La restitution s’impose.
— Ne croyez pas que vous pourrez produire longtemps de
bons et succulents légumes, si vous ne restituez pas à votre jardin les
principes nutritifs exportés par vos récoltes. Car la terre arable que vous
cultivez intensivement, pour produire des pommes de terre, des poireaux, des
choux, des haricots, etc., se trouve appauvrie tous les ans d’une quantité
notable de sels minéraux (azotés, potassiques, phospho-calciques, etc.) qui ont
servi à constituer les tissus des légumes que vous consommez toute l’année.
À l’analyse, on constate qu’une seule récolte de rendement
moyen fournie par votre potager, en comptant les feuilles, les tiges, les
tubercules et les racines, emprunte à votre terre les principes essentiels
consignés dans les colonnes ci-après, évalués pour un are :
Plantes légumières. |
Azote. |
Acide phosphorique. |
Potasse. |
Chaux. |
——— |
——— |
——— |
——— |
——— |
Pommes de terre |
2kg,020 |
0kg,750 |
3kg,540 |
... |
Carottes potagères |
1kg,240 |
0kg,710 |
2kg,710 |
1kg,540 |
Navets |
1kg,530 |
0kg,730 |
2kg,680 |
1kg,470 |
Choux-navets |
1kg,380 |
0kg,770 |
2kg,710 |
0kg,720 |
Choux pommés |
0kg,800 |
0kg,400 |
1kg,200 |
0kg,600 |
Choux feuillus |
1kg,320 |
0kg,560 |
1kg,230 |
1kg,470 |
Laitues |
0kg,610 |
0kg,270 |
1kg,118 |
... |
À l’examen de ce tableau, vous constatez que les plantes
cultivées sont plus ou moins épuisantes, ce dont vous devez tenir compte lors
de l’application des fumures, si vous ne voulez pas épuiser votre jardin et le
frapper à bref délai de stérilité.
À propos des principes essentiels.
— Tous les terrains, même les plus déshérités,
contiennent toujours une certaine quantité d’humus, réservoir naturel de
l’azote, l’élément primordial qui entre dans la constitution de la majeure
partie des tissus végétaux, en combinaison avec le carbone, l’hydrogène
et l’oxygène, fournis par l’air et par l’eau. D’autres principes,
également essentiels, sont représentés par des substances minérales qui
se rencontrent à un état plus ou moins soluble ou assimilable dans les
conglomérats argilo-silico-calciques qui constituent la croûte terrestre.
Une simple analyse physique vous indiquera la proportion
relative de chacun des quatre éléments contenus dans votre terre arable,
savoir : la silice, l’argile, le calcaire et l’humus,
ce qui vous permettra de la classer dans la catégorie des terres légères,
fortes, franches, humifères, etc. Pour connaître la teneur de votre potager en azote
(organique, ammoniacal, nitrique), en acide phosphorique, en potasse,
en magnésie, etc., l’analyse chimique est nécessaire.
Par suite des différences de compositions natives, certaines
terres de jardin ont de plus grands besoins que d’autres en tel ou tel élément,
et elles s’appauvrissent d’autant plus vite qu’elles sont moins bien pourvues
originellement. Si vous négligez les restitutions, les récoltes diminuent, et,
finalement, vous n’obtiendrez plus que des légumes rachitiques, ligneux et peu
nourrissants. D’où la nécessité de combler les déficits agrologiques par des
apports, plus particulièrement de fumier, le meilleur de tous les
engrais.
Sans doute, il est possible de restituer à votre jardin les
principes exportés par des apports de produits chimiques complets. Mais, si
bien dosés soient-ils, ces engrais sont loin de valoir le fumier, parce qu’ils
ne contiennent pas d’humus. C’est pourquoi, je vous engage vivement à fabriquer
un gros tas de fumier qui constituera votre stock de réserve devant être enfoui
dans votre potager par le labour d’arrière-saison. Ce faisant, soyez certain
que vos parcelles se maintiendront en bon état de fertilité et que, l’année suivante,
vous obtiendrez de belles récoltes.
