En 1928, le professeur Fleming, d’Oxford, ayant trouvé, par
hasard, une souillure verdâtre dans une culture de staphylocoques, souillure
due à l’ensemencement accidentel d’une moisissure, le penicillum notatum,
vit que les microbes pyogènes étaient détruits tout autour de cette tache. Il
fit une culture de ce penicillum et constata que le bouillon de culture
avait acquis les mêmes propriétés microbicides et qu’à la surface des cultures
il se formait des condensations en forme de gouttelettes jaunes, particulièrement
actives.
Le produit de filtrat du bouillon de culture du penicillum
notatum reçut le nom de pénicilline.
Le professeur Fleming communiqua ces résultats au professeur
Howard Florey, qui demanda une subvention de 1.600 dollars à l’Institut
Rockefeller pour ses essais thérapeutiques et cliniques. La subvention fut
aussitôt accordée, et rarement une somme aussi faible a conduit à des résultats
aussi importants.
En 1940, en prévision des bombardements, le professeur
Florey partit pour l’Amérique, afin de jeter les bases d’une fabrication
industrielle.
L’action destructive sur certains microbes de quelques
moisissures avait déjà été entrevue, en premier lieu, dans un travail fort
incomplet par un Allemand, R. Lieske, en 1921, puis par deux savants belges,
André Gratis et Sara Dath ; en France, il faut citer les noms du
professeur Rapin, de Nantes, et d’Albert Vaudremer, qui ont étudié l’action de
diverses moisissures et champignons sur des microbes et leurs toxines.
Très sensible à la chaleur, la pénicilline doit être conservée
à la glacière ; son prix de revient est encore très élevé, aussi ne
peut-on l’employer que dans les cas graves, résistant aux autres médications.
Le mode d’action est différent de celui des
sulfamides ; son pouvoir bactériostatique et souvent bactéricide est
considérable à l’égard de certains microbes, en premier lieu des
staphylocoques, des streptocoques hémolytiques, des pneumocoques, des
gonocoques ; il agit aussi d’une façon surprenante sur les spirochètes de
la syphilis et sur quelques autres espèces microbiennes ; par contre, la
pénicilline reste sans action sur les microbes de la tuberculose, du
rhumatisme, de la leucémie, du paludisme, les infections du groupe coli-typhique.
Le champ d’action reste encore assez vaste.
La pénicilline s’élimine très rapidement, aussi, pour
maintenir dans le sang une concentration suffisante, doit-on répéter les doses
très fréquemment, toutes les trois heures, jour et nuit en général, si l’on
n’emploie pas les injections continues, en goutte à goutte. La pénicilline
s’administre surtout par injections intramusculaires, parfois, dans les cas de
grande urgence, après une première injection intraveineuse. Par voie buccale,
elle est sans aucun effet ; en applications locales, elle a également donné
les meilleurs résultats dans bien des cas. Son emploi ne contre-indique pas
celui des sulfamides, qu’on a souvent avantage à lui associer ; elle
réussit souvent là où ces derniers médicaments ont échoué, notamment dans des
cas de sulfamidorésistance. On a récemment essayé des injections
intramusculaires, avec un mélange de cire et d’huile, permettant une absorption
lente du médicament et, par conséquent, un nombre plus restreint de piqûres.
Si les travaux ont, jusqu’ici, principalement porté sur le penicillum
notatum (très voisin des penicillum glaucum, candidum, etc.,
qui contribuent à la maturation des fromages de Brie, de Camembert, de
Coulommiers), ils ne constituent qu’un premier chapitre de la mycothérapie ;
d’autres « mycoïnes » sont à l’étude qui agiront peut-être sur les
espèces microbiennes résistant à la pénicilline.
Dès à présent, certains résultats sont pour ainsi dire
spectaculaires : guérison de la blennorragie en vingt-quatre heures, de la
pneumonie, de la syphilis en trois jours, avec des doses adéquates.
Souhaitons donc qu’une fabrication plus intensive en
permette un emploi plus général et en abaisse le prix.
Dr A. GOTTSCHALK.
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