La saison des expositions sera terminée lorsque paraîtront
ces lignes. Elle est actuellement si entamée qu’il est aisé de se faire une
opinion sur l’état du cheptel. On sait aussi désormais quelles sont les races
assurées d’un avenir. Tenant ici la rubrique du chien de chasse, je ne parle
que de ses représentants.
On doit féliciter les éleveurs du soin avec lequel ils ont
mené les opérations, en dépit de difficultés en apparence insurmontables,
présentant leurs animaux en parfait état. Les chiens ne sont pas seulement d’un
embonpoint convenable, mais pourvus d’une ossature ne laissant rien à désirer.
C’était le problème le plus malaisé à résoudre. La solution en a été aussi
heureuse qu’on la pouvait souhaiter.
L’effort s’est porté sur un nombre plus réduit de
races ; aussi voit-on poindre le crépuscule de quelques-unes. Certaines
ont été et d’autres seront les victimes de la concurrence vitale. Il en est qui
peuvent se plaindre d’une tendance à l’oubli parfaitement immérité. Leur perte
laisserait un vide que rien ne saurait combler. Mais il serait trop tard alors
de verser de vaines larmes. Mieux vaut prendre les précautions voulues afin
d’éviter des regrets dont elles peuvent un jour nous dispenser.
Lorsqu’on compare les catalogues des expositions d’autrefois
avec ceux d’aujourd’hui, on perçoit nettement l’incessante progression de
l’invasion étrangère au détriment des races indigènes. Il y a certainement en
France plus de chiens courants et d’arrêt anglais que de toute autre origine.
Quant aux chiens Terriers servant à la chasse, ils sont tous anglais. Nous
n’avons, en effet, aucun Terrier national, puisque notre petit Bull est devenu
chien de compagnie.
L’ancienneté de la sélection de ces étrangers facilite
singulièrement leur élevage, même en mains peu expertes. Il ne faudrait
cependant pas exagérer et croire leur gouvernement exempt de difficultés. Les
importations imposées, afin de corriger certaines erreurs, témoignent en effet
de l’inégal savoir-faire des amateurs.
Si le cheptel réalisé en dehors de nos frontières connaît
une diffusion mondiale, c’est qu’il a été conçu pour plaire au plus grand
nombre. La sagesse commande donc de le conserver tel qu’il est, d’en étudier le
comportement, pour nous inspirer, quant au nôtre, des règles qui lui ont valu
son succès.
On remarquera que le premier soin des éleveurs de chiens de
chasse de réputation internationale a été de les délivrer de tout poids mort,
réduisant les allures et, il faut le dire, diminuant leur résistance à la
fatigue. Ils ont fait la guerre aux tissus relâchés, indices de lymphatisme
— que nous avons parfois érigés en caractère de race, — et, de même,
à certains péchés évidents contre la saine anatomie. Il n’y a qu’une bonne
structure pour le rein, la conformation de l’avant et de l’arrière-main, la
direction des aplombs. Il n’est question ici, bien entendu, que des races non
tératogéniques : les races tératogéniques sont conçues anatomiquement
suivant les principes qui leurs sont propres.
Nous avons perdu du temps à discuter de modèles lourds (qui l’étaient
trop, en effet), de modèles légers, qu’il eût été plus juste de qualifier de
rationnels, en enterrant définitivement les premiers. Nous avons discuté d’une
foule d’inclinaisons d’épaule, alors qu’il suffisait de s’entendre, suivant
qu’on voulait un trotteur ou un galopeur. Il est certain, par exemple, que
l’épaule droite n’appartient ni à l’un ni à l’autre et qu’elle ne vaut rien. Et
pourtant ! On a versé des litres d’encre pour trancher les mérites du pied
de lièvre comparé au pied de chat. Or il n’y a pas trente-six formes de bons
pieds. Les jarrets ont eu au moins autant de succès littéraire. Fort heureux
lorsqu’on n’a pas exigé d’un galopeur désiré d’avoir l’inclinaison de cet
organe propre au trotteur. On s’est noyé dans de minces détails en faisant des
erreurs, et, d’autre part, on est demeuré muet sur la recherche de
connaissances indispensables, telles celles des relations des axes du crâne,
des proportions face-crâne, tête-tronc, taille-longueur du tronc, etc. On a
oublié que la statuaire est basée sur l’étude des proportions des régions
essentielles.