Établissez votre fumière.
— Pour récupérer tous les détritus organiques et
minéraux, liquides et solides, que vous produisez toute l’année, en évitant les
déperditions ammoniacales par la voie des airs, surtout en été, je vous convie
à construire, à l’endroit le plus ombragé de votre jardin, une fumière
cimentée, partiellement enterrée, dans le genre de celle représentée en
plan et en coupe sur la figure ci-dessous :
Le terrain creusé en pente, bétonnez-le, avec chape
cimentée, de façon à rendre le sol imperméable. Tout autour, établissez un
muret MNM’N’, en ménageant un trou d’égouttis P, pourvu d’une grille, lequel
servira d’écoulement au purin après l’arrosage du-tas.
Une fosse à purin F, également cimentée, recevra
toutes les déjections liquides et solides des latrines, ainsi que les
eaux-vannes des éviers, canalisées par les tuyauteries R et R’. L’effluent
liquide, avec l’appoint des eaux pluviales, permettra l’humidification
permanente du fumier, surtout pendant la période des chaleurs, aussi la masse
se transformera-t-elle rapidement en un beurre noir analogue à celui
fourni par les meilleurs fumiers de ferme.
Les dimensions à donner à la fumière et à la fosse varieront
suivant l’importance de votre maison. La capacité de la première sera de 4 à 6 mètres
cubes, et celle de la fosse de 2 à 3 mètres cubes, un peu plus ou moins
d’après l’abondance de vos résidus.
Confection du fumier.
— Épandez sur votre fumière, au fur et à mesure de leur
production, sans jamais rien laisser perdre, d’abord le fumier de vos lapins,
ainsi que les fientes de vos volailles (poulaitte et colombine).
Transportez-y également tous les détritus ménagers (balayures diverses, déchets
de cuisine, résidus du jardin, de la cave et du cellier), que vous jugez
impropres à la nourriture de votre petit bétail.
Pour mémoire, citons : les épluchures de légumes, les
fruits avariés, les herbes de sarclage, les fanes et les feuilles
inutilisables, les gazons, les curures de fossés, les marcs de pommes ou de
raisins, les feuilles d’arbres, les boues de route et de marché, les ordures de
toutes sortes, les cadavres d’animaux, la tourbe, les vieux papiers, les
cendres de bois et de houille contenant des os calcinés, la suie, les crottins
de route, les poils, les plumes, la sciure de bois, les plâtras de démolition,
etc.
Tous ces déchets et résidus mis dans la fumière, il vous
suffira de les arroser de temps à autre avec le purin dilué de la fosse pour
provoquer leur fermentation. La chaleur aidant, la masse sera en « beurre
noir » au moment où vous procéderez à son épandage sur les parcelles
débarrassées de leur récolte, et vous l’enfouirez le plus tôt possible, afin de
hâter sa décomposition et même sa nitrification. En fin d’année, vous
serez en possession de plusieurs mètres cubes de bon fumier qui ne vous auront
absolument rien coûté à produire.
Si vous voulez augmenter le volume du tas et la qualité du
fumier, il vous suffira de répartir, en couches saupoudrées de cyanamide
ou de chaux-azote, des foins ou des pailles altérées, ou encore des
herbes de faucardage. Cela vous donnera du fumier artificiel plus riche que le
fumier d’étable. À défaut de chaux-azote, vous saupoudrerez les couches de
sulfate d’ammoniaque et de chaux libre. Les arrosages au purin transformeront
la matière organique en beurre noir sans qu’il y ait de déperditions gazeuses.
En admettant que vous fabriquiez annuellement 4 tonnes
de ce fumier mixte, cela représenterait l’équivalent de 150 kilogrammes de
chaux-azote, 120 kilogrammes de superphosphate et 160 kilogrammes de
sylvinite riche, sans compter l’humus, qui joue un rôle important sur la
biologie des terres et la croissance des légumes.
Adonis LÉGUME.
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