Les cultivateurs maraîchers.
— Tout le monde ne peut pas se payer le luxe de
produire des légumes uniquement pour sa consommation familiale. Car nombreux
sont les confrères qui, n’ayant pas de ressources par ailleurs, font leur
gagne-pain du jardinage, en se chargeant de ravitailler le marché en légumes,
profession très honorable et « humanitaire », étant donnée la pénurie
actuelle des vivres.
Ce qui différencie le cultivateur maraîcher de
l’amateur, c’est que, pour intensifier sa production, le premier doit opérer
sur des parcelles assez étendues, en se servant des instruments aratoires en
usage dans la grande culture, conduits par une force motrice animée (cheval) ou
inanimée (moteur), de manière à pouvoir emblaver de plus grandes surfaces, en
réduisant les dépenses de main-d’œuvre, la bêche et le râteau étant peu
expéditifs et onéreux.
Pour obtenir un rendement légumier qui fasse vivre son
homme, le professionnel choisira un terrain fertile, riche en humus, facile à
travailler, à l’exclusion des sols arides, ou mouilleux, sablonneux, calcaires,
argileux par excès. L’idéal serait de disposer d’une parcelle franche, dans le
genre des bonnes terres à blé, de façon à pouvoir y adapter un assolement
intensif permettant d’obtenir de bons rendements de légumes de vente courante,
tels que choux, poireaux, carottes, pommes de terre, haricots, pois, salades,
etc., sans être obligé de recourir aux arrosages. On s’efforcera, en outre, de
produire deux récoltes successives dans la même année, sur la même parcelle, en
forçant les fumures.
Choix d’un assolement.
— La rotation des cultures maraîchères doit être
combinée de manière que les cultures améliorantes succèdent aux cultures
épuisantes, les plantes pivotantes aux plantes traçantes, les cultures
nettoyantes aux cultures salissantes, etc., tout en tenant compte des exigences
de marché et des prix de vente, certaines productions étant plus avantageuses
que d’autres, ou plus rémunératrices. En principe, il vaut toujours mieux
adopter un assolement à longue échéance dans le genre du suivant :
Première année : carottes hâtives et navets tardifs.
Deuxième année : choux hâtifs et haricots verts.
Troisième année : pommes de terre précoces et épinards.
Quatrième année : pois hâtifs et haricots verts.
Cinquième, sixième et septième années : artichauts.
1° Carottes et navets.
— Labourer le terrain avant l’hiver, à la charrue et
profondément, en y enfouissant une forte dose de fumier ou, à défaut, des
composts et des gadoues bien décomposés, pas moins de 500 kilogrammes à l’are.
Au premier printemps, sur un coup de herse, tracer au rayonneur de petits
sillons écartés de 25 à 30 centimètres, pour y semer à la bouteille de la
graine de carotte hâtive, courte de Hollande ou demi-courte de Guérande, que
l’on recouvre par un fort plombage.
La récolte ayant lieu en juillet, on laboure assez
superficiellement, puis, après un coup de herse, on rayonne à 30 ou 35 centimètres,
pour semer ensuite de la graine de navet plat hâtif. Il va sans dire que les
deux plantes sarclées devront être binées à la houe à cheval et éclaircies à la
rasette à main au moment propice.
2° Choux hâtifs et haricots verts.
— Les navets arrachés, épandre tous les fumiers
disponibles et effectuer un labour profond à la charrue. Au printemps, une fois
les fortes gelées passées, donner un coup de herse qui nivellera la terre
effritée par les gelées. Rayonner à 50 ou 60 centimètres d’écartement,
puis repiquer en quinconce, au plantoir, de beaux plants de choux (Express ou
Cœur de bœuf ou petit Milan) ayant été hivernés sous cloche, ou d’autres choux
hâtifs ayant été élevés sur couche chaude, en janvier.
Les choux ayant été liquidés fin juin, on laboure très
superficiellement, puis, après une application de 2 kilogrammes de
superphosphate à l’are et autant de sylvinite riche, on herse et on distribue
au semoir, en lignes distantes de 45 centimètres, de la graine de haricots
nains à récolter en aiguilles, noir de Belgique ou autre, en réglant les socs
de manière que les semences se trouvent enfouies à 4 ou 5 centimètres de
profondeur, à l’espacement axial de 3 centimètres. Passer la houe à cheval
entre les rayons par temps sec, peu de temps après la levée et trois semaines
plus tard. Commencer la récolte aussitôt que les aiguilles ont atteint les
trois quarts de leur développement, pour les livraisons sur le marché et la
fabrication des conserves.
Pommes de terre et épinards.
— Comme les années précédentes, labourer profondément
le terrain libéré, avant l’hiver, en y enfouissant une copieuse fumure
organique. Au début d’avril, et même fin mars, on plante les pommes de terre
précoces à la charrue, de trois raies l’une. Les tubercules germés, Victor ou
Belle de Fontenay, sont plaqués verticalement contre la troisième bande
retournée, afin que le cheval de raie ne les écrase pas en passant.
Aussitôt que les fanes se montrent, si on redoute les gelées
tardives, on effectuera une série de buttages, à l’aide d’une charrue à deux
versants.
Les fanes incinérées, on donne un coup de herse en long et
un autre en travers, pour récupérer les tubercules oubliés, puis on sème au
semoir des épinards-monstrueux de Viroflay qui végéteront rapidement si la
saison est propice, surtout si on applique en deux fois une petite dose
d’engrais soluble, à base de nitrate de soude ou de cyanamide.
Pois hâtifs et poireaux.
— Labourer, toujours avant l’hiver. Au printemps,
donner un coup de herse sur une application de 4 kilogrammes à l’are de
superphosphate, puis distribuer au semoir, en lignes distantes de 40 centimètres,
des pois nains Orgueil du marché ou Merveille d’Amérique. Récolter sans
attendre le durcissement des grains, qui seront consommés tout de suite ou mis
en conserve.
Vers le 15 juin, arracher les fanes pour les lapins,
épandre 500 kilogrammes à l’are de bon fumier ou de gadoues, labourer profondément,
herser, rayonner à 35 centimètres. Repiquer le plant de poireau ajusté, en
mettant à profit une journée pluvieuse, en l’espaçant de 12 centimètres
sur les lignes. Biner en cours de saison et, un peu plus tard, passer le
buttoir afin de blanchir les poireaux.
Artichauts.
— Repiquer les œilletons par deux, en lignes espacées
de 1 mètre et en quinconce, à 80 centimètres d’écartement, ce qui
nécessite 250 œilletons à l’are. La durée de l’artichautière est de trois
ans.
Rendement légumier.
— Admettons un assolement de sept ans appliqué sur sept
parcelles de chacune 20 ares, comprenant tous les ans 60 ares en
artichauts et 80 ares en légumes divers.
Le rendement sera approximativement :
Artichauts : 45.000 têtes et ailerons au total.
Carottes : pour 20 ares, 6.000 kilogrammes.
Navets : pour 20 ares, 6.000 kilogrammes.
Choux pommés : pour 20 ares, 10.000 kilogrammes.
Haricots en aiguilles : pour 20 ares, 1.200 kilogrammes.
Pommes de terre : pour 20 ares, 4.500 kilogrammes.
Épinards : pour 20 ares, 3.000 kilogrammes.
Pois en gousse : 100 litres à l’are ; pour 20 ares, 2.000 litres.
Poireaux : pour 20 ares, 10.000 kilogrammes.
Adonis LÉGUME.
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