.
L’appareil digestif et la peau peuvent aussi être touchés par la gourme
(gastroentérite, ictère, échauboulure).
Le traitement doit consister avant tout en une
bonne-hygiène. Le malade sera laissé au repos dans un local aéré, à douce
température (15°-16°) ; en hiver, on le garantira du froid par des
couvertures. Les mangeoires, râteliers, etc. ..., étant souillés par
l’abondant jetage des malades, devront être nettoyés à l’eau bouillante, puis
avec de l’eau crésylée. Mettre de l’eau en permanence à la disposition du
gourmeux, qui sera alimenté avec des substances alibiles et de bonne qualité,
notamment avec des carottes fourragères, des fourrages verts, si la saison le
permet. Ajouter à ce régime un barbotage, matin et soir, auquel on joindra
quelques cuillerées à soupe d’un mélange à parties égales de sulfate et
bicarbonate de soude et de chlorure de sodium.
On recommande beaucoup, depuis quelque temps, la Soluseptazine,
en injections intraveineuses ou sous-cutanées, comme capable d’abréger
notablement la durée de la gourme. Nombre d’observations ont permis de
confirmer l’efficacité de ce produit chimique dans la gourme, toutes les fois
que les interventions sont précoces.
En principe, on a recours à la voie veineuse pour débuter,
les injections d’entretien ou de rappel étant faites par la voie sous-cutanée. Guerret
utilise des doses de 3 grammes de Soluseptazine pour les premières injections,
et des doses de 1gr,50 pour les suivantes, dès qu’il a obtenu une
certaine rémission des symptômes. Le nombre des injections nécessaires pour la
plupart des animaux traités : 11 chevaux traités, 11 guéris, est
de 6 en moyenne. L’amélioration est toujours nette après la deuxième injection.
« La durée du traitement varie avec les formes de la maladie et ne semble
pas en rapport avec sa gravité. Si aucune localisation n’est établie, la durée
du traitement est courte. Elle peut s’allonger, au contraire, dans le cas de
formes bénignes avec des symptômes de suppuration ganglionnaire. » En
somme, cette médication imprimerait à la maladie une marche favorable dans le
minimum de temps et très souvent, paraît-il, les foyers purulents ou abcès se
résorberaient et l’infection tournerait court. Dans les formes pulmonaires, il
faudrait prévoir une injection tous les deux jours ; en moyenne, 4 ou 5 interventions
suffiraient.
Au reste, le traitement général doit être assuré par le
vétérinaire qui aura à intervenir, soit pour provoquer un abcès de fixation par
l’essence de térébenthine, soit pour ponctionner les abcès de la gorge,
etc. ... L’onguent vésicatoire, les frictions sinapisées sous la gorge,
les cataplasmes de moutarde sous la poitrine dans le cas de complications
pulmonaires, les injections de sérum antistreptococcique polyvalent,
etc. ..., pourront être utilement employés.
Les antifébriles : sulfate de quinine (10 gr.),
acétanilide (10 à 20 gr.), sont recommandables quand la fièvre est forte.
On soutiendra les forces du malade par des électuaires à l’alcool (100 à 120 gr.
par jour), et on stimulera l’appétit capricieux par la poudre de gentiane en
électuaire (30 à 40 gr. par jour), ou en aspergeant les aliments avec de
l’eau salée. Une promenade journalière au soleil favorisera la convalescence.
Anasarque.
— L’anasarque est une maladie infectieuse banale, qui
peut être déterminée par des microbes divers, principalement par les germes qui
engendrent le pus (pyogènes), surtout par les streptocoques et les
staphylocoques. Comme c’est une complication possible de la gourme, sa
description ne fait que compléter cette dernière maladie. Il est un fait indiscutable,
c’est que presque tous les chevaux atteints d’anasarque sont des gourmeux ou
des convalescents de gourme. La maladie n’est nullement en rapport avec la
gravité de la gourme, elle se manifeste aussi communément dans les cas de
légère inflammation des voies respiratoires ou digestives, qu’après la
formation d’abcès multiples ou volumineux. L’infection pharyngienne gourmeuse
serait la cause habituelle de l’anasarque. Les moindres lésions s’accompagnant
de suppuration ou d’infection, les blessures qui paraissent insignifiantes
suffisent à son éclosion.
L’anasarque débute brusquement par des plaques œdémateuses,
de dimensions variables, rappelant l’échauboulure, localisées surtout aux
naseaux, aux lèvres, à l’encolure, à l’extrémité supérieure des membres, au
flanc, etc. ... Ces œdèmes ou enflures ne tardent pas à se réunir, et
bientôt il n’existe plus qu’un seul engorgement occupant les parties déclives
du corps : les membres qui sont engorgés dans toute leur étendue, parfois
le ventre, la partie inférieure de la poitrine et l’extrémité de la tête, ce
qui donne au malade un vague aspect de la vache en baudruche qui sert de
réclame à certains produits laitiers commerciaux.
Le cheval est comme cloué au sol, tout mouvement étant
devenu impossible. Le gonflement des naseaux et l’œdème de la glotte rendent la
respiration pénible et bruyante, l’appétit est conservé, mais la préhension et
la déglutition des aliments sont devenus très difficiles. Ces symptômes peuvent
durer quatre à cinq jours, mais aussi la mort peut survenir par asphyxie ou par
une pneumonie due au passage des aliments dans la trachée.
Le traitement exige impérieusement l’intervention du
vétérinaire. Dès le début, des injections de sérum antistreptococcique
polyvalent à doses massives (60 centimètres cubes par voie sous-cutanée,
par dose de 10 centimètres cubes, à des points distants les uns des autres
de 25 centimètres) sont absolument nécessaires. Les injections
intraveineuses d’argent colloïdal (collargol ou électrargol) seront très utiles
en cas d’échec du sérum. Enfin le malade sera placé dans un local clair, bien
aéré, et recevra une alimentation de choix, de mastication facile et très
nutritive.
MOREL,
Médecin-vétérinaire.
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