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Causerie médicale

Le rhumatisme articulaire aigu

Sous le nom de rhumatisme, la médecine ancienne a longuement confondu un certain nombre d’affections disparates, et cette confusion existe encore dans le public ; on qualifie de rhumatismes toutes les affections douloureuses des muscles et des articulations. Depuis Hippocrate jusqu’aux temps relativement modernes, on englobait dans un même chapitre les arthrites aiguës ou chroniques, la goutte et ce que nous distinguons aujourd’hui sous le nom de rhumatisme vrai.

Et, d’autre part, on ne prête souvent pas une attention suffisante à cette maladie, qui est une des plus graves, tant en ce qui concerne l’individu qu’au point de vue social, le rhumatisme, avec ses suites, étant une des plus grandes causes d’invalidité.

Il existe, contre le rhumatisme, une Ligue internationale, dont la section française est loin d’être une des moins actives.

On range le rhumatisme articulaire aigu parmi les maladies infectieuses, dont il a tous les caractères cliniques ; l’agent pathogène, le microbe causal, semble être un streptocoque némolytique. On a souvent observé de petites épidémies locales, et la contagion paraît s’être faite d’homme à homme, sans qu’on en ait encore découvert les modalités.

Il est de notion courante que les fatigues, les surmenages, l’action du froid, surtout du froid humide, sont des causes fortement prédisposantes. On a incriminé les antécédents personnels ou héréditaires de maladies dites « arthritiques », comme la goutte, le diabète, l’obésité, la lithiase biliaire, mais on observe fort souvent le rhumatisme chez des sujets vierges de toute hérédité pathologique.

Comme à toutes les maladies infectieuses, on signale, pour le rhumatisme, une période d’incubation sans caractères bien tranchés, avec des malaises vagues, une sensation de fatigue plus intense, quelques douleurs.

Le début, quand on peut l’observer, se manifeste, dans le plus grand nombre de ces cas, par une angine, qui se traduit, comme toutes les angines, par une douleur à la déglutition. Vient-on à observer la gorge à ce moment-là, on constate qu’elle est d’une rougeur intense, parfois plus marquée d’un seul côté, sans limites nettes, souvent avec une légère enflure du palais par œdème ; les exsudats blanchâtres sont exceptionnels.

En général, cette angine, qui s’accompagne de fièvre, précède de deux à trois jours l’apparition des phénomènes articulaires.

Ceux-ci débutent presque toujours par une grosse articulation, une de celles qui sont le plus soumises à la fatigue, le genou, dans la majorité des cas ; de là, il atteint d’autres jointures, par ordre habituel de fréquence ; il atteint le coude, le poignet, le cou-de-pied, l’épaule ; les petites articulations des doigts, des orteils, sont plus rarement affectées, au contraire de ce qui se passe pour la goutte.

À ce moment, l’articulation atteinte présente les quatre signes cardinaux qui caractérisent ce qu’on appelait une fluxion, à savoir : rougeurs, chaleur, tumeur et douleur.

La rougeur est manifeste, bien qu’en général peu intense ; il s’agit plutôt d’une teinte rosée qui tranche sur le ton blafard des régions voisines et sur le fond de laquelle les gaines synoviales dessinent des traînées plus foncées.

La chaleur est appréciable à la main, par contraste avec les parties voisines ; le thermomètre, appliqué sur la peau, montre que la différence de température atteint un demi à un degré.

La tumeur saute également aux yeux ; l’articulation est distendue par un excès de liquide synovial, et la peau est fréquemment œdématiée ; l’attitude du malade est d’ailleurs caractéristique : instinctivement, il adopte la position demi-fléchie qui met les ligaments et les muscles dans le plus grand état de relâchement.

Quant à la douleur, c’est le symptôme capital, pour le malade surtout ; elle est intense, s’exaspère par le moindre attouchement, au point que, souvent, le contact des draps devient insupportable et qu’on est obligé de les écarter au moyen d’un cerceau.

Bien que ce malade s’immobilise aussi complètement que possible, les mouvements restent possibles, quoique très douloureux.

Comme signes généraux, il faut noter la fièvre et les sueurs.

