La fraternité mondiale du scoutisme, qui groupait, en 1939,
cinq millions de scouts de quarante-deux nations différentes, s’est retrouvée à
peu près intacte après cette guerre mondiale.
Dissous en Allemagne et en Italie depuis l’avènement de la
dictature, le scoutisme fut successivement interdit sous l’occupation en
Autriche, en Tchécoslovaquie, en Pologne, au Danemark, aux Pays-Bas, en
Belgique et, comme on le sait, en France, dès 1940, au-dessus de la ligne de
démarcation.
Mais, s’il était pourchassé, il n’était pas effacé. Il
continuait de vivre dans la clandestinité. Les sorties et les camps avaient
lieu sans qu’on portât l’uniforme, tout simplement ...
Beaucoup de chefs, malheureusement, furent arrêtés,
emprisonnés. Certains furent déportés et trouvèrent la mort dans des camps de
concentration.
D’autre part, au moment de la libération et sur les
différents fronts, des centaines d’entre eux tombèrent.
Une crise de chefs aurait donc pu ralentir l’essor du
mouvement scout si beaucoup de jeunes gens, soucieux du relèvement national et
émerveillés des services rendus par les éclaireurs pendant la guerre, n’avaient
demandé à recevoir une formation technique pour pouvoir prendre la tête de
troupes et de clans.
Finalement, le scoutisme français, bien loin de dépérir
pendant la guerre, augmenta largement sa vitalité, comme entre 1914 et 1918.
Aujourd’hui, il compte plus de 300.000 garçons et filles,
dont les effectifs se répartissent à peu près de la façon suivante :
Éclaireurs de France (ouverts à tous) : |
50.000. |
Éclaireurs unionistes (d’inspiration et de direction protestante) : |
20.000. |
Scouts de France (catholiques) : |
150.000. |
Éclaireurs israélites : |
4.000. |
Guides de France (catholiques) : |
80.000. |
Fédération française des Éclaireuses (ouverte à tous) : |
40.000. |
On sait que le fondateur du scoutisme, lord Baden-Powell,
est mort au Kenya en 1941. Lorsque sa femme, lady Baden-Powell, vint à Paris,
le 23 avril 1945, présider la fête de la Saint-Georges, patron de tous les
scouts du monde, elle put assister, place de la Concorde, au défilé de 40.000 jeannettes,
petites ailes, louveteaux, éclaireurs, éclaireuses, guides, routiers, chefs,
cheftaines et commissaires. Nous avons assisté à ce défilé, qui fut
véritablement grandiose. Des rangs serrés de vingt-cinq garçons ou filles se
succédèrent, pendant près de deux heures, de l’Arc de Triomphe à l’Obélisque.
Sur la tribune d’honneur, les invités officiels, même les moins sympathisants
au scoutisme, en furent enthousiasmés.
Un des côtés les plus attachants de la cérémonie fut de
mettre en relief l’union du Scoutisme français.
Avant cette guerre, les observateurs s’attristaient de
constater qu’un certain esprit de méfiance ou de concurrence séparait les six
associations. Fréquemment, dans la même localité, une troupe Scouts de France
et une troupe Éclaireurs de France se considéraient comme quelque peu rivales.
Certes, il existait bien un « Bureau interfédéral » (dont le premier
président avait été le maréchal Lyautey), mais ce fragile organisme se bornait
à régler des différends et à organiser l’accueil des scouts étrangers.
Depuis 1940, un resserrement remarquable s’est opéré entre
les six mouvements. Tout en conservant leur existence propre, ils sont
maintenant fédérés sous un seul chapeau : le Scoutisme français.
Leur chef unique est le général Lafont. Dans les principales villes fonctionne
un « Collège du scoutisme français » groupant les représentants de
toutes les associations. Des concours, des rallies sont souvent organisés et
permettent que des liens d’amitié s’établissent entre garçons et filles
porteurs de l’arc tendu, de la croix fleurdelysée, du trèfle ou de la croix
potencée.
Bel exemple d’unité donné ainsi à tous les Français, unité
qui se concrétisera mieux encore par la mise sur pied — déjà commencée
— au mois d’août 1947, à Moisson (Seine-et-Oise), du prochain
« Jamboree », rassemblement mondial des scouts.
F. JOUBREL.
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