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Le potager familial

Réminiscence.

— Il fut un temps où, les légumes abondant sur le marché, on ne se souciait que médiocrement de leur production. À cette époque, bien que l’on construisît beaucoup de villas et de maisons de campagne pour les personnes qui, retirées des « affaires », voulaient vivre en dehors du tumulte des logements citadins, les jardins n’avaient qu’un intérêt relatif. Le plus souvent, le potager était de minime étendue, 400 à 500 mètres carrés, et l’on ne s’inquiétait guère que de l’ornementer, comme un simple pas de porte. On se contentait de dissimuler dans un coin quelques cultures de plantes condimentaires et de salades pour les besoins journaliers de l’office. Tout le reste de la propriété était en gazon, complanté d’arbustes décoratifs, complétés par des massifs plus ou moins bien soignés, et quelques plates-bandes fleuries, suivant les nécessités des sentes où l’on allait fumer le cigare.

Maintenant que la production vivrière est devenue nettement déficitaire du fait que l’on ne peut plus importer, nous sommes dans l’obligation de nous livrer au jardinage, ce qui est presque un bienfait.

En effet, la plupart des plaies propres au genre humain, notamment l’obésité et l’arthritisme, conséquence des dépôts non brûlés par défaut d’activité et abandonnés par le courant sanguin, disparaîtront de la circulation. Tous ces matériaux nuisibles serviront à produire la chaleur et la force nécessaires à la mise en valeur des petits jardins qui, autrefois, créés pour l’agrément, rentrent forcément dans le domaine utilitaire.

Une seule ombre au tableau, c’est l’exiguïté des jardins particuliers, dont la superficie est presque toujours inférieure à dix ares, ce qui complique assez le problème de la production, surtout celle de la pomme de terre et des racines pouvant servir à l’alimentation hivernale des lapins, à moins d’adopter un assolement combiné, permettant d’obtenir deux récoltes tous les ans, sur le même terrain.

Un modèle d’assolement intensif.

— Admettons que la surface globale cultivable de votre potager soit seulement de 400 mètres carrés, défalcation faite des sentiers de desserte et de l’emplacement des deux couches à trois châssis, suffisants pour la production des légumes de consommation courante et des primeurs, tels que carottes, radis, choux-fleurs, salades, melons, ainsi que pour l’élevage de vos plants de repiquage.

Vous pouvez donc consacrer la totalité de vos quatre ares à la production combinée des gros légumes nécessaires à votre approvisionnement familial, en pratiquant les cultures échelonnées et dérobées, les plantes à végétation tardive succédant aux plantes précoces et vice versa. Je vous propose les rotations ci-après, pour l’emblavement de vos quatre parcelles disponibles A, B, C, D.

Planche A.

— La parcelle A, divisée en quatre parties égales, de chacune 25 mètres carrés, sera affectée partiellement à la production des légumes-fruits vivaces, c’est-à-dire à la culture des plantes qui occupent le terrain plusieurs années de suite, comme c’est le cas des artichauts, des asperges et des fraisiers.

Sur les 100 mètres carrés de cette planche, on en réserve 25 pour les petits semis et repiquages d’attente des plants destinés à l’emblavement des trois autres parcelles, B, C et D. C’est également sur ces 25 mètres que l’on cultive les plantes condimentaires (ails, échalotes, persil, cerfeuil, estragon, etc.).

Planche B.

— Semez-en la moitié, soit 50 mètres carrés, de très bonne heure, en pois hâtifs qui seront récoltés au début de juin. À cette époque, sur un bêchage profond, avec enfouissement de fumier décomposé, repiquez des poireaux de Rouen ou de Carentan. Sur la deuxième moitié, effectuez un premier semis de carottes précoces, courtes de Hollande, que vous ferez suivre d’un semis de pois express, devant fructifier en septembre-octobre.

Planche C.

— Divisez également la planche en deux. Dans l’une, plantez en mars des tubercules germés de pommes de terre précoces, que vous garantirez des gelées tardives par des buttages échelonnés. Récolte en mai-juin. Faire suivre d’un semis de haricots à récolter en grains secs. Sur les 50 mètres restants, viendront successivement des cultures de choux précoces, pouvant être arrachés en juin, puis des haricots à récolter en aiguilles (bagnolais, noirs de Belgique).

Planche D.

— La moitié de cette parcelle fournira une première récolte d’oignons repiqués à l’arrière-saison, que l’on fera suivre d’une plantation de tubercules germés, Esterlingen ou autres, pour la consommation d’hiver. Sur la deuxième moitié pourront se suivre navets précoces et choux d’hiver (Vaugirard, Quintal d’Alsace) associés à quelques choux-fleurs.

N. B.

— Les répartitions culturales ci-dessus n’ont rien d’absolu ; elles sont données à titre d’exemple, mais on peut les modifier suivant les besoins vivriers et les préférences des familles.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 200