La fièvre peut atteindre un degré assez élevé, mais elle ne le fait pas d’emblée dans les formes ordinaires, et sa courbe n’offre aucun caractère de régularité. Les sueurs sont abondantes et ont cette particularité d’être acides.

Les troubles digestifs ou nerveux sont ceux qui accompagnent toutes les affections fébriles : les urines sont rares, colorées, et renferment de l’albumine dans un tiers des cas.

Au bout de quelques jours, les phénomènes douloureux s’amendent, mais se reproduisent sur une autre jointure.

La durée totale de l’affection dépend de l’intensité et de la précocité du traitement ; elle est en général de trois à quatre semaines ; certaines localisations sont particulièrement tenaces et douloureuses, comme le rhumatisme vertébral.

Une première attaque ne confère aucune immunité ; il faut toujours se méfier des rechutes et des récidives.

La convalescence est toujours longue, marquée par un état d’anémie prononcée.

Parmi les complications, il en est deux, de fréquence fort inégale, qui méritent d’être envisagées.

Le rhumatisme cérébral est assez rare ; il frappe surtout les sujets surmenés, ayant subi de graves revers ; il se caractérise par une agitation et un délire violent, allant des formes suraiguës, où l’on a vu la mort survenir en un quart d’heure, aux formes atténuées, qualifiées de « folie rhumatismale », avec mutisme, indifférence et abattement.

L’atteinte du cœur, moins dramatique d’apparence, est la cause qui donne au rhumatisme son caractère d’exceptionnelle gravité.

Un tiers au moins et probablement davantage des maladies acquises du cœur sont dues au rhumatisme, et, une fois constituées, elles sont incurables.

L’infection rhumatismale peut frapper le péricarde, le myocarde, c’est-à-dire le muscle cardiaque lui-même, et surtout l’endocarde, la membrane qui tapisse l’intérieur du cœur et ses valvules, avec une prédilection pour la valvule mitrale. Cette atteinte se révèle, au cours de la première ou de la deuxième semaine de la maladie, par un assourdissement des bruits du cœur, accompagné, le plus souvent, de bruits de souffle anormaux.

L’affection cardiaque, une fois constituée, est indélébile ; elle est compatible avec une existence assez longue si le sujet veut bien se ménager, mais elle lui interdit toute espèce d’efforts et l’expose, tôt ou tard, à des accidents graves.

On comprend que le médecin fasse tous ses efforts pour éviter cette dangereuse complication.

La thérapeutique ne possède, contre le rhumatisme, qu’un seul médicament, heureusement efficace, le salicylate de soude, dont, malheureusement, nombre de malades ne comprennent pas l’importance, dont ils réduisent les doses une fois atteint un premier effet, qui est d’atténuer la douleur.

Certes, le salicylate a des inconvénients ; il détermine quelques troubles digestifs, des maux de tête, des bourdonnements d’oreilles, des surdités passagères. Malgré cela, il faut l’employer jusqu’à ce que la chimie pharmaceutique ait découvert un produit aussi efficace et dépourvu d’actions secondaires fâcheuses. Il faut l’employer aussi tôt que possible et à doses fortes (6 à 10 gr. par jour) et le donner à intervalles réguliers, jour et nuit, car, « tandis que le malade dort, le rhumatisme veille » ; on commencera, si possible, par une injection intraveineuse. Une fois l’effet voulu atteint, on pourra diminuer les doses, mais la médication doit être poursuivie longtemps, même après guérison apparente ; il faut, naturellement, employer un produit aussi pur que possible, l’associer à une quantité double de bicarbonate de soude, ce qui améliore la tolérance ; on masque le goût avec du sirop d’écorces d’oranges.

Le malade devra garder le lit jusqu’à guérison complète, avec un régime de lait, de jus de fruits ; plus tard, il aura besoin d’une nourriture reconstituante, et, s’il persiste quelques raideurs articulaires, on usera de massages, de bains chauds, de cures thermales sulfureuses. Contre les rechutes chez l’enfant surtout, on a obtenu, en Amérique, des résultats encourageants par l’emploi des sulfamides (1 à 2 gr. par jour au cours de la saison froide).

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°611 Décembre 1946 Page 362