Si le mouvement éclaireur, fondé en 1908, groupe
actuellement huit millions d’adhérents à travers le monde (dont 300.000 environ
en France), il a aussi trouvé de nombreux échos à l’extérieur.
On peut dire, tout d’abord, qu’il a généralisé en France les
« méthodes actives » d’éducation. Ces méthodes, mises au point dans
notre pays par Itard, Séguin et Bourneville, et, à l’étranger, par Decroly,
Pestalozzi, Montessori, Bakule notamment, commencent à pénétrer l’enseignement
proprement dit : l’expérience des « sixièmes nouvelles » prépare
une réforme de nos écoles qui les fera ressembler à celles d’un grand nombre de
nations plus évoluées que la nôtre. Mais l’éducation active est déjà largement appliqués
pour les loisirs des jeunes. Les colonies de vacances n’ont conservé que très
peu de points de ressemblance avec les « garderies » de jadis. Ce ne
sont plus de simples surveillants qui encadrent les enfants, mais des moniteurs
pleins d’allant, véritables « semeurs de joie », jouant, chantant et
dansant avec leurs équipes.
Les mouvements de jeunesse ont aussi emprunté un grand
nombre de coutumes du scoutisme. Leurs insignes, leurs fanions, leurs
rassemblements, leurs veillées et leurs feux de camp ressemblent de façon
frappante à ceux des éclaireurs. Jécistes, Jocistes ou Cœurs vaillants,
Francs-camarades ou patronages divers reconnaissent avoir pris des
enseignements chez les disciples de Baden-Powell. Ils y ont acquis un climat
pittoresque, vivant, et ont accru leur succès auprès des enfants et
adolescents.
C’est encore l’exemple donné par les scouts qui a popularisé
chez nous le goût du plein air. Voyait-on autrefois tant de culottes courtes et
de foulards colorés sur les routes, de tentes et de foyers sur les plateaux et
dans les clairières ? Les éclaireurs ont lancé la mode et, devenus hommes,
ont continué, avec leur famille, à aimer la nature.
Combien de groupes d’Auberges de Jeunesse ont choisi (tout
au moins à l’origine) pour « responsables » des camarades ayant
appris à connaître les plantes, les arbres, les nuages et les étoiles sous le
chapeau kaki à larges bords !
Dans des champs d’influence plus inattendus, le scoutisme a
déterminé d’heureuses modifications. Si les « maisons de correction »
se sont transformées, par exemple, — nous avons déjà eu l’occasion de le
signaler dans cette chronique — c’est bien parce que des chefs éclaireurs
ont décidé de prendre la place des inefficaces « gardes-chiourmes ».
Ils ont voulu faire la preuve que, comme le dit Baden-Powell, il existe dans
tout enfant, même le plus mauvais, 5 p. 100 de bon, et que cette
proportion peut, dans la plupart des cas, être largement augmentée.
Si, dans l’armée, beaucoup d’officiers se tiennent plus près
de leurs hommes qu’autrefois, c’est qu’ils ont appris, à la tête d’un groupe de
garçons, à ne pas seulement donner des ordres, mais à faire admettre la
discipline par ceux qui doivent s’y plier.
La formation prémilitaire donne, elle aussi, l’occasion de
constater, par ses jeux, ses chants, ses veillées et même ses feux de camps,
que l’influence scoute y est profonde.
Dans le commerce et l’industrie, dans les fonctions
administratives et politiques, les anciens scouts, s’ils sont restés fidèles à
leur promesse, essaient de faire régner une atmosphère de droiture et de bonne
humeur.
Comme les scouts, d’ordinaire, se reconnaissent rapidement
entre eux et que le souvenir d’activités communes crée entre eux un lien
extrêmement solide, ils ont formé dans tout le pays un réseau solide, capable
de se manifester dans les circonstances difficiles. Des associations à leur
usage, « Les Amis des Éclaireurs », « Les Amis des
Scouts », « Les Amitiés Scoutes », permettent d’ailleurs à cette
confrérie de prendre conscience de sa force. Deux anciens scouts se tutoient
rapidement et se serrent la main gauche.
M. D. Forestier, animateur des Scouts de France,
écrivait récemment : « Maintenant, grâce au Scoutisme, une percée est
faite. Le renouveau est en marche. » Phrase sans doute quelque peu
optimiste ... On ne saurait cependant sous-estimer la marque que le
Scoutisme, chevalerie moderne, imprime de plus en plus dans notre pays.
F. JOUBREL.
|