Bien des personnes ne pratiquent la bicyclette que
pendant leurs vacances. Leur profession ne les oblige pas à s’en servir « utilitairement »,
et, surtout s’ils sont citadins, d’autres distractions occupent leurs
dimanches. Mais ils se promettent bien de pédaler allègrement par les routes et
chemins embellis par l’été, dès qu’ils jouiront de leurs longs loisirs de
vacances. Et c’est là, évidemment, une excellente intention ; car, pour se
remettre des fatigues et tracas de la vie quotidienne, pour secouer la routine
des gestes et même des pensées qu’impose la profession, rien n’est plus
efficace que cet exercice prolongé au grand air, qui joint les effets de
l’activité physique sur le corps à ceux que la contemplation de la nature
apporte à l’esprit.
Malheureusement, ces rêves d’évasion dans les campagnes
fleuries, au long des rivières murmurantes, sous les ombrages des solennelles
forêts, se heurtent trop souvent, dès qu’on veut les réaliser, à des déboires
décourageants. La fatigue, les courbatures tenaces sont les résultats pénibles
des premières tentatives ; et, en fait d’impressions, on n’a le souvenir
que des efforts qu’il a fallu donner dans les côtes ou contre le vent. On
arrive à considérer une promenade de plus de 50 kilomètres comme un
exploit athlétique, réservé aux champions ; et l’on ne peut même envisager
l’entreprise d’un voyage à bicyclette à travers quelque belle région de France.
Aussi le vélo que l’on a emporté en villégiature, avec ses autres bagages, ne
remplit bientôt qu’un rôle utilitaire banal, pour le transport de l’hôtel à la
plage ou vers la proche auberge où il est de mode de prendre le thé. Pendant
ses vacances, on n’aura bénéficié d’aucun des agréments et avantages qu’on peut
retirer du cyclisme.
C’est qu’on a oublié que ce cyclisme est un exercice
physique assez intense qu’on ne peut pratiquer facilement et agréablement sans
s’y être préparé. Il ne s’agit certes pas de s’astreindre à l’entraînement
sévère et prolongé par lequel les coureurs se mettent en forme ; mais il
faut adapter ses muscles à ce mouvement spécial, le pédalage, auquel ne nous
habituent nullement les gestes ni les allées et venues de la vie courante. Et,
d’autre part, si le cyclisme a de bons effets sur la santé, c’est qu’il
détermine une assez grande dépense d’énergie, exigeant bonne respiration et
circulation facile. La vie sédentaire, à laquelle tant de gens sont astreints
de par leur profession, porte atteinte à la fois à la vigueur de leurs muscles
et à la puissance fonctionnelle de leurs organes. C’est à cet amoindrissement
de leurs capacités physiques qu’on devrait remédier avant de partir en
vacances, si l’on veut profiter de celles-ci pour pratiquer le cyclisme avec
assez de régularité pour en retirer du plaisir et de la santé.
Cette préparation aux vacances cyclistes ne présente rien de
difficile ni de compliqué. Les personnes qui, en temps ordinaire, font un peu
de bicyclette, n’ont qu’à augmenter le nombre de leurs sorties et,
progressivement, leur allure. En couvrant 20 kilomètres deux fois par semaine,
et 50 le dimanche, pendant tout le mois précédant les vacances, on se mettra
en forme bien suffisante pour de bonnes excursions et même pour un voyage. Il
faudra travailler le pédalage en souplesse, l’allure régulière et soutenue,
terminer un peu vite les derniers kilomètres. Si l’on joint à cet entraînement
spécial la pratique tri-hebdomadaire d’une bonne séance de culture physique
générale, nul doute qu’on ne devienne, au bout d’un mois, capable de randonnées
dépassant les 100 kilomètres. Si l’on n’a pas la possibilité de faire
assez de bicyclette avant le départ en vacances, c’est par la culture physique
qu’il faudra assurer son entraînement. Ce sera l’occasion de recourir à la gymnastique
fondamentale que nous préconisons et décrivons dans ce même Chasseur
français. Une séance quotidienne, durant vingt-cinq minutes, pendant un
mois, mettra certainement en cet état « d’entraînement général
moyen » qui permet d’aborder, sans risquer grande fatigue, n’importe quel
sport de grand air. Pour le cyclisme, il conviendra d’insister sur les
« exercices généraux » qui terminent la séance, sautillements et
bonds sur place, saut à la corde, pas gymnastique de jour en jour plus
prolongé. Signalons enfin la « montée d’escaliers », si facile à pratiquer
dans la plupart des villes, qui fait travailler exactement les mêmes muscles
que le pédalage. Il faut la faire en souplesse, en se soulevant sur la pointe
des pieds, en respirant lentement et profondément. Dix à quinze étages montés
chaque jour de cette façon donnent aux cyclistes muscles alertes et bon
souffle.
Quelques mots encore sur le voyage à bicyclette, qui est une
des plus saines et des plus intelligentes façons d’employer ses vacances. On
recule souvent devant les difficultés et les complications qu’on lui suppose ;
la première expérience dément toutes ces craintes, si on la mène
raisonnablement.
D’abord, même si l’on est bien préparé, se contenter, les
deux ou trois premiers jours, d’étapes assez courtes, ne dépassant pas 50 kilomètres,
sauf qualités cyclistes éprouvées. Se reposer le troisième ou quatrième jour.
Après quoi, sûrement à l’abri des grosses courbatures, on pourra parcourir
chaque jour de 80 à 120 kilomètres, étapes qui permettent de faire bien du
chemin en trois ou quatre semaines.
Partir de très bonne heure, à l’aube si possible. Les routes
sont libres jusqu’à 8 et même 9 heures ; et la nature à son réveil
est particulièrement enchanteresse. Se nourrir de vivres emportés dans le sac.
Sieste en plein air. Arrivée l’après-midi à l’étape dont décidera
l’« occasion » représentés par une auberge accueillante, un site
agréable. Il faut avoir du temps pour faire le ravitaillement du lendemain,
vérifier la machine, tout préparer et mettre en ordre pour le départ au
réveil ; coucher de bonne heure.
En suivant d’abord ces principes essentiels, on tirera
bientôt de son expérience personnelle les modifications et les compléments
qu’il faut leur apporter suivant ses goûts et ses aptitudes.
Dr RUFFIER.
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