On estimera comme nous qu’il n’est pas trop tôt de parler du
Jamboree de 1947 lorsqu’on saura que, depuis près de deux ans, des dizaines de
chefs et de cheftaines, dans un bureau de la rue Ampère, à Paris, et en divers
lieux de la province, le préparent activement.
Le lieu choisi est une boucle de la Seine située à Moisson,
à 70 kilomètres de la capitale. De nombreux aménagements et même des
sortes de « répétitions » ont eu lieu sur ce terrain. On y a fait
notamment des liaisons téléphoniques pour voir avec quelle rapidité il serait
possible, sans « embouteillage » des lignes prévues, d’alerter tous
les sous-camps d’un événement inattendu : la visite d’un prince étranger,
par exemple. Des incidents amusants se produisirent même à ces occasions, de
vrais journalistes en quête de « papiers » ayant été pris pour des
chefs scouts tenant simplement le rôle de journalistes.
Le but de ce camp international, on le connaît. Il s’agit de
réunir dans une ville éphémère, ne durant que du 9 au 20 août 1947, trente
mille garçons venus de tous les pays du monde. Ces garçons n’auront que de
douze à seize ans. Ils seront seulement accompagnés de leurs chefs.
Dix mille places sont réservées aux représentants de notre
pays. Comme les éclaireurs des quatre associations masculines françaises
(éclaireurs de France, éclaireurs unionistes, scouts de France, éclaireurs
Israélites) sont plus de cent mille, ils rivalisent actuellement de
performances pour être admis à ce camp. La France se doit de choisir une
délégation de première qualité. Un Jamboree n’ayant lieu que tous les quatre
ans (les précédents se sont tenus en Angleterre, au Danemark, en Écosse, en
Hongrie, en Hollande), il faut, en effet, tout au moins en principe, que deux
cents années s’écoulent pour qu’un même pays se voie retenu une deuxième fois
par la conférence scoute internationale.
Dans les deux continents, en ce moment, de jeunes garçons
espèrent aussi être envoyés à Moisson. Un film de propagande sur le scoutisme
français et sur les beautés touristiques de la France est actuellement projeté
sur tous les points du globe, pour rendre encore plus alléchante l’invitation
lancée par la France de venir à Moisson en août 1947.
L’insigne du camp, qui sera porté par tous les participants
sur leur chemise, montre un nœud de carrick, symbole de l’amitié, sur une fleur
de lys, dessin des premières boussoles et emblème du scoutisme choisi par
Baden-Powell. Le nom du rassemblement ne manque pas d’ambition : Jamboree
de la paix.
Fidèles à la pensée de leur fondateur, les scouts veulent
croire que l’esprit fraternel sera plus fort que l’ambition guerrière et que la
haine.
Les organisateurs du camp activent leurs préparatifs :
il faut construire des canalisations d’eau, des routes, des voies de chemins de
fer ; il faut s’assurer les milliers de tonnes de vivres qui seront
nécessaires. Dès octobre 1946, de la viande pour 20 millions de francs a
été réservée dans des frigidaires. Il faut aussi penser aux interprètes, aux
visites officielles, aux démonstrations sur l’arène, aux circuits d’excursions.
Il faut jeter les bases du journal qui, tous les jours, paraîtra en plusieurs
langues ... Il faut que tout soit minutieusement réglé. L’étranger nous a
trop souvent considérés comme des improvisateurs de la dernière minute pour que
les scouts français ne cherchent pas à offrir à leurs hôtes un Jamboree
parfaitement au point.
F. JOUBREL.
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