On a décrit copieusement (beaucoup trop, parce que toute
précision s’évapore) à l’œil, sans qu’il soit fait mention d’un chiffre, un
prototype qu’avec cette seule description il serait impossible de réaliser en
image. Voyez, à ce propos, la préface de la monographie de Bylandt. Aucun
standard n’a été autant dire illustré du portrait du prototype, qui, à lui seul
et convenablement reproduit, en dirait plus long que toute littérature.
Et, ainsi montés, nous sommes partis en campagne, armés de
pied en cap, pensions-nous, pour la plus grande gloire de nos chers toutous. Il
serait fastidieux d’énumérer les disparus, depuis les premiers jours de ce
siècle. Il est quelques lourdauds sur la pente fatale, à peu près perdus, parce
qu’on ne voudra pas les modifier et qu’ensuite les rangs en sont peu fournis.
Il en est d’autres, beaucoup plus intéressants, chez lesquels l’erreur et la
vérité voisinent et que l’on peut espérer voir libérés de celle-là. Pour y parvenir,
oserai-je dire qu’aucun Épagneul ne devrait avoir plus de volume qu’un Setter,
convenablement étoffé (ce qui ne veut pas dire même influx nerveux) ;
qu’aucun Braque n’a besoin de présenter plus de masse que celui qu’estiment nos
compatriotes d’Alsace et les chasseurs de nombreux pays ? Les succès qu’a
connus celui-ci, à la suite de sa transformation, indiquent assez quelle est la
bonne voie.
Dès longtemps, nos veneurs ont su adapter leurs auxiliaires
aux contingences, et, n’étaient les malheurs du temps dont ils ont eu tant à
souffrir, l’état de leur élevage témoignerait en faveur de leurs facultés
d’observation.
La petite vénerie, moins avisée, aura laissé tomber quelques
plumes de l’espèce lourde en général, comme cela devait être. Mais on peut penser
qu’il n’y a rien à faire devant le succès des petits Anglo-Français et petits
Anglais.
Dans le compartiment Terriers terrant, le Fox-Terrier tient
toujours la première place. Celui à poil plat, le plus facile à entretenir,
propre pour ce genre de sport, reprend sa place d’antan. On voudrait que le
Teckel, si bien adapté à la chasse souterraine, fût moins considéré comme chien
de luxe, d’autant qu’on le voit de plus en plus en nombre.
La saison de chasse sera ouverte à l’heure où ces lignes
paraîtront. Si le recrutement des armes doit encore présenter quelque
difficulté, les amateurs n’auront aucune peine à sa procurer leurs auxiliaires
à quatre pattes, en y mettant le prix, bien entendu. Il y a des chiens pour
tous les goûts, même pour les originaux à la recherche de formes plus ou moins
périmées. Seuls ceux opérant en contrées extrêmement giboyeuses ont intérêt à
utiliser les services d’un chien à rayon d’action réduit. La plupart d’entre
eux ont compris qu’ils ont dans les Spaniels les auxiliaires les plus indiqués
et les doivent préférer aux chiens d’arrêt à roulettes dans le genre de feu le
Griffon Boulet. Ce chien de tant de cachet, mais absolument dénué d’allure, a
disparu comme disparaîtront Mégabraques et Épagneuls dans le style chiens de
montagne, parce qu’il faut se dire, une fois pour toutes, terminée leur faveur,
autant que celle du pisteur lourd vocalisant à beau bruit sur la voie d’un
animal qu’il ne prenait jamais.
R. DE KERMADEC.
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