Mort du doyen des veneurs de France.
— En 1941 s’éteignait, dans sa centième année, le
marquis Arthur de Boisfleury, après une existence partagée tout entière entre
l’agriculture et la chasse.
Avec lui disparaît une époque où la vénerie connut son apogée,
et ses souvenirs vous ramenaient aux charmants récits du marquis de Foudras,
qui peint un temps où les veneurs parcouraient sans entraves des régions où
pullulait le gibier. Il fit ses premières armes sur les loups, et nous le
trouvons, jeune collégien, étrennant son premier fusil en tuant à balle un
grand louvard dans la forêt de Redurin. Quelque temps après, ce fut un
sanglier. Il fallait l’entendre conter sans vantardise les exploits de ses
débuts, et tous ces souvenirs du passé captivaient les jeunes gens qui se
pressaient pour l’écouter.
En association avec ses frères, qui vivaient avec lui, il
prit la direction de l’équipage, qui fut découplé, suivant les circonstances,
sur tous les animaux de courre — renards, sangliers, chevreuils et cerfs.
En dehors des grandes réunions, le hasard fournissait l’animal du jour.
C’est ainsi qu’une de ses plus mémorables prouesses fut la
prise d’un cerf qui s’était écarté de la forêt du Gavre et qu’il avait lancé
dans un boqueteau des environs. L’animal, mis aux abois après trois heures de
chasse, tenait en respect les vingt-cinq chiens d’alors. Le maître, au milieu
de la forêt, n’ayant aucune arme, n’hésita pas : abordant courageusement
le cerf, il le saisit par une patte de derrière et le renversa. Il a dit bien des
fois que cela n’avait pas été aussi difficile que cela semblait, car les chiens
l’avaient considérablement aidé, et il en tirait cette conclusion, c’est qu’aux
abois les chiens sont braves si le veneur y va carrément. Cette anecdote peint
bien le caractère de cet intrépide chasseur, piquant toujours en tête et dont
la trompe brillante ralliait les cavaliers et les chiens.
Jouissant de toutes ses facultés, il s’était intéressé,
jusqu’à sa fin, à tout ce qui concernait son sport favori, et, confiant dans l’avenir,
s’était refusé obstinément à laisser détruire les débris de son équipage.
Jaseur de Bohême.
— Oiseaux de mauvais présage, puisque la croyance
populaire voit, dans leur arrivée, l’annonce d’une guerre prochaine, les
jaseurs de Bohême ont visité notre pays au début de 1942.
On nous signale, à ce moment, leur passage dans
l’arrondissement de Thonon (Haute-Savoie), dans les montagnes du haut
Beaujolais (Rhône), dans l’arrondissement de Saint-Marcellin (Isère), dans les
Vosges, les Hautes-Alpes, le Jura et en Saône-et-Loire. Tous ces passages se
sont produits dans les derniers jours du mois de janvier 1942.
Histoire arabe.
— Nous l’empruntons au marquis de Cherville, qui la
tenait lui-même du général Daumas :
Un cheik était assis au milieu d’un groupe nombreux, quand
un homme qui avait perdu un âne se présenta en demandant si quelqu’un n’avait
pas rencontré l’animal égaré. Le cheik, se retournant vers ceux qui
l’entouraient, leur adressa ces paroles :
— Est-il quelqu’un de vous auquel le plaisir de la chasse
soit inconnu, qui n’ait jamais poursuivi le gibier au risque de se blesser ou
de se tuer dans les ravins !
— Moi, dit un des assistants ; jamais je n’ai rien
fait, jamais je n’ai rien éprouvé de ce que tu dis là. Alors le cheik, se
retournant vers le maître de l’âne :
— Voilà, lui dit-il, la bête que tu cherches,
emmène-la !
Histoire de chasse.
— Si vous passez un jour à Milly-en-Gâtinais, près
Paris, mais loin aussi de ses mœurs par la vie archaïque de ce qui reste de sa
population de ruraux agrestes, on vous contera, si vous êtes en confiance,
l’aventure véridique qu’il advint, voici peu d’années, à un vieux Millacois, le
père Maurice, impénitent chasseur de garennes au furet à ses heures, qui fut
pris croyant prendre, mais qui fut sauvé deux fois par son chien.
Dans ce curieux pays — où la hache et le marteau du
carrier étranger ont fait de la belle forêt de Fontainebleau ces confins
désertiques, sablonneux et mouvants — vit, dans la lande, un peuple de
garennes aux impressionnants terriers. Sa petitesse de race le laisse à l’abri
des plus mauvais fusils, mais il n’échappe pas toujours à la poursuite au
furet.
Cette chasse n’est pas sans danger, ainsi que vous l’allez
voir par ce qu’il arriva au père Maurice.
Or donc, notre homme partit un beau matin de juin avec ses
engins et son chien Boby pour la chasse au garenne.
Au soir, sa femme l’attendit vainement, et sa recherche
s’avéra sans résultat.
Ce fut grâce à Boby, revenu seul au logis, le lendemain
matin, qu’on put retrouver le père Maurice ; mais dans quel état ! Il
fallut le tirer par les jambes de l’ouverture en entonnoir d’un terrier où il
s’était imprudemment penché pour appeler furet et chien qui n’en revenaient
pas.
Il était là, enlisé dans le sable, congestionné et déjà
inerte, depuis peut-être vingt-quatre heures, et ses mouvements pour se dégager
n’avaient fait que l’enserrer un peu plus dans son effroyable position.
C’est seulement par l’air du terrier qu’il avait pu
respirer, tandis que son bon chien l’avait maintenu animé en lui léchant la face.
Il lui resta une sorte d’hébétude de son aventure, que
savait lui rappeler, à l’occasion, la malignité publique, dont il s’affectait
et qui hâta, dit-on, sa fin.
La nature et l’homme ont parfois leurs traîtrises. Le chien,
plus souvent, a sa fidélité pour l’homme ; et ceci peut nous consoler de
cela !
G.-P. POUILLEY, abonné.
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