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Préface à la reconstruction

Du fait des hostilités, de nombreuses demeures sont détruites sur une vaste étendue de notre territoire. Parmi les départements les plus atteints, nous citerons ceux de l’Aisne, du Calvados, de la Manche, du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et d’Alsace-Lorraine. Au total, plus d’un million et demi de bâtiments sinistrés se recommandent à la sollicitude de toute la nation.

Il ne peut être question dans la reconstruction de plagier des formes et des dispositions condamnées par le progrès de la technique et de l’hygiène, mais il faut rechercher le côté spirituel du logis traditionnel, et nous devons reconnaître que, depuis des siècles, les centres urbains et les campagnes s’enlaidissent, les caractéristiques disparaissent.

Le simple bon sens permettra de discerner la nature du climat, la flore et les cultures, puis les coutumes et préférences des habitants ; l’étude des habitations en révèle la marque inaltérable en présentant des caractères permanents. La base type en comprendra le maximum et les plus importantes variantes.

Au cours des époques révolues, les constructeurs ont exécuté une belle architecture locale qui allait avec les besoins de leur époque.

Comme eux, il faut être moderne, c’est-à-dire concevoir et bâtir des maisons convenant à la vie actuelle. Notre genre d’existence doit s’améliorer par la salubrité des locaux et par la réduction de l’effort inutile pratiqué machinalement par les habitants. Il faut donc bâtir avec esprit moderne, tempéré par la tradition, en s’adaptant aux conditions régionales.

Des règlements nouveaux protègent l’architecture, et la création de l’Ordre réglemente la corporation des architectes. Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme accorde une lettre d’agrément aux membres de l’Ordre, et les plans de projets doivent porter le numéro et la date de cette nomination.

L’esprit « affairiste » sera combattu, car il s’agit d’une œuvre sociale, toute faite de solidarité.

Le premier travail engagé est l’établissement des plans d’urbanisme pour les localités touchées par les destructions. C’est de ce projet que découlent les tracés d’alignement et les servitudes à respecter.

Ces servitudes seront soit non ædificandi, soit de gabarit, quelquefois esthétiques. Celles concernant les matériaux seront relatives au coût normal de reconstruction, ce qui impliquera l’utilisation de ceux qui seront extraits ou produits sur place.

Le service régional d’architecture tient le ministère au courant de l’avancement des travaux.

Si, en effet, il ne saurait être question de diminuer l’individualisme et d’écarter le pittoresque, une certaine discipline est nécessaire dans chaque région, dans chaque ville, dans chaque quartier. De cette façon, l’œuvre y gagnera, elle ne risquera pas d’être écrasée ou gâchée par les fantaisies d’un voisin prétentieux ou de mauvais goût, tandis que l’ensemble prendra une certaine noblesse et de la tenue.

M. D.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 168