On ne peut rouler facilement et confortablement à bicyclette
que si l’on est en bonne position ; autrement, le rendement des muscles
est médiocre et l’on souffre, parfois de façon intolérable, de la selle, des
reins ou des poignets ; et bien des personnes, mal averties, n’ont renoncé
au cyclisme que faute d’avoir su se mettre en bonne position.
Ce n’est pas que l’on n’ait pas fréquemment défini la
façon de se bien placer à bicyclette ; mais généralement on ne tient pas
grand compte des mesures assez précises que l’expérience des bons cyclistes a
fixées ; on se contente de placer la selle à une hauteur qui semble
permettre de pédaler aisément ; parfois on va jusqu’à déterminer cette
hauteur en plaçant le talon sur la pédale amenée au bas de sa course, le jarret
ne devant être qu’à peine tendu. Or cette façon de repérer la position,
meilleure assurément que l’absence de toute mesure, n’est cependant pas assez
précise, puisque, pour une même longueur de la jambe étendue, la selle peut
être placée plus ou moins haut suivant qu’on la place plus ou moins en avant.
Ainsi, deux mesures sont nécessaires pour déterminer la position de la selle
par rapport à l’axe du pédalier.
Remarquons tout d’abord que la hauteur de la selle ne dépend
point de la taille totale du cycliste, mais bien de la longueur de ses jambes.
Il faut donc mesurer cette longueur des membres inférieurs. Pour ce faire,
après avoir pris la taille totale sur le sujet debout sous la toise, on prend,
en position assise, le dos bien droit et bien appuyé contre la même toise, la
taille de la partie supérieure du corps ; en soustrayant cette demi-taille
de la taille totale, on a la longueur des membres inférieurs, mesurés depuis la
plante des pieds jusqu’aux os ischions du bassin, qui, précisément posent sur
la selle, tout comme en position assise ils posent sur le sol sous la toise.
Ainsi, un homme de 1m,76, mesurant assis 88 centimètres, aura
pour longueur de jambes 1m,76 – 0m,88 = 0m,88 ;
il aura donc les deux parties du corps égales, ce qui est la conformation
normale la mieux équilibrée, la plus belle. Mais cette égalité est rare et
semble le devenir de plus en plus, sans doute parce que les membres inférieurs,
de moins en moins utilisés en longues marches et en jeux de déplacement pendant
le jeune âge et l’adolescence, font mal leur croissance naturelle. Quelle qu’en
soit d’ailleurs la raison, les jambes sont généralement moins longues que le
buste de 4, 8, parfois 12 centimètres ; les personnes de petite
taille ne doivent le plus souvent cette structure qu’au manque de croissance de
leurs jambes, leur buste étant développé pour s’harmoniser avec une taille
totale de plusieurs centimètres de plus. Beaucoup de femmes qui ne mesurent que
de 1m,50 à 1m,55 sont dans ce cas.
On voit donc combien il importe de fixer la hauteur de la
selle d’après la longueur des jambes.
Cette hauteur sera prise de l’axe du pédalier au point
ischial de la selle. Nous appelons point ischial la partie de la selle sur
laquelle repose l’os du bassin, partie située entre le troisième et le
quatrième quart de la longueur de cette selle. Ce repère est plus exact que le
bec de selle ou le croissant arrière, dont les distances au pédalier varient,
indépendamment de la position, suivant la longueur de la selle.
Si nous appelons PS la distance du pédalier au point
ischial, nous dirons que cette distance égale la longueur des jambes, L,
diminuée d’un septième. PS = L – L/7. Pour notre homme aux 88 centimètres
de jambes, cela donne : 88 - 12,5 = 75,5 centimètres.
D’autre part, la selle doit être plus ou moins reculée par
rapport à l’axe du pédalier. On déterminera ce recul, R, en prenant les deux
cinquièmes de PS, soit, dans le cas présent : R = 75,5 x 2
/ 5 = 30 centimètres ; ce qui veut dire qu’un fil à plomb
tombant verticalement depuis le point ischial doit croiser la fourche arrière à
30 centimètres du pédalier. S’il s’agit d’une femme de 1m,50,
avec 70 centimètres de jambes, nous aurons : PS = 70 / 7 = 60 ;
et R = 120 / 5 = 24.
La selle étant placée suivant ces mesures, il faut placer le
guidon de façon que ses poignées soient à hauteur du plan de la selle
— position penchée à environ 45° — ou légèrement au-dessus, et que
leur distance soit à peu près égale à PS ou hauteur de la selle. Enfin, il faut
poser les pieds — de préférence avec des cale-pieds bien ajustés — de
façon que les trois quarts du pied restent en arrière de l’axe de la pédale.
La position ainsi établie, il faut s’y habituer avec
confiance, même si elle semble au début « rendre » moins. Car il ne
s’agit que de s’y faire pour en tirer beaucoup plus de confort, de facilité et
de sécurité.
Dr RUFFIER.
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