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La mode de Paris

Juin, mois charmant ! Ce n’est pas encore tout à fait l’été, mais ce n’est plus l’indécis début de printemps avec ses giboulées, ses à-coups de température et leurs conséquences. Juin, c’est le mois des jours longs, des belles promenades sous un ciel ensoleillé, des dîners au grand air, le mois des toilettes claires, des gais imprimés et aussi des projets de vacances.

La couture parisienne, sachant que les femmes à Paris aiment peu sortir « en robe », a créé toutes sortes d’ensembles ravissants inspirés par les adorables imprimés que nos soyeux leur ont présentés.

Il y a évidemment le classique bleu et blanc que toujours nous aimons et qui se complète si joliment d’un détail : chapeau, gants ou ceinture rouges ou vert cru ; mais, cette année, les imprimés de prédilection sont surtout à fond vert assez clair, ou tabac blond. Les dessins en sont menus, généralement composés en camaïeu, parfois rehaussés d’une légère ligne noire, piqués de-ci de-là de l’éclat d’une touche de couleur plus vive. Les grands triomphateurs de la saison, ce sont les pois, les pois de tous calibres, plus ou moins serrés, blancs sur fond vert-jade, rose ancien, dragée ou buvard, bleu-lavande, amarante, pourpres, jaune d’or ou d’ocre. Souvent ces soieries sont employées en deux tons sur un même ensemble : des bandes incrustées, des cols, des revers, des doublures s’opposent joliment à la couleur de base.

La ligne droite étant la ligne dominante du moment, mais un fourreau en surah ou en crêpe léger étant un peu étriqué et pauvre, les couturiers ont employé pour de nombreux modèles le plissé mécanique, très délaissé ces dernières années ; ou bien alors des écharpes, des pans, tombent des basques drapées, nouées autour des hanches, jusqu’au bas de la jupe ; souvent aussi le haut de corsage est agrémenté de drapés, de noués, de berthes envolantées, de fichus tombant souples sur le dos ; les manches sont courtes et froncées dans la couture.

Un autre gros succès de la saison, c’est le paletot de couleur vive, court ou trois-quarts, jamais long, droit ou en forme légère, parfois plongeant en arrière, avec ou sans col, à manches montées ou kimono. Il est exécuté en tissus frais, mais ayant de la « main », en shantung, en toile, en linamil, en gabardine ou en velours côtelé. Il est jade ou vert-billard, rubis ou vermillon, orange, jaune-poussin, noisette aussi ou grège. Il est joli et pratique, se porte aussi bien sur une robe imprimée que sur une robe chemisier de nuance claire ou sombre ; il s’agit tout simplement de savoir choisir judicieusement et avec un goût sûr les nuances qui s’opposent ou se complètent. Nous aimons de moins en moins dans les villes, même en été, la robe qui, campagnarde, fait « négligé », trop élégante, fait « endimanché ». Ce petit paletot nous sera infiniment précieux, « habillant » excellemment l’une quelconque de ces robes.

Pour le week-end ou les courts séjours à la campagne ou à la mer, les couturiers nous proposent cette saison de charmantes robes-manteaux, sortes de redingotes à jupe un peu ample ornées de godets ou de plis, parfois boutonnées du haut en bas, très fraîches, mais en même temps très « ville », dissimulant un petit ensemble sport : short et chemisier ou short et soutien-gorge, formule infiniment pratique qui a en outre l’avantage de simplifier au maximum les bagages.

La jupe-corselet étant fort à la mode, certains couturiers l’accompagnent d’un corsage bain de soleil ; pour la ville, ils posent sur ce corsage un boléro mobile ; c’est très élégant, très pratique et très fringant à la fois.

La vraie robe de campagne, de jardin, reste toute simplette, petit corsage très décolleté en pointe ou en carré, petites manches ballon ou large berthe froncée et jupe mouvante et ample, en cotonnade, en tussor ou en mousseline imprimée de petits motifs genre cachemire ou de grands dessins fleuris.

Pour le Midi, j’aime beaucoup pour les femmes qui ne sont plus assez jeunes pour s’exhiber en shorts et qui sont assez sages pour le comprendre, j’aime, dis-je, la formule de plusieurs de nos meilleurs couturiers, le pantalon long et net, le chemisier ou le sweater et le fameux paletot de couleur dont je vous parlais plus haut, ceci en trois tons et sans crainte des oppositions osées.

G.-P. DE ROUVILLE.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 213